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Billet de blog 8 mars 2011

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Un sondage, un de plus, nous annonce un « coup de tonnerre » sur la présidentielle... Le pire est-il toujours sûr ?

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Le pire est-il toujours sûr ?

Noël Mamère - Edito du 7 mars 2011

Un sondage, un de plus, nous annonce un « coup de tonnerre » sur la présidentielle. La France microcosmique en est toute retournée.

Selon ce sondage réalisé par l’institut Harris-Interactive pour « Le Parisien-Aujourd’hui », Madame Le Pen arriverait en tête des intentions de vote au premier tour de la présidentielle. Avec 23%. elle devancerait Nicolas Sarkozy et Martine Aubry, crédités tous deux de 21%. Si ce énième sondage est un beau coup de publicité pour le journal et pour l’Institut qui l’a conduit, il est largement contestable dans sa méthodologie et le choix des personnes en présence... Mais c’est la loi du genre. Quatorze mois durant, nous allons donc être soumis à ce type de pression.

Mais, au delà du peu de fiabilité de la photographie, que nous dit ce « sondage » ? Que si le premier tour du scrutin se déroulait dimanche prochain, le scénario du 21 avril 2002, serait ainsi dépassé.

J’ai déjà écrit ici ce que je pense de l’héritière du clan Le Pen. Mais ce sondage donne malheureusement corps aux craintes les plus pessimistes que j’ai maintes fois exprimées : la prochaine présidentielle risque bien d’être la pire de toutes celles que nous avons connues depuis l’invention funeste du Général De Gaulle ; durant les quatorze prochains mois le débat politique va tourner autour du Front national et de sa candidate et ce, pour au moins cinq bonnes raisons :

- 1°/ la « dédiabolisation » de Madame Le Pen joue à fond. Elle a su donner un nouveau visage au Front. Plus de bonnes blagues sur les Juifs et les « points de détail » de la Seconde guerre mondiale ; plus de provocations sans enjeu autre que celui de faire du bruit mais, au contraire, des provocations millimétrées permettant de donner du sens aux orientations du Front ; une triangulation assumée des thèmes de la droite et de la gauche de gouvernement autour de la République et de la laïcité ; le recentrage autour de questions de société, comme le droit à l’avortement ; la réévaluation des priorités économiques, sociales, européennes sur lesquelles Madame Le Pen est en train de concurrencer Jean Luc Mélenchon... Résultat de cette mutation : sur le terrain, le capital sympathie de l’héritière du FN progresse dans la plupart des catégories sociales ou des territoires. La nouvelle présidente du Front national, qui a succédé à son père mi-janvier, avance ses pions depuis des semaines, séduisant de plus en plus parmi les classes populaires. Elle bénéficie d’une actualité politique qui renforce le sentiment des français face à l’impuissance gouvernementale et à l’atonie de l’opposition.

- 2°/ La « République irréprochable » de Nicolas Sarkozy lui donne tous les jours du grain à moudre : du « licenciement » de Michèle Alliot-Marie sur fond de révolution tunisienne, à la nomination de Gérard Longuet à la Défense, de l’affaire Woerth-Bettencourt à celle du « Balladur Gate », la coupe est pleine. Le sentiment qu’il faut nettoyer les écuries d’Augias prend corps dans une grande partie de l’opinion. Certes, il y a toujours eu des « affaires »sous la Vème République, mais là, l’impression est que le gouvernement tout entier se repaît des prébendes et privilèges de toutes sortes. Les cigares de Christian Blanc ou les appartements de fonction des unes ou des autres à peine oubliés, ce sont les vacances, tous frais payés, chez les dictateurs que l’on reçoit comme autant de gifles ; le président logé par Mohamed VI, le premier Ministre par Moubarak, la Ministre des Affaires étrangères, son mari de ministre et ses parents, en goguette et en voyage d’affaires en Tunisie, choyés par un proche de Ben Ali... Ce n’est plus un inventaire à la Prévert mais un charter de l’horreur politique.

Au même moment, la gauche se donne en spectacle en PACA où le Président du Conseil Général des Bouches-du-Rhône, est dans le collimateur pour ses rapports de clientélisme avec son frère et pour ses pratiques nauséabondes à l’intérieur d’un Parti Socialiste tétanisé. Mais ce n’est pas tout. Cette semaine s’ouvre le procès de Jacques Chirac, peut-être ajourné à l’heure où vous lirez ces lignes ? Ce parrain politique depuis quarante ans, qui fut de toutes les combines menées par les héritiers dévoyés du gaullisme, fait tout pour échapper à la Justice de son pays. Aidé par la Mairie de Paris qui a négocié le retrait de la plainte, il risque de s’en sortir une fois de plus... Comment voulez vous, après cela, que les citoyens aient encore envie de se prononcer pour des partis qui organisent l’impunité de leurs chefs historiques, au vu et au su de l’opinion publique. Le syndrome du « deux poids, deux mesures » est l’aune de cette République irréprochable. Madame Le Pen s’épanouit sur ce tas de fumier.

