Cette conte-férence a été donnée le 27/09/2025 à Nantes, au Gonades Festival portant sur la santé sexuelle et la contraception organisé par l’association Les Gonades.
Avertissement : les histoires que je vais raconter sont des histoires farfelues. Ce sont des histoires où la sexualité se limite à l’hétérosexualité, des histoires où l’on doit conserver ad vitam son genre de naissance. Des histoires de personnes cis-hétéro. Pour les besoins du conte, les termes d’hommes et de femmes renverront uniquement aux hommes et aux femmes cisgenres. Mais tout le monde le sait, ce ne sont que des histoires.
Quand je lis des histoires de virginité et des histoires d’hymen, elles concernent toujours les autres, le passé, les pays lointains, les communautés religieuses obscurantistes. Quand le gouvernement Macron a interdit les tests de virginité en France dans la loi dite “séparatisme” de 2021, ce sont les communautés musulmanes qui étaient visées. Quand on parle de virginité, quand on parle d’hymen, on parle des États-Unis, on parle de l’Afrique, on parle des musulmans (“on” c’est-à-dire la société blanche majoritaire à laquelle j’appartiens), on parle des autres, des autres, des autres. Ce que je souhaite ici, c’est montrer comment le mythe de l’hymen lié à celui de la virginité fonctionne de façon générale mais aussi comment il reste présent de façon systémique encore aujourd’hui ici en France.
Je parle de mythe de l’hymen parce que l’hymen c’est d’abord une fiction, un conte. Une histoire que les gens se racontent pour expliquer le monde, pour se rassurer. Je vais vous raconter deux histoires d’hymen (parmi d’autres) et pour chacune de ces histoires je vous présenterai le mythe à l'œuvre et l’état actuel des connaissances scientifiques, tout cela de mon point de vue biaisé de femme blanche féministe évidemment. Ces histoires, ce sera d’abord “L’hymen et la défloration” et ensuite “L’hymen et les tests de virginité”.
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L’HYMEN ET LA DÉFLORATION
On raconte qu’il existe un sceau, un cachet, une membrane à l’intérieur des vagins. Cette membrane reste intacte, immaculée, laissant le vagin quasi fermé, jusqu’au moment où un grand, un immense pénis vient la déchirer, la membrane, pour ouvrir la voie vers l’utérus. Comme pour le cachet de cire apposée sur la lettre, l’ouverture du vagin implique la destruction de l’hymen car il n’existe pas de clef, pas de gond, pas de porte, pour ouvrir le vagin, non, l’hymen, il faut l’enfoncer à coup de bélier. Et ça, ça fait mal.
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Alors, la défloration, c’est le moment où la femme hétérosexuelle perd sa virginité. Le moment précis où le pénis pénètre le vagin. Et l’hymen dans tout ça ? Et bien l’hymen, il va permettre deux choses au moment de la défloration :
1/ Expliquer les symptômes qui arrivent avec la première pénétration vaginale
2/ il va permettre aussi de mettre en place une gestion collective du vagin
Une explication unique de symptômes divers
Pour commencer, parlons des symptômes liés à la défloration. On associe principalement trois phénomènes à la défloration : ça saigne, ça fait mal, ça coince. Et ces phénomènes ont longtemps été liés à la destruction de l’hymen : ça saigne, parce que ça déchire, ça fait mal parce que ça déchire, ça coince parce que ça déchire1.
Et puisque ces symptômes ont été associés à la déchirure de l’hymen, ils sont devenus, ces symptômes, des preuves de virginité. Donc, si tu n’as pas saigné, si tu n’as pas eu mal, si la pénétration a été facile, c’est sûrement que tu n’étais pas vierge2. Dans la culture de la virginité, une bonne défloration est une défloration douloureuse.
On sait aujourd’hui que ces phénomènes (qui ne sont pas systématiques) ne sont pas liés majoritairement à l’hymen, mais au manque de lubrification qui peut être causé par divers facteurs comme le stress, une pénétration trop rapide, l’absence d’excitation ou de consentement, certaines médications, etc… On peut rajouter que l’ignorance quant à la sexualité et au fonctionnement de son propre corps sont aussi des causes de douleurs.
Oui il existe des hymens-membranes qui ferment les vagins, mais ils sont très rares. Selon le dictionnaire médical de l'Académie de Médecine, l’hymen n’est pas une membrane mais “un repli de la muqueuse” (en Suède, on parle de couronne vaginale plutôt que d’hymen). Le dictionnaire rajoute : A partir de la puberté, l’hymen peut être suffisamment souple et élastique pour permettre des rapports sexuels complets sans déterminer de lésion traumatique.
