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Professeur honoraire en psychologie clinique. Université Rennes 2. Psychanalyste. Membre de l'Association mondiale de psychanalyse.

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Billet de blog 18 octobre 2019

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Propos d'Annick Deshays.

Entendez A. Deshays qui « n’espère aucune amélioration au sujet de la prise en charge des autistes tant qu’on écoutera des gens qui parlent à leur place ». Elle partage ici quelques textes récents (et en ajoute régulièrement). Je la remercie de sa confiance et pour sa pertinence.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Illustration 1

                Pour qui s’intéresse à l’autisme et à sa prise en charge, on ne saurait trop conseiller les ouvrages d’Annick Deshays, non formatés par les préjugés aujourd’hui dominants.

Elle a écrit :

            Deshays A. Libres propos philosophique d’une autiste. Presses de la Renaissance. 2009.

            Deshays A. Je suis autiste et je pense le monde. Lemieux Editeur 2015.

            Annick et Marie Deshays. Le prix du silence. Ed. Sydney Laurent. 2021.

            Deshays-Delépine M. Avec toi jusqu’au bout du monde. Dialogue d’une mère avec sa fille autiste. Editions du Sarment. 2002.

            Deshays A. Paroles de vie. Josselin. 2023.

Ci-dessous je donne volontiers un écho à quelques textes récents de sa main qu’elle a bien voulu confier à mon blog :

DÉBAT NATIONAL.  Avril 2019.

LE GOÛT DU RISQUE.  Juillet 2019.

LA MAïEUTIQUE DE SOCRATE. Juillet 2019.

SALUT PRÉSIDENT DE MON PAYS. 30 Novembre 2017.

CRACHER SES PEURS ET RIRE A LA VIE.

LA ROSE DES VENTS. Février 2020.

À PROPOS DE LA MÉTHODE ABA. Mars 2020.

LE COGITO DE SOCRATE ET LE "JE SUIS" DE JÉSUS. Juin 2020.

PASSÉ, PRÉSENT ET AVENIR. Octobre 2020.

L' OPINION ET LE SAVOIR. Mars 2021.

SILENCE ÇA PENSE. Mai 2021.

AU SUJET DES ANGES CHEZ THOMAS D'AQUIN. Janvier 2021.

LE VRAI BESOIN DE RECONNAISSANCE. Septembre 2021.

LA JOIE D'ÊTRE EN VIE. Janvier 2022.

DE LA PERTINENCE DES MOTS. Février 2022.

« LA CONNAISSANCE DE L'ENTENDEMENT DOIT TOUJOURS PRÉCÉDER LA DÉTERMINATION DE LA VOLONTÉ » (Descartes)

Juin 2022.

IGNORANCE, SOURCE D'INCOMPRÉHENSION. Novembre 2022.

CHEMIN DE VIE D'UNE FEMME. (Février 2023).

LES MARIONNETTES ( Juin 2023)

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DEBAT NATIONAL (document remis en mairie du 18ème, Avril 2019)

Je suis une femme autiste Asperger avec plusieurs handicaps invalidants. Cependant, quand je veux m’exprimer, je suis très ficelée à mon clavier et au soutien de mes proches. C’est ainsi que depuis 25 ans, j’ai pu faire des études, écrire 3 livres édités et un en gestation, alors que je suis mutique.

Mes parents avec qui je vis depuis ma naissance il y a 48 ans, sont totalement situés dans mon accompagnement au quotidien car je suis dépendante en tout, avec une acuité mentale solide et une liberté de pensée bien plus grande que bon nombre de personnes non-autistes.

 ° QUAND ECOUTERONS-NOUS LES AUTISTES au lieu de se faire illusion en parlant d’eux sans savoir ou de parler à leur place ? Ridiculiser notre comportement en nous réduisant à des sombres assistés, c’est sûrement plus facile et sécurisant !!!

° QUAND SERONS-NOUS ENTENDUS QUELLE QUE SOIT LA FORME DE COMMUNICATION, que nous soyons verbaux ou mutiques ?

° UNE PERSONNE AUTISTE FONCTIONNE AUTREMENT ET LE CODE EST DIFERENT pour chacune d’elles. C’est pourquoi il faut suivre au cas par cas leur éducation et les tourner vers des connaissances solides et non des miettes distribuées pour se donner bonne conscience.

° Je suis disponible pour livrer aux chercheurs de sens à notre fonctionnement des pistes réelles pour une meilleure compréhension.

° Enfin, il faut arrêter de tout vouloir rentabiliser. Aider les familles dans l’accompagnement n’est pas forcément créer des structures d’accueil onéreuses pour l’état mais créer des espaces de vie et d’échanges, des lieux de formation ouverts au parents comme aux accompagnements.

