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Billet de blog 28 mai 2016

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Iran : L’eldorado moribond

Comment le cynisme des affaires peut-il emporter autant d’adhésion auprès de nos représentants politiques ? Comment peut-on considérer que l’Iran est un eldorado, alors que l’économie du pays est proprement moribonde ?

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

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Il est un fait que depuis les accords sur le nucléaire Iranien, les prospectives d’investissement vont bon train. De nombreuses sociétés reviennent s’implanter (PSA, Vinci, Bouygues, Total…) et raflent de juteux contrats. Il est en effet fort possible que Vinci trouve moins de résistance dans la rénovation de l’aéroport de Mashad que dans la construction de celui de Notre Dame des Landes. Les uns après les autres, les ministres et représentants des pays occidentaux se précipitent à Téhéran. Pas plus tard qu’au mois d’avril 2016, ce sont Matteo Renzi, président du conseil Italien et Federica Mogherini, haute représentante de l’UE qui se sont empressés de rendre visite au président « modéré » Rohani.

L’emballement médiatico-financier

Oui mais voilà, aux chiffres, on peut tout faire dire. Certes, nous admettons que les ressources présentes dans le sous-sol Iranien puissent être une garantie de flux financiers importants, voire colossaux dans les années à venir. Reste à savoir qui va en profiter. Et c’est là que l’affaire se corse sérieusement. Car dans les faits, si le président Rohani est loin d’être un modéré, il prône toutefois l’ouverture économique, paraphant de nombreux contrats avec des multinationales étrangères, trop heureuses de venir gonfler ici leurs futurs dividendes. 

Mais le guide suprême, Ali Khameneï ne partage pas cette vision du développement du pays. Pour lui, l’Iran doit s’en sortir seul, grâce à une politique intérieure permettant l’autosuffisance et surtout, garantissant la souveraineté du pays. Deux visions politiques s’opposent donc violemment au sommet de l’état, et ce n’est même pas là le principal problème de l’économie Iranienne.

Les sanctions infligées à l’Iran sont, pour certaines, tombées depuis l’accord sur le nucléaire. Cet entêtement à vouloir développer un programme nucléaire contre vents et marées a coûté bien plus que l’investissement financier. L’Iran a été mis au banc des nations et les échanges commerciaux très limités avec l’extérieur n’ont pu que contribuer fortement à faire chuter l’économie du pays. Aujourd’hui, alors que les frontières semblent vouloir de nouveau s’ouvrir, il reste de nombreux problèmes à régler.

Les secteur privé phagocyté par les Pasdarans

Et le problème N°1 est lié aux Pasdarans. Ces gardiens de la révolution, par qui tout passe aujourd’hui. Le régime court vers la libéralisation de l’économie, et vend ses entreprises nationales au secteur privé. Mais plus de 50 % de ses entreprises privées sont contrôlées par les Pasdarans, très proches du guide suprême. Cette caste possède tellement de biens qu’il est aujourd’hui impossible même d’évaluer sa fortune. La corruption est présente partout, aucune réelle étude de marché n’est réalisée avant de grands travaux… En bref, le modèle économique n’est pas viable.

Mais ce n’est pas tout. Les sanctions ne pas encore toutes tombées. Et nombre d’organisations de ces Pasdarans sont inscrites sur la liste des organisations terroristes par les Etats-Unis. Les maîtres du monde autoproclamés que sont les Américains ont donc tout pouvoir de condamner une entreprise multinationale qui flirterait d’un peu trop très avec une organisation fichée par leurs services. Si les entreprises Françaises jouissent d’accords fiscaux privilégiés avec l’Iran du fait d’une longue histoire entre les deux pays, les Américains possèdent donc, quant à eux, le pouvoir de la punition.

Résumons donc. L’Iran possède un potentiel de développement énorme, mais l’économie du pays est sclérosée par les Pasdarans, freinée par les tensions politiques internes.

Et ce n’est pas fini. La forte baisse du baril de pétrole ne permet pas au pays d’obtenir les rentrées escomptées, ni de rénover les outils qui permettraient de raffiner directement l’or noir au pays, et ainsi de le vendre bien plus cher. Rappelons également que les entreprises désormais contrôlées par les Pasdarans ne paient pas d’impôts, et que la grande partie du budget Iranien, jusqu’alors consacré aux recherches sur le nucléaire, est dorénavant englouti par les guerres locales en Syrie, en Irak et au Yémen principalement.

Conséquences directes ; toutes les prestations sociales disparaissent, le cours de la monnaie chute, l’inflation dépasse allègrement les 20 %, la population crève la gueule ouverte, et les rares qui osent protester contre cet état de fait sont emprisonnés à l’issue de procès instruits entièrement à charge, sans preuves factuelles et avec pour seul motif la « menace sur la sécurité du pays ». Comment, lorsque l’on est une prétendue démocratie occidentale, peut-on se réjouir d’une éventuelle ouverture de l’Iran aux affaires ? Comment le cynisme des affaires peut-il emporter autant d’adhésion auprès de nos représentants politiques ? Comment peut-on considérer que l’Iran est un eldorado, alors que l’économie du pays est proprement moribonde ? 

Quoiqu’il en soit, que l’Iran décide dans le futur de conserver son indépendance économique, ou qu’il s’ouvre au reste du monde via des accords commerciaux, les Pasdarans représentent un obstacle paraissant aujourd’hui insurmontable, à moins d’une révolution…  

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