Non, L’hymen ne ferme pas tous les vagins. Non la première pénétration n’est pas obligatoirement douloureuse et si elle l’est, le plus souvent, ce n’est pas de la faute de l’hymen.
Une gestion collective du vagin
Le deuxième point que je souhaitais aborder renvoie à l’organisation même de la société. Parce que, ce que permet aussi cette histoire de l’hymen fermé avant la pénétration, c’est une gestion collective du vagin. L'organisation sociale de la virginité féminine est liée à l’institution du mariage. La date du mariage, c’est la date de fin de la virginité féminine. La nuit de noces c’est la cérémonie officielle d’ouverture du vagin et donc aussi de l’utérus reproducteur. Dans ce système, toute défloration qui se déroule en dehors de ce cadre est soit tabou (comme dans le cas de l’inceste, pratique secrète qui ne déflore pas) soit déshonorante et même dangereuse pour la femme (on peut penser aux crimes d’honneur ou au sort fait aux travailleuses du sexe partout dans le monde).
Alors, c’est quoi cette gestion collective du vagin ? C’est simple, avant le mariage, le vagin de la femme destinée au mariage est considéré comme fermé par l’hymen, cela implique qu’avant la cérémonie on ne regarde pas, on ne touche pas, on ne pénètre pas le vagin3 (sauf pour l’inceste, ça ne compte pas). Mais ce n’est pas tout, les activités qui pourraient mettre en danger l’hymen doivent être proscrites : pas de vélo, pas d’équitation (comme par hasard des moyens de transport autonome), pas de gymnastique, pas de courses à pied (comme par hasard des sports qui renforcent le corps). Pour information, je n’ai trouvé aucune preuve de ces croyances. Le vagin doit rester fermé jusqu’à son ouverture officielle.
Et dans ce système, une fois que le vagin est ouvert et bien, il le reste et ça s’appelle le devoir conjugal (On rappelle que la reconnaissance du viol conjugal en France ne date que de 1992)
On voit encore des signes de cette fermeture symbolique du vagin vierge même dans des pays où mariage et sexualité ne sont plus corrélés. Cette fermeture du vagin, on la trouve encore quand par exemple des médecins refusent de faire des échographies pelviennes (où on introduit une sonde dans le vagin) pour ne pas déflorer leur patiente, on la trouve quand des jeunes filles n’utilisent pas de tampons menstruels de peur de se dévierger, et on la trouve aussi, dans le rapport de notre société à la masturbation dite féminine.
Si je prends mon exemple, j’ai 47 ans, je n’ai pas subi d’impératif de virginité dans ma famille, mais la masturbation était totalement absente de mon monde social : on n’en parlait pas du tout, il n’y avait pas de livres, films, séries à ce sujet et les vibromasseurs étaient vendus comme des masseurs de joues sur le catalogue de la Redoute. C’était le désert. Les chiffres vont d’ailleurs dans ce sens. Selon l'enquête “Contexte des sexualités en France 2023” de INSERM, nous sommes passés de 42.4 % des femmes de 18 à 69 ans déclarant s’être déjà masturbées en 1992 à 72,9 % en 2023. Alors que pour les hommes en 2023 on est à 92,6 %.
Autre chiffre intéressant, dans une étude de 2019 sur la vie sexuelle des Françaises commandée par le magazine Elle, les femmes hétérosexuelles sont 54 % à se masturber “parfois” et “souvent”, contre 92 % des femmes bisexuelles et homosexuelles. Le frein à la masturbation, ce n’est pas donc pas d’être une femme mais d’être une femme hétéro. Et je pense que c’est un héritage de la culture de la virginité qui souhaite que la femme soit dépendante de l’homme, pour l’accès à la sexualité et au plaisir.
Depuis quelques années, ça change, il y a une socialisation de la masturbation “féminine”, ça fait maintenant partie de la sexualité “normale”. Mais, là où ça coince encore, c’est que dans les esprits, trop souvent, la première relation sexuelle hétéro reste la première expérience de la pénétration vaginale. On reste sur la même idée : c’est le pénis qui ouvre le vagin. Alors qu’à première vue, rien n’empêche de se pénétrer soi-même avant d’avoir des relations sexuelles, le vagin est une zone érogène comme une autre. Il suffit de ses doigts ou d’un objet oblong traînant dans la chambre.
J’ai regardé sur les sites d’éducation à la sexualité, les réponses à la question “est-ce que ça fait mal la première fois ?”, et une partie des sites (comme ici, là ou là) n’évoquent pas la possibilité de mieux connaître son corps et la sexualité par la masturbation et l'autopénétration alors qu’il semblerait incongru qu’un homme ne se soit pas masturbé avant son premier rapport sexuel. Sortir de la culture de la virginité, c’est aussi dire : Pourquoi attendre qu’on nous déflore, pourquoi attendre qu’on nous fasse jouir alors qu’on peut le faire nous-mêmes ?