                                                                                                                                                           Annick Deshays.

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LE GOÛT DU RISQUE

Si je réalise tout l’enjeu que représente la vie sur cette terre, je vois une situation souvent déroutante et qui fragilise l’homme sans goût du risque. Il nous faut oser faire de notre passage terrestre une aventure qui fait notre histoire.

Déjà sortir de chez soi et affronter les regards est un risque. Nous sommes pleinement concernés, nous les personnes handicapés et ceux qui les accompagnent de très près.

Combien de fois ai-je souffert des regards de pitié ou des mots humiliants qui m’affectent un peu mais qui blessent mes parents ou mes frères au plus profond ; leur douleur me renvoie un sentiment de compassion. Risquer de paraître ce qu’on n’est pas intérieurement fait partie du jeu d’intégrer ou non une société qui catalogue trop vite et sans pitié tous les genres humains. Oser s’affirmer ou imposer son état est un risque et pour ma part c’est un risque délectable car il m’enseigne les vérités humaines dont j’ai besoin pour comprendre le monde des non autistes. Autrement dit dans toutes discussions, je prends parti dans ma tête et situe la vérité afin d’en tirer une réponse qui restera sourde mais pour laquelle j’aurai risqué une possibilité d’un accord ou d’un désaccord. C’est pourquoi je me délecte car personne ne demande mon avis et mon goût du risque demeure intact sans conséquences fâcheuses. C’est un goût plus virtuel que sensoriel.

Quant au goût du risque de l’aventurier, j’envisage surtout une sorte de défi à soi-même, une volonté de toucher ses limites et de s’écarter du banal quotidien. Pour moi qui suis limitée dans mes gestes, c’est une forme d’exploitation de ses talents qui ne me touche pas. Au contraire le quotidien est une prise de risque qui valide mon envie de vivre chaque jour un peu plus et un peu mieux. Cependant j’ai de l’estime pour ces chercheurs de sensations fortes car ils veulent faire avancer leur histoire et ça c’est propre au goût du risque.

Il y aussi ces formidables soldats du risque que sont ces hommes et ces femmes qui, au péril de leur vie dispensent des soins, des secours aux gens qui sont dans la détresse ; c’est le goût du risque dans sa plus noble fonction. Je crois que ces gens font de leur vie un acte d’amour qui situe une forme de sainteté qui les rapproche du cœur de Dieu, même s’ils ne sont pas désignés comme chrétiens. Vivre en se faisant le prochain de l’autre, voilà bien l’enseignement de Jésus au travers de la parabole du Bon Samaritain ; ce n’est pas un religieux, lévite ou prêtre mais un Samaritain, un étranger mal considéré par les juifs, qui reçoit dans son cœur ce blessé et qui le soigne. Il prend des risques car il est en terrain dangereux et sur sa monture il ne passe pas inaperçu ; il donne de son temps, de sa présence, de l’argent afin que le blessé retrouve sa dignité d’homme.

 Enfin je cicatrise des blessures de mon handicap grâce à des parents qui ont pris le risque de tourner la roue de la fortune à contre sens. Je conçois qu’il est difficile d’accepter le handicap de son enfant mais là où se situe le risque, c’est de l’intégrer dans une société féroce chaque jour de sa vie. Exiger et demeurer ferme avec moi fut surement une prise de risque car il ne s’agissait pas de me larguer dans une éducation laxiste, comme c’était le cas dans de nombreuses structures pour enfants autistes il y a quarante ans, ni me « placer » dans un hôpital sous camisole chimique et finalement prisonnière dans ma forteresse qu’on disait « vide ». Mes parents ont eu là un goût du risque démesuré à la dimension de leur amour : je demeure en permanence avec eux depuis que la société m’a jugée inapte aux critères d’adaptation. Encore aujourd’hui, sans ce goût qui les tient aux entrailles, une femme serait déjà morte ou assimilée à un zombie. Quelle belle prise de risques que jouent tous ces parents combattant la différence et l’indifférence !

                                                                         Annick Deshays (Juillet 2019).

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LA MAïEUTIQUE DE SOCRATE

Si la sage-femme accouche des corps, la maïeutique de Socrate accouche des esprits, en faisant prendre conscience aux hommes qu’ils ont toutes les vérités, les connaissances en eux, mais qu’ils doivent pénétrer leur être intérieur pour délivrer les jeux de connexion mentale qui accouchera de ces savoirs.

