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Billet de blog 2 mars 2012

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Questions sur "le lien entre le MES et le traité budgétaire" et "la conditionnalité pour les prêts du MES aux pays endettés".

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Extraits des petites et grandes  lectures de ce matin… en effet, dans ces billets publiés par Alain Lipietz, sur son blog, il y a des choses justes et pertinentes (cependant, de mon côté, je reste sur la position d’EELV et d’Eva ) pour alimenter le(s) débats(s) tout en mettant le holà à la démagogie et à l'égoïsme du discours souverainiste … et pour avancer dans le bon sens et dans l’intérêt de la solidarité des Peuples et des Régions d’Europe.

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Quelle conditionnalité pour les prêts du MES aux pays endettés ?

Par Alain Lipietz ,
Billet du  1er mars 2012 | .

Quelle conditionnalité pour les prêts du MES aux pays endettés ?

Refuser la "règle d’or" inscrite dans le Traité budgétaire (TSCG) n’implique pas que les pays européens doivent aider inconditionnellement les pays surendettés comme la Grèce. Mais alors, quelle conditionnalité pour les prêts accordés par le Mécanisme Européen de Stabilité ? Quelle conditionnalité pour les prêts du MES aux pays endettés ?

Dans un texte précédent, j’ironisais contre ceux qui prétendent voter Non ou s’abstenir sur le Mécanisme Européen de Stabilité « parce qu’il implique la conditionnalité du traité budgétaire », le TSCG (traité sur la stabilité, la convergence et la gouvernance), et que celle-ci est inacceptable. Hypocrisie : le PS annonce qu’il ne cherchera pas à bloquer, au Sénat, la ratification du TSCG !

En réalité, derrière le refus du MES « parce que ses conditions sont trop dures », se cache le plus souvent une hostilité à toute solidarité avec les surendettés, car en définitive « c’est nous qui paierons ».

Quant à moi, je maintiens ma position, celle qui était, jusqu’au vote désastreux des parlementaires EELV (sauf deux sénateurs/trices, qui ont sauvé l’honneur), la position des écologistes français et européens : oui au MES, car nous sommes pour la solidarité européenne, mais contre le TSCG, parce que ce traité impose une conditionnalité des prêts inacceptable.

Bon, mais (me disent des correspondants sur Facebook et sur le Houèbe), fut-il rejeter toute conditionnalité ? Faut-il prêter sans aucune condition à des pays qui se sont endettés si déraisonnablement ? Plus exactement (suite à l’exemple grec) : « Une fois qu’on a annulé une partie de la dette d’un pays surendetté, quand on « mutualise » la dette qu’il lui reste à payer ou qu’il va contracter, ne doit-on prendre aucune précaution ? Pas celles du TSCG d’accord, mais aucune condition ? »

En distribuant des tracts de solidarité avec la Grèce, sur le marché de Villejuif (ville communiste, pourtant), je n’ai reçu aucune critique sur la rigueur des conditions actuellement imposées à la Grèce (que dénonçait notre tract !). Mais j’ai entendu des « Qu’ils commencent par payer leurs impôts ! qu’ils fassent payer les popes, les armateurs ! » Les Allemands sont tellement persuadés que la Grèce va encore s’arranger pour ne pas rembourser les nouveaux prêts, que 60 % d’entre eux sont contre le nouveau plan d’aide à la Grèce (100 milliards de dettes annulées plus 130 milliards de prêts des autres pays). Finalement, 22 députés de la majorité de droite de Merkel ont voté contre, et le plan d’aide à la Grèce n’a pu passer… qu’avec les voix des Grünen et du SPD ! Comme la loi Veil sur l’avortement, en France, en 1975…

Alors, les écolos, « quelle conditions mettez vous aux prêts de solidarité ? aucune ? »

Pour le MES, la lecture est très simple : le "lien " au TSCG ne figure pas dans les articles du traité. En revanche, un principe de "conditionnalité" des prêts, au contenu non précisé, figure en toutes lettres dans le traité MES. Mais ce n’est pas celle du TSCG, qui n’est évoqué que dans un considérant sans valeur légale. Pourquoi ? D’abord parce que, je l’ai dit, le TCSG n’existe pas et sera difficile à ratifier (le PS français pourrait déjà le bloquer au Sénat !). Ensuite parce que sa « règle d’or » de déficit total inférieur à 0,5 % sur le moyen terme ne fait pas du tout consensus dans la communauté des économistes ni des comptables publics.