L’hymen et la défloration, c’est l’histoire d’un bout de muqueuse qui est devenu l’alibi pour valider des douleurs utiles au patriarcat, c’est l’histoire d’un bout de muqueuse qui ne ferme rien dans plus de 90 % des cas et qui pourtant, est devenu une porte infranchissable pour les femmes elles-mêmes. Un des combats du féminisme a été de reprendre la main sur notre vagin. Choisir quand on l’ouvre et quand on le ferme dans le cadre sexuel, menstruel et médical. Sortir d’une gestion collective du vagin pour rentrer dans une gestion personnelle de la sexualité et de la procréation. Mon corps, mon vagin, mon choix, quoi.
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L’HYMEN ET LES TESTS DE VIRGINITÉ
On raconte que passée cette première fois douloureuse et sanglante, l’hymen reste corrompu, démoli à jamais par le passage du puissant pénis. Cette démolition, seul l'œil expert du non moins puissant médecin peut la constater. L'œil expert saura lire l’hymen, la texture de la muqueuse, ses accidents, ses cicatrices, ses fissures et trancher si oui ou non un pénis est passé par là.
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Alors, un test de virginité, c’est un examen gynécologique basé sur la croyance qu’un vagin qui a été pénétré par un pénis est différent d’un vagin qui n’a pas été pénétré4. Le corps d’une femme vierge serait donc différent de celui d’une femme non vierge.
Il y a plusieurs méthodes de test de virginité, des méthodes communautaires réalisées par des femmes non soignante, comme par exemple la cérémonie du mouchoir chez certains gitans, qui consiste à faire saigner le vagin avec un mouchoir ou ce test pratiqué par exemple en Angola qui consiste à rentrer un œuf dans le vagin et à voir s’il reste en place (une mère angolaise a été condamnée en Haute-Vienne en janvier 2025 pour violence sexuelle sur sa fille ( mais sans peine prononcée) pour avoir pratiqué ce test.
Il existe aussi des tests de virginité réalisés par des médecins, ils sont de deux types : le test des deux doigts qui part du principe qu’un vagin vierge ne peut pas être pénétré par deux doigts contrairement au vagin “non vierge” (test absolument non scientifique et non fiable5) et le test de virginité qui va nous intéresser ici : l’examen de l’hymen. Il consiste à examiner la forme de l’hymen et à déterminer à partir de cette forme s’il y a eu pénétration ou pas. Et ce test peut être réalisé plusieurs semaines, mois, années après ladite pénétration.
À quoi ça sert un examen de l’hymen?
À plein de choses !
L’examen de l’hymen a été utilisé par exemple comme outil de prévention du SIDA au Togo, comme examen préalable à l’embauche de policière en Indonésie, ou comme outil de répression politique (et donc comme viol d’État) après les manifestations de la place Tahir en Tunisie en 2011.
Mais les deux principales utilisations des examens de l’hymen sont d’abord la vérification de la virginité de la jeune fille avant le mariage. J’appelle ces tests des tests de virginité matrimoniaux. Et puis la recherche de trace de pénétration par des soignantes légistes dans le cadre d’enquête pour viol chez des personnes pubères, mais aussi chez des enfants. J’appelle ces tests, des tests de virginité judiciaires.
En France, la loi du 24 août 2021, dite Loi Darmanin, a interdit la pratique des tests de virginité matrimoniaux mais pas celle des tests de virginité judiciaires qui sont toujours autorisés et pratiqués. En 2019 en Belgique, le conseil de l’ordre des médecins qui a rendu la même décision qu’en France indique “Il convient de distinguer ces attestations et tests de virginité, motivés par des raisons sociétales, de l'examen médico-légal des patients victimes d'agressions sexuelles ou de viols.”
Nous aurions donc deux types de tests de virginité : les mauvais tests de virginité “motivés par des raisons sociétales” et les bons tests de virginité (qu’on n’appelle pas test de virginité) réalisés par des professionnels de la médecine légale pour des nobles besoins de justice6.
Des bons et des mauvais tests de virginité ?
Pour savoir si cette théorie du bon et du mauvais test de virginité fonctionne, il nous manque une information : Est-ce que l’examen de l’hymen pour déterminer la virginité, c’est-à-dire le passage d’un pénis par le vagin, ça marche ?