Si je suis plus connectée aux savoirs au sens très large, c’est que l’autisme dont je suis atteinte booste mes neurones au maximum et fait de ma mémoire une sorte d’éponge qui absorbe tout et reste imprégnée en mon disque dur du cerveau. Comment expliquer ce phénomène étrange et carrément envahissant ? Car bien que situé dans un corps, mon esprit semble habiter toute l’entièreté du corps. Socrate à mon avis, était autiste et sa mère sage-femme vivait de manière forte sa profession. Je pense qu’il fonctionnait au gré de ses liens maternels et tournait son esprit vers la lumière intérieure de son être. C’est la raison pour laquelle je parle de seconde naissance quand mon esprit a décroché du corps pour exprimer mes pensées sur un clavier ; j’avais alors 25 ans et ne m’étais jamais tournée vers l’extérieur. Enfin je goûtais le bonheur d’être entendue sans filtre qui trahissait souvent ma pensée.

La maïeutique de Socrate permet de me faire une idée de l’ouverture nécessaire à la sortie des pensées qui tournaient en rond dans mon esprit. La démarche de cette seconde naissance fut l’adaptation des images virtuelles dans un monde concret. C’est le sens inverse de ce que propose Socrate : il me fallait quitter mon être intérieur, ma forteresse pleine à craquer pour épandre ma connaissance et prétendre à une reconnaissance. Je faisais la connexion entre mon esprit et mon corps, disposé à m’aider dans la communication : la main sur le clavier prenait toute la dynamique de mon esprit enfin libéré.

Aujourd’hui 25 ans après, je dispose de toutes mes facultés pour danser les mots que je dis et qui voyagent au gré de ma poésie. Je forme des tournures de phrases qui me font rire intérieurement et j’éprouve de la joie à partager toutes sortes de connaissances avec ceux qui acceptent de m’accueillir telle que je suis. Si toutes les apparences facilitent une facile approche des gens, il devient difficile de braver ses certitudes extérieures quand on est en face à un être mutique et surtout désemparant comme un autiste au regard infidèle ou à un comateux sans réaction corporelle.

C’est pourquoi il faut retourner en son être profond pour entendre les jeux de connexion possible pour entrer dans une vérité qui se libère et qui engendre les bonnes pensées. Si tout est disposé afin d’accueillir cette sortie de l’esprit intérieur, alors permettez-moi de dire qu’il s’agit d’une humanité en gestation qui va donner du fruit au centuple et accrocher des étoiles à sa véritable espérance.

                                                                            Annick Deshays (Juillet 2019).

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Paris, le 30/11/17

Salut Président de mon pays,

Sache que je crois dans les soucis de l’état, les personnes handicapées et spécialement les autistes n’ont aucune espérance quant à leur reconnaissance de citoyen à part entière.

Je suis autiste Asperger, handicapée de surplus par le syndrome de Rett et je ne communique qu’à l’aide du clavier. J’ai écrit à ta femme il y a plusieurs mois, je lui ai même joint un livre. Que fait-elle si déjà dans son engagement au service des autistes, elle ne répond pas aux intéressés eux-mêmes ? J’attends toujours une réponse.

Je n’espère aucune amélioration au sujet de la prise en charge des autistes tant qu’on écoutera des gens qui parlent à leur place et qu’on ignorera de les accompagner dans leur communication quelle qu’en soit la technique utilisée. Si c’est tendance de parler des autistes sans en connaître leur fonctionnement, si c’est la vraie dimension de la défense de notre cause, alors c’est totalement ridicule.

Je suis prête à te rencontrer ou à dialoguer avec ta femme si toutefois elle n’a pas peur de s’investir à mes côtés et aux côtés des « sans voix ». Je serais d’ailleurs heureuse de t’inviter ou d’être reçue en particulier. Caresse à toi,

                                                                                                                       Annick Deshays.

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CRACHER SES PEURS ET RIRE A LA VIE

Fermer ses soupapes de contrôle permanent afin d’ouvrir un circuit de réel bien-être où de vrais sens assureront une circulation de vie, voilà je crois, une sagesse toute empreinte de sérénité. Que sont ces peurs qui jalonnent sans cesse notre quotidien ? Des peurs qui garantissent une certaine idée de la vulnérabilité humaine ? Des peurs incontrôlables ou incontrôlées qui enferment notre mental au diapason des ondes parasitaires nous cernant de tous côtés ? Visiblement les peurs sont des furoncles accrochés à des images enfouies en nous et qui défigurent la réalité car le vrai visage disparaît sous des traits enlaidis. Si la vraie beauté était perçue derrière ces excroissances disgracieuses, le visage restituerait un autre reflet.