C’est contraire à ce qu’on appelle la « règle d’or » en macroéconomie : "Le taux de croissance du PIB doit être supérieur, sur le moyen terme, à la somme du taux de croissance de l’endettement et du taux d’intérêt"). C’est contraire à la « règle d’or » des collectivités locales françaises ou même britanniques : "Le budget de fonctionnement doit être en excédent ou équilibré, et l’emprunt ne peut servir à financer que le budget d’investissement ».

On voit la différence entre les trois « règles d’or » : celle du TSCG interdit tout emprunt pour financer le long terme, celle des macroéconomistes ne s’intéresse qu’à la « soutenabilité financière » (on croît assez pour rembourser capital et intérêt), celle des collectivités locales demande de ne pas financer par l’emprunt les dépenses courantes.

Et les écologistes, nom d’une pipe ?

Dans le programme des Verts de 1992, après des années de débat, nous avions écrit à peu près : " Une collectivité de la taille d’un pays comme la France doit financer ses investissements d’avenir de l’année avec le surplus de l’année". Donc nous avions en tête un sentier d’équilibre sans déficit du tout pour le budget total, et c’est autour de ce sentier que nous préconisons un endettement -désendettement keynésien contra-cyclique.

Cette position, que nous considérions comme la traduction directe de la définition de la soutenabilité ("ne pas peser sur les générations futures"...) nous avait servi d’argument, en 2000, contre le libéral-keynésien J.P. Fitoussi au moment de l’affaire de la "cassette" de Christian Sautter, dernier ministre des finances à avoir tenté de "désendetter la France" en période d’expansion.

La situation est aujourd’hui différente. Nous sommes en « grande crise » du modèle de développement. Toute une partie de notre capital, mal investi (autoroutes, centrales nucléaires, bâtiments-passoires), est en voie de dévalorisation rapide, et le libéralisme a laminé les recettes fiscales, et nous devons financer en urgence le nouveau modèle de développement.

Alors, dans le programme actuel des écologistes ?

Dans nos programmes, celui de EELV comme dans celui d’Eva Joly, il y a une institution européenne émettant des eurobonds pour mutualiser la dette des pays endettés (à peu près le MES) , et une autre (la BEI) pour financer la conversion verte, mais la conditionnalité y est définie en termes aussi vagues que dans le traité MES.

Le texte le plus clair est la Déclaration de Paris du Parti Vert Européen. C’est normal, puisque nous avons eu une discussion assez âpre avec les Verts de l’Europe du Nord, qui nous disent qu’ils perdent des voix quand ils prônent la solidarité avec l’Europe du Sud, et qu’ils doivent rassurer leurs électeurs persuadés qu’ils en seront de leur poche. Il s’agit donc d’un vrai compromis, entre partis appelés à participer au gouvernement.

Voici la formulation de la Déclaration de Paris, que la délégation française a voté à l’unanimité. Elle est calquée sur la "règle d’or" des collectivités locales françaises :

« Des finances publiques soutenables à tous les niveaux de gouvernement sont un ingrédient-clé du succès ; elles doivent être équilibrées à une vitesse raisonnable en fonction de la conjoncture économique, en optimisant les dépenses comme les ressources, en particulier quand les niveaux absolus d’endettement public sont élevés. Dans cette perspective, la dette ne peut être justifiée que comme instrument pour financer des investissements qui accroîtront effectivement le capital matériel ou immatériel des générations futures. (…) . Les conditionnalités imposées doivent être rééquilibrées en insistant sur le prélèvement effectif de l’impôt sur les plus aisés dans la société, et en brisant les tabous et les privilèges comme l’immunité du milieu militaire en Grèce ou des églises comme en Grèce ou en Italie. »

