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Billet de blog 30 août 2016

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Eté 88, un massacre confidentiel en Iran

Puisque personne n’en parle en France, il semble intéressant de faire un point sur un événement majeur qui s’est déroulé tout dernièrement en Iran. En effet, au mois d’août, une révélation incroyable a secoué le régime Iranien.

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Illustration 1

 Mais avant d’y venir, remettons les choses dans leur contexte. En 1988, au début de l’été, le guide suprême Iranien a lancé une fatwa sur les Moudjahidines du peuple Iranien, ordonnant expressément à chaque responsable de chaque zone géographique du pays de passer par les armes tous les « hypocrites ». Précision utile, les hypocrites sont le nom donné aux Moudjahidines du peuple par le régime islamique.

 Pour ce faire, il fut alors créé un comité, chargé de superviser et d’organiser le massacre, la commission de la mort. Ainsi, durant plusieurs semaines, et essentiellement au mois d’août 1988, plus de 33 000 personnes furent exécutés pour la simple raison qu’ils restaient fermes sur leur conviction politique et rejetaient le régime islamiste. Mais, les relations internationales étant ce qu’elles sont, cette épuration est largement passée sous silence, certains accusant même les lanceurs d’alerte de l’époque de jouer au petit Pierre de Prokofiev. En d’autres termes, parler de ce massacre à grande échelle revenait à évoquer un fantasme, selon l’intelligentsia Parisienne.

Black-out sur le sujet 

Et, si l’on en juge par le nombre d’articles parus sur le sujet depuis 1988, et plus encore maintenant que la preuve est définitivement apportée de ces exécutions en nombre, on peut penser que le sujet est toujours tabou. Du moins en France.

 En 1988, en Iran, le guide suprême n’est autre que l’Ayatollah Khomeiny, et son numéro 2, futur successeur au trône n’est autre que l’Ayatollah Montazeri. Cette précision est importante, car Khomeiny mourra l’année suivante, et les plans prévoyaient donc l’accession au trône de Montazeri. Pourtant, Montazeri a fini en résidence surveillée et est décédé en 2009. Pourquoi ? Parce que l’homme a eu l’impudence d’oser écrire au guide suprême que ce génocide planifié était une erreur stratégique. Il pensait, à juste raison d’ailleurs, qu’un tel massacre renforcerait plus encore les positions des résistants. De plus, certains faits qu’il mentionne confinent plus à la cruauté gratuite qu’à la justice divine, même pour un mollah…

Le cas Montazeri

 Montazeri exprime donc son point de vue, contraire à celui des pasdarans et du guide suprême, et se retrouve déchu et assigné à résidence. Depuis plusieurs années, le CNRI et les Moudjahidines du peuple Iranien et autres défenseurs des droits humains, militent auprès de toutes les instances internationales pour qu’une enquête soit menée sur ces exactions. Les lois internationales existent. Il s’agit simplement de les appliquer. Mais, qu’il s’agisse de l’Onu, des différentes commissions relatives aux droits de l’homme, de l‘Union Européenne ou d’autres pays, personne ne veut froisser l’Iran, tant les perspectives de croissance économique mondiale via les ressources Iraniennes sont alléchantes. Puisque l’on vous dit que le sujet est tabou !

 Mais voilà, il y a deux semaine, le fils de M. Montazeri a diffusé sur le site officiel ouvert au nom de son père un document inédit d’une rencontre confidentielle entre son père et certains membres de la « commission de la mort ». Et ce document est sans équivoque. Il reprend certains faits précis, comme l’exécution d’une femme enceinte ou d’une jeune fille de 15 ans, condamné par solidarité avec son frère soupçonné d’être un sympathisant des Moudjahidines.

Massacre des prisonniers politiques en Iran : bouleversante révélation © CNRI France

La bombe médiatique… Qu’aucun media ne fait exploser…

 Mieux, Montazeri y explique très clairement que ce massacre donne une très mauvaise image de l’Iran, de la révolution islamique et de l’islam en général. Il a conscience de ce qui est en train de se passer et regrette que ces actions finissent par donner une image très négative de l’Ayatollah Khomeiny. Ce document est exceptionnel, et prouve, sans contestation possible, que le massacre a bien eu lieu, qu’il ne s’agit pas d’un fantasme, et qu’il est plus que temps que la communauté internationale se saisisse du dossier afin de traduire en justice les responsables.

 Ce document est d’autant plus important qu’il vient confirmer ce que l’on sait depuis près de 30 ans. La fatwa de Khomeiny et les différents courriers échangés entre le guide suprême et son fils attestaient déjà largement de ces faits. Aux questions posées par Ahmad Khomeiny sur la logistique des exécutions (doit-on tuer seulement ceux qui sont jugés ou bien également ceux qui ne sont pas encore jugés ? Est-ce que les autorités locales peuvent procéder sans la validation d’un chef lieu de province ? Les condamnés à la prison ayant déjà effectué une partie de leur peine doivent-ils quand même être exécutés ?), son père, le guide suprême répond clairement : « Au nom de dieu, pour l'ensemble de ces cas évoqués ci-dessus, quelle que soit la situation, toute personne qui persiste dans son hypocrisie est condamnée à mort. Annihilez le plus rapidement possible les ennemis de l'Islam. En ce qui concerne l'examen des dossiers, optez pour la manière qui entraîne l'exécution la plus rapide. »

 Au cours des ans, différentes personnes ont relaté ces événements, mais la diffusion de l’information est toujours restée confidentielle. Il est temps désormais que les être humains qui peuplent cette petite planète prennent conscience des conséquences de leur inaction. Surtout quand les humains en question sont sensés être responsables de structures visant à la sauvegarde des droits de l’homme dans le monde.

 Une exposition sur ce sujet a eu lieu les 23 et 24 août, dans la mairie du 2ème arrondissement de la ville de Paris.

Rama Yade lors d'une exposition à Paris sur le massacre de 30 000 prisonniers politiques en Iran © CNRI France

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