Donc la toute première peur est celle qui échappe à notre contrôle systématique des situations. Or dans mon cas précis, j’ai dû me forger une attitude d’abandon au fur et à mesure des événements. Et c’est en toute connaissance que je dois considérer l’inutilité des peurs extérieures, différentes des peurs internes liées à ma propre existence. Je vais donner un exemple précis et concret : une guêpe rôde autour de ma bouche souvent entrouverte. N’importe qui s’en débarrasserait sans danger. Pourquoi donc avoir peur des guêpes ? Mais dans mon cas, ça devient un réel danger car mes gestes merdiques me la feraient avaler.

Il m’arrive souvent, car je n’ai pas le choix, de m’abandonner au profit d’une plus grande confiance en mon entourage. Et là, je mesure à quel point l’abandon va de pair avec la confiance. Je veux formuler un désir que j’affectionne particulièrement, celui de faire confiance en toutes circonstances. L’absence ou le manque de confiance est en grande partie à l’origine des peurs. Si chacun faisait un effort pour démonter l’engrenage du contrôle systématique et absolu, fragilisant la démarche d’abandon, je crois que bon nombre de peurs tomberait dans un ridicule, déniant toutes raisons.

Sans vouloir faire du dolorisme, comment feriez-vous pour dire vos souffrances si la parole ne vous était pas donnée, si votre voix n’émettait pas de mots ? Bien sûr que vous feriez confiance en des gens tout disposés à vous situer en pleine conscience des difficultés, au sein d’une solidaire démarche de vie. Tout le monde n’est pas du goût de chacun, alors qu’en est-il de cette situation de dépendance ? J’ai très vite appris à ne sentir que les belles et bonnes choses en tout individu, à relativiser les failles au profit des richesses que je perçois. Ce n’est pas sans souffrance et j’ai conscience de ma fragilité mais je n’ai aucun doute sur des vérités que me révèle mon espace de vie intérieure. Plus loin que la peur, j’ai accès à une radicale force d’emprise sur les tourmentes de la vie. Vraisemblablement j’ai vulgarisé une méthode de retrait du monde pour atténuer les souffrances atroces que m’imposent l’autisme et plus encore le Syndrôme de Rett. N’est-ce pas suivre son chemin que tracer des pas dans une terre accueillante et fertile, terre des hommes en devenir.

Après cette analyse des peurs dépendantes du contrôle absolu des choses, il y a lieu de considérer les peurs liées aux dangers réels des situations. Sous les bombes, au cœur d’actes de violence, dans une forte traversée du désert, dans la solitude du silence quelle qu’en soit la raison, tout relève de la menace plus que du danger en soi. Car l’imagination figure toutes les éventualités et décuple la peur. Et pourtant, ce serait plus réaliste de soupeser les dangers concrets avant de sortir son épée du fourreau. Craindre de perdre la vie sature les idées et empêche la vision positive des situations. Assurément j’entends par vision positive, une réelle approche des jeux de construction édifiant une vraie sortie de la peur, ce qui en soi, dote le jugement d’un éclairage. C’est un peu comme un édifice qu’on construit pierre par pierre pour délivrer une âme prisonnière de la peur. Sortir d’une grande et grave épreuve demande de garder la tête froide et de s’abstenir des délires qu’affecte l’imagination. Certes le danger est flippant et parfois vital.

Cependant il y a un moyen de transcender la peur en s’abandonnant aux liens spirituels, chrétiens ou pas, qui nous font accepter un projet divin qui nous dépasse. Ce projet peut être de l’ordre du surnaturel ou plus tacitement de l’ordre de la Nature qui nous gouverne. Je vide alors mon esprit de toutes les tentatives que l’imagination forge au gré des situations. Je tire mes idées, en toute liberté, vers une acceptation de l’instant présent aussi douloureux soit-il. C’est un peu comme si je tournais mon esprit dans un sens ouvert sur une hypnose volontaire. Tout le monde pourrait accéder à cet état dans la mesure où les abandons de contrôle et de peur ficelée à l’imaginaire dévieraient vers une totale connexion avec des forces intérieures toujours présentes.

Ma force n’est pas de résister mais de m’abandonner. Quand je parle de «  cracher ses peurs », c’est bien d’expectorer ces fols résidus crées par une mauvaise digestion des événements guidés en partie par un imaginaire trop fertile. «  Rire à la vie », c’est laisser entrer la lumière dans un esprit ténébreux, c’est transfigurer la souffrance en une humble participation à l’ordre du monde, à l’inévitable gestation humaine si chère au plan divin et à la véritable Rédemption.