Il est clair que le MES ne satisfait pas entièrement les réquisit de la déclaration de Paris du PVE, nous ne sommes pas encore majoritaires ! Mais la différence ne porte pas sur la conditionnalité, qui est explicitement rappelée dans la déclaration de Paris. Ni sur le nom et la nature de l’institution (un fonds qui emprunte pour reprêter, comme le FMI), clairement assumé comme un Fond monétaire « de secours » européen, le FME – nom que nous souhaitions pour le MES sans peur de se faire taper sur les doigts :

« Établir un Fonds Monétaire Européen (FME) capable d’émettre des euro-obligations, qui devraient améliorer l’attractivité du marché de la dette souveraine en Europe, le rendant à la fois plus liquide et plus solide (sic. Un peu gazeuse la traduction française, isn’t it ?), tout en le prémunissant de l’aléa moral en fixant des conditions claires pour la participation et en particulier en termes de discipline fiscale. »

Notons par ailleurs que la Déclaration distingue ce fonds de secours (le FME) de la Banque européenne d’investissement, chargée de faire des prêts « sur projets » pour la transition verte.

Mesurons déjà l’étrangeté de ceux des EELVistes qui disent « J’aurais voté un Mécanisme de européen de solidarité, pas un un FMI européen ». Si, nous nous sommes engagés à défendre en France un FM, non pas « International », mais en effet Européen… Mais faut il voter contre le MES parce qu’il ne porte pas le nom de « Fonds monétaire européen » ?

On peut regretter que la « conditionnalité » ne soit pas précisée aussi nettement dans le traité MES que dans la Déclaration de Paris. En fait elle n’est pas du tout précisée dans le MES. Comme note Eva Joly, « le MES prévoit une conditionnalité, mais ne précise pas laquelle ». Le traité du MES fixe un cadre pour les politiques de solidarité, il ne fixe pas les politiques elles-mêmes, et c’est tant mieux, car si nous souhaitons gagner les élections (en France comme en Allemagne) c’est justement pour changer les politiques.

Non, la différence n’est pas là , mais ici : « Ce FME doit être établi comme un instrument communautaire (et non intergouvernemental), rendant démocratiquement compte au Parlement Européen. »

Or le Conseil du MES se compose des ministres des Finances des gouvernements, en présence il est vrai du président de la Commission. Ce n’est rien d’autre que le Conseil des ministres européens, se réunissant dans une formation particulière, c’est à dire une représentation démocratique au second degré, sans référence au PE, mais seulement aux parlements nationaux (qui, eux, peuvent renverser leur gouvernement et donc changer les gouverneurs du MES). Mais c’est bel et bien une institution fédérale, votant généralement à la majorité qualifiée, sans droit de veto : la Finlande n’a plus le droit de bloquer un plan d’aide à la Grèce, comme elle l’a fait pendant plusieurs mois cruciaux.

Le programme de EELV (p. 171, page il est vrai assez chaotique), et celui d’Eva (page 37, point 4), ne font pas non plus mention de ce contrôle du PE. Les parlementaires EELV ne peuvent donc s’en targuer pour rejeter le MES.

Ce contrôle du PE sur le fond de mutualisation des dettes sera assez théorique, d’ailleurs. Car que croit-on réellement ? Que l’opinion publique, étant hostile aux prêts à la Grèce, fera pression sur les député européens, majoritairement de droite, pour qu’ils exigent des garanties encore plus sévères ? Je ne pense pas que ça arrêtera longtemps l’émission de nouveaux eurobonds en cas de panique.

A l’inverse, un parlement de gauche a-t-il vraiment les moyens de dire au MES "Écoutez, faut vraiment faire payer les popes et les armateurs, y en a marre, car à la fin c’est nous qui paierons" ? Le MES aura beau jeu de répondre "Ok , on va essayer", il fera le prêt , et reviendra un an après devant le parlement pour dire "Les dirigeants grecs n’ont pas eu les cou… pour faire payer les popes, et les armateurs grecs se sont délocalisés à Chypre et Alexandrie ; alors le gouvernement grec nous a proposé de diminuer les retraites. » J’ai, pendant dix ans, été le monsieur "surveillance de la Banque Européenne d’Investissement" au PE. C’était très clair : il y avait des projets à financer et on organisait des audits sur les projets contestés (genre papeteries finlandaises en Uruguay) . Mais sur des plans d’ajustement d’urgence, c’est beaucoup plus difficile.

