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Billet de blog 28 septembre 2010

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La fabrique à tortilla, petite histoire d'une success story mexicaine à New York

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Dans la tortilleria Los Hermanos, la scène a quelque chose d'incohérent. Des quasi-mannequins perchées sur talons aiguilles, des Mexicains aux formes arrondies, des hipsters, jeunesse branchée en chemise à carreaux et pantalon moulant, des nounous afro, un SDF.

Ces New-Yorkais débarqués de différentes planètes viennent avaler des galettes de blé fourrées à la viande et aux crudités dans une sorte de garage déglingué ou dans l'alcôve abritant quatre tables et un grand bar. En fond sonore, le bruit de la machine à tortilla, un tapis électrique qui aplatit de la petite crêpe en continu.

Le temps d'avaler leur dose d'oignon, puis ils repartent tous dans Starr Street, Bushwick, à l'ouest de Brooklyn. Un coin encore bien abîmé il y a cinq ans, aujourd'hui en voie d'embourgeoisement accélérée. Mais rien de comparable à Williamsburg, à quatre stations de métro de là en se dirigeant vers Manhattan. Ici, les usines de briques rouges recouvertes de graff n'ont pas encore cédé le terrain aux bars et boutiques sophistiqués. Bushwick est un mélange de grands hangars et de petits immeubles, de Latinos mexicains et caribéens, d'Afro-Américains et de jeunes blancs qui réinvestissent les usines devenues lofts à des prix abordables.

La fabrique à Tortilla est un pilier. C'est bon, ça coûte 3 dollars, c'est ouvert tout le temps. Il n'en fallait pas beaucoup plus pour attirer les foules. Si, la force du bouche-à-oreille. Un article dans le New York Times. Un autre dans Village Voice.

Il n'empêche, ça reste une usine. Et puis, franchement, les Lazaro, la publicité les dépasse un peu. Ils ont monté cette entreprise familiale il y a dix ans, quelques années de galère après leur arrivée de Puebla, au Mexique. Quand on leur demande comment leur est venue l'idée, la question leur semble aussi incongrue que le goût de leur première tortilla. « Hard work, money », résument les enfants, José qui baragouine dix mots d'anglais alors qu'il n'a jamais vécu au Mexique, et Tanya, 16 ans mais déjà aux commandes. Tanya voit grand, elle veut monter un « bar à tortillas à Manhattan ».

Rien d'impossible. A coup de 2 ou 3 billets la tortilla, les dollars pleuvent dans le garage. Pendant que Tanya sert et encaisse, Devora, sa mère, s'active en silence sur la chaîne. Quelques minutes plus tard, les camionnettes partent de l'usine pour distribuer des crêpes à 75 boutiques de New York et du New Jersey.

Paul déguste dans la pénombre, concentré sur son assiette en carton. « Je viens de San Diego, un endroit où la nourriture mexicaine est partout. Mais je n'ai jamais mangé une tortilla aussi bonne que celle-ci. »

Pedro, vieux mexicain d'Atlixco, traîne ici chaque jour, « c'est ma famille ». Et la famille cuisine bien : « Ce sont les meilleurs. Les Lazaro n'ont jamais changé la recette, c'est la vraie, sans additif. » Pour le goût et la saveur, se rendre au 271 Starr street, Brooklyn, New York. Choisir de préférence la « Quesadilla, Spicy Pork », selon les conseils deTanya.