Pour répondre à cette question, il faut se plonger dans les recherches scientifiques effectuées principalement aux États-Unis entre les années 80 et les années 2000. On commence alors à mieux prendre en compte les affaires d’agression sexuelles sur les mineur·es et la justice demande aux médecins de leur fournir des preuves médicales de ces agressions. Les données scientifiques les plus récentes sur l’hymen concernent donc les adolescentes et les enfants.
Pendant 20 ans, il va y avoir de nombreuses études sur l’hymen des enfants et des adolescentes, on va examiner la physiologie normale de l’hymen de la naissance à l’adolescence, on va mesurer l’ouverture de l’hymen chez des mineures violées et non violées, on va examiner l’hymen d’adolescentes enceintes, on va sortir les dossiers d’examens gynécologiques de milliers d’enfants accueillis à l’hôpital suite à des suspicions d’agression sexuelle, on va mesurer, cartographier, examiner l’hymen sous toutes ses coutures. Pendant 20 ans les méthodes et les protocoles scientifiques vont s’améliorer pour diminuer les biais des soignant·es. Pendant 20 ans, on va donc chercher à prouver que l’hymen peut être une preuve médico-légale fiable. Et le résultat de toutes ces recherches accumulées peut tenir en un mot et une expression :
Le mot : Pschitt.
L’expression : Tout ça pour ça.
En 20 ans, les résultats des études scientifiques cherchant des signes génitaux de pénétration sur l’hymen et la vulve d’enfant et d’adolescentes vont passer de 80 % de résultats anormaux en 1979 à 3 % en 20007. Ça veut dire quoi ? Ça veut dire que des caractéristiques de l’hymen qu’on pensait être des lésions dues à l’agression (les déchirures par exemple) se retrouvent aussi chez des enfants non agressés. Ça veut dire que la théorie qui dit qu’un hymen reste intact jusqu’à la première pénétration vaginale ne tient pas. L’hymen évolue, se déchire dès la petite enfance. Il n’y a pas l’hymen intact des vierges d’un côté et l’hymen détruit des non-vierges de l’autre. Oui, on a bien trouvé des atteintes de l’hymen particulières chez des enfants agressées mais elles sont très rares, moins de 5 % des cas examinés.
Voici la conclusion de l’une des études scientifiques de référence sur le sujet : "L'examen génital de l'enfant victime d’agression sexuelle diffère rarement de celui de l'enfant non-victime. Les experts juridiques doivent donc prendre en compte en priorité le récit et les antécédents de l'enfant comme preuves principales de l'abus."8
Et voici ce qu’indique l’appel à l’interdiction des tests de virginité dans le monde lancé en 2019 par l’ONU :
Il est régulièrement demandé aux soignant·es d'effectuer des tests de virginité (également connu sous le nom d'examen de l'hymen, test des deux doigts, ou examen vaginal) sur les victimes de viol. Bien que cet examen ne repose sur aucune base scientifique et n'ait aucune utilité clinique, les médecins et le personnel médical continuent de le pratiquer, soi-disant pour déterminer s'il y a eu viol ou non. Dans ce contexte, l'examen est susceptible de causer de la douleur et de reproduire l'acte original de violence sexuelle, ce qui peut amener la personne à revivre l’agression, entraînant un nouveau traumatisme et une victimisation secondaire.
La réalisation de ce test potentiellement dangereux et médicalement inutile viole plusieurs normes éthiques de la profession médicale. Selon la déclaration d'Helsinki promulguée en 1964 par l'Association médicale mondiale, il est du devoir du médecin de préserver la santé de la population. Les professionnels de la santé qui pratiquent des tests de virginité violent le principe éthique fondamental : « d'abord, ne pas nuire »9.
Il n’existerait donc pas de bons tests de virginité contrairement à ce que l’ordre des médecins belges indique 10.
L’hymen, c’est un peu comme ces tueurs masqués dans les films d’horreurs. On peut passer son temps à les tuer, ils reviennent toujours. De nombreuses études ont montré que les examens de l’hymen ont très peu de résultats fiables (je le redis, moins de 5% des victimes de viols ont des séquelles dues à la pénétration sur leur hymen (au-delà du délais de recueil des preuves médico-légal de 72h évidemment). Et pourtant, des tests de virginité matrimoniaux sont pratiqués par des médecins dans le monde entier. Et pourtant, en France, l’hymen reste une preuve médico-légale, les manuels de médecine légale récents lui consacrent plusieurs pages et ne remettent pas en question sa pratique11. Sur Instagram, une personne a raconté avoir subi (probablement en 2019) un examen de l’hymen à 20 ans pour trouver des preuves médico-légales d’un viol subi dans l’enfance, ce qui est scientifiquement absurde12. Et quand en 2021, on remet en question les tests de virginité matrimoniaux dans la loi raciste Darmanin, on laisse de côté les tests de virginité judiciaires qui posent aussi de nombreux problèmes éthiques et scientifiques. Et ce matin même, pour finir ce texte je suis tombé sur la page sur l’hymen du site d’éducation à la sexualité Fil santé jeune et je suis tombée sur ça : A la question “Le gynécologue peut-il voir si je suis vierge ou pas ?” Voici leur réponse : “Il peut voir l’état de l’hymen, donc en déduire s’il y a eu un rapport sexuel”. Les gynéco auraient donc toujours leur super pouvoir de lire les hymens. Mais je vous le rappelle, ce n’est pas nous qui avons des problèmes avec la virginité, c’est les autres.
