Barnabé Binctin (Reporterre)
lundi 24 mars 2014

La rengaine tourne en boucle sur tous les médias officiels : "la poussée du Front national". Ce jeu qui sert la soupe à l’extrême-droite cache une réalité dérangeante : EELV a fait mieux que le parti de Mme Le Pen.
Une élection municipale est toujours difficile à analyser sur le plan national. En raison des particularités des petites communes, des nombreuses listes autonomes et des stratégies d’alliance à géométrie variable, les enseignements du premier tour se tirent souvent au cas par cas. Comment alors mesurer l’avancée de l’écologie dans les urnes ? EELV ayant noué un nombre important d’alliances, « il est impossible d’évaluer le succès des écologistes en fonction du nombre de mairies emportées », juge David Cormand, responsable des élections au parti d’Europe-Ecologie Les Verts (EELV).
Il fait en revanche valoir que sur les 262 communes où il y avait une tête de liste EELV, les 360 000 voix récoltées représentent une moyenne de 11,6 % des suffrages exprimés. Aux précédentes municipales, en 2008, deux fois moins de listes avaient été présentées et le résultat moyen n’atteignait pas 9 %.
Symbole de cette progression, Paris : à l’exception du 16ème arrondissement, tous les arrondissements de la capitale voient les candidats écolo améliorer leur score.
A l’image de Paris, cette tendance vaut surtout pour les endroits où EELV s’est présenté distinctement du Parti Socialiste : « Les listes d’union PS-EELV aux municipales dans certaines villes ont déçu. Résultat, l’écologie politique gagne donc du terrain là où elle se présente en autonomie. C’est l’un des enseignements ce premier tour, tout comme l’est l’abstention » remarque Antoine Lagneau dans un article.
Selon David Cormand, « dans un contexte de recul du Parti Socialiste, nous avons bénéficié d’un certain report des voix de gauche, qui ne sont pas allées au Parti de Gauche ».
Comment expliquer cette adhésion ? « L’écologie percute ce qui touche au plus près les gens. Quand nous parlons de transports, de projets d’infrastructures, des plans d’urbanisme et de destruction des terres, d’alimentation dans les cantines, etc., les gens voient que nous apportons des réponses. On n’est plus dans l’écologie abstraite, mais bien dans l’écologie du quotidien », analyse David Cormand.
Avec près de 600 têtes de liste, le Front National n’obtient à titre de comparaison que 7% des suffrages, en moyenne. En valeur relative, il séduit donc moins que les listes citoyennes et écologistes. Mais cristallise néanmoins l’attention médiatique : « On minimise le score des écologistes, car leur présence au gouvernement ne leur donne pas l’autonomie d’une vraie force politique », décrit Erwan Lecoeur, politologue.
Spécialiste de l’extrême-droite, il estime que les responsabilités de cette manipulation médiatique sont partagées avec les forces politiques en place : « Le mythe de la tripolarisation est intégré par les deux grands partis pour resservir l’idée du vote utile. Mais il n’y a pas de troisième force politique avec le FN ou alors, il y a deux troisièmes forces - avec les écologistes ».
En attendant, il fait peu de doute qu’il y aura plus de municipalités écolo que frontistes pour les six années à venir. Pour quelques mairies FN, on table chez EELV sur près d’une cinquantaine de victoires dans une semaine, côté écolo. Certaines ont déjà été remportées dès le premier tour, comme à Bègles où Noël Mamère est reconduit tout comme les maires sortants de Loos-en-Gohelle, Arcueil, Mouans-Sartoux ou Pussay. Et avec des espoirs importants à Grenoble, où le résultat au premier tour d’Eric Piolle dans une liste d’union avec le Parti de Gauche et des associations de la société civile constitue déjà un « exploit incroyable » selon Julien Bayou, le porte-parole d’EELV.
Source : Reporterre