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Billet de blog 3 février 2011

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La colère du jeudi s'appelle "H.R 3" ou le "viol forcé"

C'est Chris Smith, député américain républicain, qui a très sérieusement lancé le débat au Congrès. Via le No Taxpayer funding forAbortion act, le monsieur et sa clique veulent redéfinir la loi permettant à l'Etat fédéral de rembourser un avortement sous certaines conditions.

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C'est Chris Smith, député américain républicain, qui a très sérieusement lancé le débat au Congrès. Via le No Taxpayer funding forAbortion act, le monsieur et sa clique veulent redéfinir la loi permettant à l'Etat fédéral de rembourser un avortement sous certaines conditions. Parce que tout de même, les impôts doivent servir à autre chose. Pour y parvenir, n'ayons peur de rien : redéfinissons le viol. Logique.

Depuis 1976, les dollars fédéraux peuvent en effet servir à rembourser un avortement si et seulement si la femme a subi un viol, un inceste ou si sa vie est en danger. Les « statutory rapes », détournement de mineurs, et « coerced rapes », viols sous la contrainte, sont pris encompte.

C'est là que le brillant esprit de Chris Smith et consorts intervient. Plus le viol est compliqué à faire entrer dans la case viol moins il n'a de chances d'être un viol et donc moins le « contribuable » n'a à payer si un avortement s'en suit. Donc redéfinissons.

173 Républicains, quelques démocrates, 16 femmes,soutiennent cette initiative. Voici finalement la teneur de leur proposition de loi « H.R 3 ».

N'autoriser le remboursement fédéral de l'avortement qu'aux conditions suivantes :

- « Because the pregnant female was the subject of an act of forcible rape or, if a minor, an act of incest ». Je laisse à chacun le soin de traduire « forcible ». Proposons viol « de force » ou viol « très violent ».

Laissez-moi imaginer le viol « de force » ou pas « de force », s'appréciant peut-être au nombre d'ecchymoses accompagnant la chose, à la présence ou l'absence de sang, à la puissance des cris. Celle qui a été violée dans un état d'inconscience ou droguée n'a clairement pas assez lutté pour que ce soit « violent ».

Deux semaines, après cette incroyable proposition de loi, nous sommes nombreux à attendre la définition du viol « forcé » de M. Smith (dont les positions n'ont en revanche rien de nouveau ; il a par exemple surnommé son ennemi Obama, le président de l'avortement).

Et un mot pour le mineur qui, quant à lui, à moins d'avoir subi un inceste (et rien d'autre), peut oublier l'aide fédérale...

- La proposition H.R 3 conserve tout de même le remboursement de l'avortement si la femme risque la mort en accouchant. « In the case where the pregnant female suffers from a physical disorder, physical injury, or physical illness that would, as certified by a physician, place the pregnant female in danger of death unless an abortion is performed, including a life-endangering physical condition caused by or arising from the pregnancy itself. »

La violence de ce langage est ahurissante. « Aucune proposition faite au Congrès n'avait jamais été aussi loin pour réduire la couverture sociale des femmes », a commenté Cécile Richards, présidente du Planning familial, rappelant que ce sont surtout les femmes les plus pauvres qui bénéficient des deniers fédéraux via la protection sociale Medicaid.

Le Sénat étant encore à majorité démocrate, cette proposition a peu de chance de devenir une loi. Mais entre ce débat sur le viole et le vote, mi-janvier, de l'abrogation du Obama Care, la haine républicaine pour l'aide sociale, pour la santé des plus démunis, la haine de la fragilité, est plus qu'inquiétante.

Pour en savoir plus sur les débats récents sur l'avortement aux Etats-Unis, lire ici.