On raconte que la vérité triomphe toujours du mensonge. Cette histoire, il est difficile d’y croire à une époque où un génocide nié comme génocide se déroule sous nos yeux, à une époque où le business destructeur continue as usual dans une terre qui se dérègle et s’enflamme. Je ne peux que constater ce besoin de l’humanité de croire qu’en regardant un vagin, on saura si un pénis est passé par là. En tant que chercheuse, c’est assez désespérant, en tant qu’autrice, c’est assez fascinant la force des histoires que les humains se racontent. En attendant, je vais continuer à dire les deux, les connaissances et le mythe en espérant qu’un jour l’hymen disparaisse des manuels de médecine légale ou qu’a minima la pratique des examens de l’hymen soit réellement réinterrogée.
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Notes
1Pour avoir une bonne synthèse des mythes de l'hymen, lire cette plaquette en anglais de la RFSU, association suédoise d’éducation sexuelle : Vaginal corona Myths surrounding virginity – your questions answered
2A écouter l’épisode d’Un podcast à soi de Charlotte Bienaimé Les désirs de Sofia. Sofia y raconte entre autre l’histoire de sa défloration qui se passe trop bien.
3J’ai appelé cette fermeture symbolique du vagin l’infibulation culturelle. A lire cet article L’infibulation culturelle ou comment fermer un vagin même sans aiguille qui détaille les modalités de cette fermeture
4C’est ce qu’induisent les définitions du dictionnaire du mot “Hymen” avant leur modification. Par exemple ici celle du Larousse en 2019 : “Mince membrane de forme variable, qui obstrue partiellement le vagin des vierges”. Si l’hymen n’existe que chez les vierges, cela induit que le pénis change la physiologie des femmes
5L’appel contre les test de virginité publié par l’ONU en 2018 Eliminating Virginity Testing: An Interagency Statementindique :indique “There is no scientific basis to support the validity of the “two-finger” or any other form of virginity test”.
6 Voici ici une autre présentation des bons et des mauvais tests de virginité par le site Fil Santé Jeune
7 Chiffres cités dans l’étude de 2002 Children referred for possible sexual abuse: medical findings in 2384 children de Astrid Heger a, Lynne Ticson , Oralia Velasquez , Raphael Bernier
8 A case-control study of anatomic changes resulting from sexual abuse d’Abbey Berenson et son équipe
9 Eliminating virginity testing – An interagency statement. Appel contre les tests de virginité réalisé en 2018 par le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, ONU-Femmes et l’Organisation mondiale de la Santé (OMS).
10 A lire, cet article d’Océane Perona Médecins légistes et policiers face aux expertises médico-légales des victimes de violences sexuelles qui montre les tensions entre la police, la justice et les médecins légistes dues au manque de résultat des examens de l’hymen. L’article ne pose pas la question de la validité scientifique de ces tests
11J’ai consulté ces deux manuels à la Faculté de médecine qui indiquent bien les limites de l’examen de l’hymen sans en questionner la pratique : Le Traité de médecine légale, sous la direction de Jean-Pol Bothier, édition 2022 et Médecine de la violence pour le praticien, sous la direction d’Eric Baccino, publié en février 2024
12 Le 5 février 2024, le compte Instagram A ventre ouvert rend compte dans une publication Je porte plainte contre la nouvelle vice-présidente de la CIVIISE d’une accusation de viol contre une pédiatre légiste Caroline Rey-Salmon pendant un examen médico-légal. La médecin lui a fait un examen de l’hymen : Elle m'a dit que je ne gardais aucune trace de violences et qu'il était impossible qu'une enfant victime de viol vaginal n'ait pas l'hymen déchiré (selon elle, les personnes qui auraient des rapports adultes pourraient avoir l'hymen intact, mais pas les enfants). Ces propos sont problématiques d’un point de vue scientifique et éthique.