- 3°/ L’instrumentalisation des immigrés par Nicolas Sarkozy. Le débat sur la laïcité, qui se concentre sur la place de l’Islam en France, est en train de déraper : d’un côté on exalte les « racines chrétiennes » de la France au Puy-en-Velay, de l’autre on s’en prend aux minarets, au voile, à tout ce qui peut rappeler la différence entre la religion musulmane et les traditions de la « fille aînée » de l’Eglise, en pariant que cela incitera les électeurs de Madame Le Pen à rejoindre les rangs clairsemés de l’UMP. Le gouvernement ne cesse de surfer sur la menace de vagues d’immigration venues du Maghreb et d’Afrique noire vers l’Europe et la France. « L’invasion » de notre pays serait à l’ordre du jour... On l’arrêterait à Poitiers en brandissant le spectre de la lutte contre le Califat islamique de l’Europe ! Tout cela prêterait à sourire si les esprits n’étaient pas enclins à entendre ces ratiocinations venues tout droit de l’entre-deux guerres. Cette semaine, la seconde lecture à l’Assemblée de l’énième loi sur l’immigration sera l’occasion pour la majorité de réclamer de nouveau la déchéance de nationalité et autres crapuleries qui auront pour résultat de faire progresser la dame en noir dans les sondages. A force de vouloir courir après l’extrême droite, le parti présidentiel lui fait la courte échelle. A moins que Nicolas Sarkozy joue un remake du 21 avril, espérant que le candidat du PS, épuisé par les primaires et subissant la pression des autres composantes de la gauche, ne se retrouve en troisième position.

- 4°/ L’impasse sur les terrains économique, social et écologique. Tous les sondages le confirment, la présidentielle se jouera sur ce terrain là. Or, Sarkozy sait qu’il a déjà échoué en raison de ses choix successifs et de ses promesses inconsidérées. Nombre de Français avaient voté pour le slogan « travailler plus pour gagner plus », ils ont été servis jusqu’à l’écœurement. Ils constatent tous les jours qu’ils travaillent plus pour gagner de moins en moins. Le président du pouvoir d’achat s’est mué en président de la rigueur à marche forcée, du démantèlement des services publics à tout va, de la destruction du Code du Travail, de la précarité. Et là encore, ce n’est pas fini. Le débat insensé sur la suppression de l’ISF montre à quel point ce gouvernement des riches continue de soutenir, contre vents et marées, les plus aisés de nos concitoyens. Il fait payer la crise uniquement aux salariés, aux retraités et aux chômeurs et tout est bon pour en remettre une couche sur l’injustice sociale. Ce n’est pas grave, on trouvera des boucs émissaires : les fonctionnaires, les pauvres, les jeunes de banlieues et, bien entendu, l’immigration, considérée comme le mal absolu.

- 5°/ La dégradation de l’image de la France. Jusqu’ici, la présidentialisation de la fonction faisait plutôt sourire les français. Maintenant elle les fait rire jaune. Car le VRP du nucléaire, d’Areva, de Bouygues, de Dassault et de Bolloré, est en train de dégrader l’image de la France comme jamais sous la Vème République. L’attitude indécente de la France par rapport à la révolution des peuples arabes est symptomatique de l’affaiblissement organisé par le caniche de George Bush ; le dernier prétendant au choc des civilisations n’est plus à la Maison Blanche mais à l’Elysée. L’arrogance, la mesquinerie, le retour du discours colonial sont le pain quotidien de la diplomatie sarkozyste. Alain Juppé va tenter de modérer les ardeurs du Président, mais chez ce dernier, le naturel revenant toujours au galop, le pire est peut-être à venir car la situation nouvelle créée par la révolution tunisienne du 14 janvier n’a pas fini de peser sur la situation internationale et ses conséquences se font déjà jour. Le prix de l’essence ne cesse de monter, accentuant la précarité énergétique et accroissant l’inflation, tandis que la xénophobie d’État est relancée par les déclarations de Claude Guéant

Ce sondage inquiétant n’est qu’une photographie qui n’a aucune valeur,mais si elle fait l’effet d’une bombe politique c’est qu’elle traduit assez bien l’air du temps. D’une part, l’UMP et le PS ont tout intérêt, en jouant avec le Front National, à éliminer pour l’un, les candidats centristes ou Dominique de Villepin, pour l’autre les candidats de la gauche de la gauche et surtout la candidate écologiste. La bipolarisation est l’objectif affiché des deux grands partis. Un système à l’américaine est tellement plus facile à gérer ! D’autre part, à force d’organiser la tyrannie de la peur, on récolte ce que l’on a semé : la colère née de la peur. Les Français sont des électeurs stratèges. Leurs réflexes diffèrent à chaque élection. Aux européennes ils ont joué les écologistes gagnants. Aux présidentielles, ils jouent placée, Madame Le Pen, car ils veulent adresser un message simple à l’ensemble des forces politiques de ce pays : arrêtez de vous occupez de vos affaires internes, de vous prévaloir de nos voix pour accentuer vos privilèges ; arrêtez de faire de fausses promesses et de nous abreuver de vos discours et occupez vous de nos soucis quotidiens ! Liez ces préoccupations à un projet qui nous fasse rêver et qui nous mette en mouvement. Si vous restez sourds à nos demandes, nous ne nous contenterons pas de nous indigner, nous ferons sauter la banque.

Qui écoutera ce cri ?

Noël Mamère, le 7 mars 2011

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