Je pense que le PE ne peut que voter des lignes directrices (elles seront de droite si le PE est de droite, de gauche et écologiste, s’il y a une majorité pur ça), puis voter ou non un quitus. Mais le but de la manœuvre est en fait d’obtenir une « publicité » (disclosure) de l’état des négociations entre le MES et les pays surendettés pour permettre à la société civile du pays concerné de se mobiliser.

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Par Alain Lipietz |

Billet du  28 février 2012 | .


Sur le lien tactique entre le MES et le "traité budgétaire"

Les carottes sont cuites : le Sénat français aura ratifié le MES avec les seules voix de la minorité de droite, la gauche et les écologistes s’abstenant ou votant contre. La « bourde historique » étant consommée, on pourrait laisser tomber la discussion, si l’argumentation employée n’engageait pas les pronostics pour la suite. La grande question est en effet : « Quid de ce lien entre le MES, mécanisme de solidarité fédéraliste et plutôt progressiste, et à ce titre rejeté par les bastions du national-libéralisme, la Grande-Bretagne et la Tchéquie, et le « traité budgétaire » (le TSCG) récessionniste, rejeté par la gauche, les écologistes, et tous les économistes keynésiens ou régulationnistes ? »

Les arguments du nonisme au MES

Dans l’arc de l’opposition « de gauche » au MES, il y a d’abord les nationalistes, ceux qui ne veulent même aucun mécanisme de solidarité face aux dettes et refusent de voter la modification de l’article 136 du traité de fonctionnement de l’Union européenne, autorisant les pays qui le désirent à mettre en œuvre entre eux une coordination renforcée dans ce domaine, sans préciser quel serait le mécanisme précis. Ce sont les noniste de toujours et (à ma grande honte) les parlementaires de EELV. Le Front de Gauche met les pieds dans le plat en annonçant son intention de soulever l’inconstitutionnalité du traité, parce qu’il pourrait obliger automatiquement la France à mettre de l’argent au pot si la crise d’un pays voisin exigeait notre solidarité, sans que le législatif français puisse s’y opposer. C’est exactement la définition du souverainisme nationaliste et anti-fédéraliste.

Il y a ensuite les éternels nonistes pro-européens comme Marie-Noëlle Lienemann qui n’accepteront jamais de compromis avec la sensibilité des autres pays européens (« on veut l’Europe, mais pas celle-là »). Pour eux, le grand argument c’est « le MES peut-être, mais pas un MES qui intègre la nécessité de ratifier le TSCG. » Remarquons toutefois que dans son interview dans Libération du 28 février, Marie-Noëlle annonce sa réticence à signer le recours du FdG au Conseil constitutionnel. Elle justifie cette réticence par la volonté de « ne pas diviser la gauche ». Comme elle n’hésite pas à voter contre les consignes de son propre parti, il faut comprendre : « Je ne voterai pas le MES, mais s’il est créé, je ne m’y opposerai pas ».

Il y a enfin la position du PS : « On est d’accord avec le MES mais pas avec le TSCG. Le lien avec le TSCG est seulement dans un « considérant » du MES, sans valeur juridique. Mais en s’abstenant, ce qui est sans conséquence puisque la droite votera pour, on envoie un signal à Merkel : on est trrrrrès fâché, et on ne ratifiera pas le TSCG en l’état ». Tel est l’argument de Pierre Moscovici, porte –parole de Hollande. Bon, si c’est une sorte d’annonce codée (comme au bridge, où « 2 trèfles ! » ne signifie pas spécialement que l’on souhaite atout trèfle, mais sert à communiquer une information à son partenaire), je veux bien, quoique je pense que le premier Sénat de gauche de la République Française ait mieux à faire qu’à voter comme au bridge sur une affaire aussi importante.

Le TSCG risque-t-il vraiment de conditionner le MES ?

Donc le PS, comme les responsables EELV de la réflexion sur la crise financière, est convaincu qu’on peut très bien voter pour le MES et contre le TCSG, ce que nient les « nonistes au MES » qui furent le plus souvent des Nonistes au TCE. L’argument des nonistes est que le considérant 5 du préambule du MES rappelle le gentleman agreement du 9 décemebre 2011, où les chefs de gouvernements ont convenu de ne pas faire jouer le MES au profit d’un pays endetté qui n’aurait pas ratifié le TSCG. Or la conditionnalité impliquée par le TSCG (l’équilibre budgétaire à moyen terme) est inacceptable, donc on ne vote pas le MES. Et à ceux qui objecte qu’un considérant n’a pas de valeur légale, que seuls sont valables les articles du traité, ils répondent que certes, mais qu’un pays contestataire, signataire du MES, pourra aller à la Cour de justice de Luxembourg pour plaider que cette conditionnalité –là était bien dans l’intention des pays ayant ratifié le MES, et refuser un prêt à un pays ayant ratifié le MES mais pas le TSCG.

Remarquons que cet argument suppose que le TSCG … soit en vigueur ! Or rien n’indique qu’il le sera un jour , en tout cas sous cette forme. Le TSCG n’entrera en vigueur que si « 12 Etats de la zone euro » sur 17 le ratifient (cf article 14). Qui va le ratifier ? Tous ceux qui pensent avoir un jour besoin du MES en leur faveur (essentiellement l’Espagne et l’Italie, et quelque pays d’Europe orientale) et tous ceux qui, prêts à prêter aux pays impécunieux « après mars 2013 » parce qu’ils savent que la faillite d’un État européen serait une catastrophe pour eux-mêmes (essentiellement l’Allemagne et les social-démocraties nordiques), souhaitent que les futurs emprunteurs s’engagent à réduire leur déficit . Notons que les trois pays actuels bénéficiaires du FESF (Grèce, Portugal , Irlande) ne sont pas strictement concernés. Est ce que ça fait 12 ? Je ne sais pas.

En tous cas la gauche française, majoritaire au Sénat, a les moyens de bloquer la ratification même si elle ne gagne pas les prochaines élections législatives, et annonce qu’elle le fera. Le PS ne pourra pas cette fois se réfugier à la buvette. Et on n’imagine pas que l’Allemagne, principal contributeur, aille prendre sur ses épaules les pays trop endettés sans faire partager le fardeau aux deux puissances suivantes, la France et la Grande Bretagne. Donc le TSCG ne sera pas ratifié en l’état . Tout le monde le savait dès le 9 décembre, et c’est pour cela qu’on a fait signer le MES avant le TSCG : la création du MES était une urgence anti-crise, le TSCG était avant tout rhétorique, un « engagement en l’air », puisque par définition ceux qui auront recours au MES ne respecteront pas le TCSG, même s’ils l’auront ratifié (s’ils le respectaient, ils n’auraient pas besoin du MES…)

Et si c’est le cas ?

Mais supposons que oui, 12 pays ratifient le TESC et 25 pays ratifient le MES. L’objection du recours possible à la Cour de Luxembourg est juste. En réponse au recours d’un Etat (par exemple la Finlande ) qui ne voudrait pas augmenter sa cotisation pour garantir par exemple un eurobond en faveur de la Hongrie , qui n’aurait pas ratifié le TSCG , la Cour de Justice pourra dire soit "le préambule ne fait pas partie du traité", soit " le préambule indiquait l’esprit du traité".

Je suis payé pour savoir que les voies des juges administratifs sont impénétrables, mais j’aurais tendance à parier que la Cour s’en tiendra à la jurisprudence dominante : ce qui n’est pas dans le traité n’est pas dans le traité, le considérant ne fait référence qu’à un gentleman agreement qui ne regarde que ceux qui l’ont signé.

En tout cas le préambule introduit une vraie incertitude, qui va par exemple pousser l’Italie à ratifier le TCSG, mais il est bien sûr exclu qu’elle arrive à respecter sa règle d’équilibre budgétaire draconienne avant … 2020, et encore. Elle va serrer les fesses mais ne respectera pas le TCSG, s’il est jamais ratifié. On peut parler d’effet "rhétorique" du lien entre le MES et le TSCG, dirigé contre l’alea moral, le risque dénoncé même par Stiglitz. Comme dans toutes les assurances mutualistes, le MES est accompagné de clauses « on paiera vos pots cassés, mais si vous faites attention ! »

Et que se passera-t-il si la Finlande gagne son recours ? Elle ne cotisera pas pour la Hongrie, et il faudra s’en passer. Cela n’empêchera pas ceux qui auront voté pour le prêt de passer outre, mais il ne pourront pas obtenir l’engagement de la Finlande et on s’acheminera vers un type de prêts garantis seulement par ceux qui l’auront voté.

Plaçons nous maintenant du point de vue de la Hongrie. Elle est nationaliste et n’a pas ratifié le TSCG, mais elle est endettée et a ratifié le MES. N’aura-t-elle pas droit à un soutien ? Bien sûr que si, exactement comme la Grèce, le Portugal et l’Irlande, aidés depuis bien avant la création du MES. Et je souhaite à son égard une rigoureuse conditionnalité démocratique. Les Etats sont des monstres froids qui interviennent au nom de l’intérêt bien compris. Ils sont intervenus pour sauver la Grèce, parce qu’ils pensaient qua sa faillite déstabiliserait l’Europe. Si la question se reproduit, ils voleront à nouveau au secours du pays suivant, à travers le MES ou en dehors, comme pour la Grèce. Le MES n’est qu’un moyen de faire très rapidement les prêts qu’on a bricolé péniblement pour la Grèce, sans se faire autant suer, et, si la Finlande cherche encore à casser les pieds, on passera outre.

Faut-il que le Conseil constitutionnel se prononce ?

Car la grande différence avec ce qui se passe depuis trois ans est le caractère automatique des contributions supplémentaires au MES (s’il en a besoin un jour). Les eurobonds émis par le MES devront en effet être remboursés, par l’emprunteur final (la Grece…) au MES et par le MES au préteur en dernière instance (la Chine, ou la BCE si la BCE a souscrit ou racheté les eurobonds du MES). Pour garantir qu’il remboursera même si la Grèce ne rembourse pas, le MES a besoin de fonds propres et de garanties, et il est probable qu’il faudra des rallonges par rapport au 500 milliards de la mise initiale. Le traité MES stipule un droit d’appel de fonds sans tergiversation (du MES à ses membres) : c’est le principe mutualiste. Et c’est ce que qu’attaque le FdG devant le conseil constitutionnel.

Eh bien, le FdG a raison. Certes, depuis longtemps, l’Europe peut décider de prélever son impôt à travers la TVA française et voter à la majorité des directives qui s’imposent à la France, donc à son budget, même si le gouvernement français a voté contre. Et c’est bien ce que refusent le FdG et tous les souverainistes, mais la question est tranchée depuis longtemps par le Conseil d’Etat et le Conseil constitutionnel : la loi française cède le pas à la loi européenne.

Sauf que voilà : les traités MES et TSCG ne sont pas des traités ni des lois européennes. Ce sont des « coopérations renforcée », et encore, en marge de la procédure normale des coopérations renforcées. On ne l’a pas assez souligné le 9 décembre 2011 : c’est la première initiative européenne depuis de Gaulle pour se débarrasser du boulet ultra libéral et atlantiste que représente la Grande-Bretagne : « Cette fois, y en a marre, on avance sans vous ». Mais du coup, le MES et le TCSG ne sont que des rameaux greffés sur le corpus législatif européen, et il serait bon que le Conseil constitutionnel français dise si, oui on non, ces coopérations renforcées sans la Grande Bretagne ont le droit d’être « fédéralisées », c’est à dire décidé à la majorité du sous ensemble européen concerné, sans nécessiter au coup par coup un vote préalable de l’Assemblée nationale française.

En tout cas, le FdG, par la nature même de son recours, souligne le caractère fédéraliste et non « intergouvernementaliste » du MES.

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