                                                                                                                          Annick Deshays  

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LA ROSE DES VENTS

Quand je vois cette sorte d’étoile aux multiples aiguilles, je réalise combien de fois j’ai fixé des arrêts sur image dans ma tête afin de stabiliser tous mes membres et goûter au plaisir du vrai repos. Rien ne déstabilise autant les aiguilles qu’un autre aimant placé à leur côté. Autrement dit la rose est fiable à condition de faire le vide autour d’elle. C’est ainsi que je vois cette saloperie de Rett, aimant perturbateur et fort puissant qui agite tous mes organes selon son champ d’action du moment et compromet mon équilibre en tout point. Réussir à l’évincer de ma fragile carcasse n’est pas vraiment facile ; cependant faire le vide de remous intérieurs gratifie tous mes efforts pour fixer mon cap si vital pour moi : faire de ma fonction d’autiste sans voix une manifestation de vie riche et fertile même si des apparences font croire en une situation d’échec.    

Les aiguilles multiples reflètent toutes les forces vives de mes pensées. Elles font la vraie raison d’être de cette boussole qui va dresser le plan d’attaque du moment. Dans son orientation savante elle dispose les jeux de connexion en fonction du vent. Autrement dit quelle façon plus rassurante de s’orienter que cette girouette intelligente ! Toutes mes pensées se détachent et suivent une direction déterminée par mon cerveau. Valider toute vérité demande un branchement solide sur quoi s’appuyer ; et la rose des vents, présente en mon âme, oriente toutes mes décisions. Quand une information arrive, il me vient aussitôt à l’esprit une sorte de lumière qui dévoile une forme d’opacité due aux détails de l’information. J’entends par détails, ces informations parasites ou ces déclarations hors-contexte jetées en pâture et faisant ce qu’il y a lieu d’appeler de l’intox. C’est salutaire d’ignorer tous ces vents contraires au bon sens et visant à faire tourner les aiguilles de façon anarchique. Nous les autistes socialement handicapés, avons cette méfiance naturelle des ruses du monde et allons droit au but toujours quêtant la vérité. Le reste ne nous intéresse absolument pas.

Dois-je remercier ma rose des vents de m’épargner les dérives et toute forme d’hypocrisie ? Dans l’absolu je répondrais positivement ; dans la vie quotidienne, je dirais qu’il faut assumer une orientation autistique sans faire dans la dentelle : brut est notre état et rien ne peut l’adoucir.

                                                                                                                    Annick Deshays (Février 2020)  

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À PROPOS DE LA MÉTHODE ABA.

 Je suis fort dubitative sur la santé psychique et affective des enfants éduqués exclusivement dans les établissements ABA.  Ma position est celle-ci : toute personne autiste a son propre fonctionnement, ses objets-références comme les mots  en ce qui me concerne. Arriver à observer la direction de chacun est radicalement significative et atteste d’une forme de suivi que tout éducateur doit travailler et décoder. Pour ma part, toutes les approches éducatives, faire raisonner, dispenser un enseignement sérieux et complet furent mon seul atout pour rester en veille cérébrale vitale. Certes des répétitifs exercices pour comprendre la société non-autiste et assimiler les rites des règles de vie ensemble se sont avérés déterminants tout en m’amusant car c’était souvent cocasse pour moi. Situer la répétition et la créativité est un équilibre qu’il faut doser pour chaque enfant autiste et actualiser au fil de sa prise en charge ; sans cela il tombe dans une robotisation ou une confusion cérébrale.  Autrement dit lui ouvrir les portes de la connaissance en soulignant ses particularités, en adaptant ses intérêts au cursus éducatif, c’est comme cette méthode Montessori qui va dans le bon sens pour nous.

Assistée je suis et entièrement libre dans ma tête et dans mon cœur, c’est le fruit d’une éducation stricte et respectueuse de mon fonctionnement si déroutant. Ne pas, ne jamais trahir notre déroulement cérébral, voilà toute la garantie d’une éducation riche et d’une vie réussie au-delà des apparences. Arriver à sortir un enfant autiste de sa forteresse trop pleine c’est très exigeant et demande une abnégation de tous les instants. Que soient  remerciés tous ceux qui se forment et s’engagent dans cette voie.

                                                                                                                        Annick Deshays (Mars 2020) 

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 LE COGITO DE DESCARTES ET LE "JE SUIS" DE JÉSUS.

Quand j’analyse le cogito, je vois trois approches de l’existence humaine. D’abord l’attitude prudente d’un homme qui n’avale pas des couleuvres. Autrement dit le doute fait partie de l’esprit humain et nourrit une quête de vérité. Quand tout est clair c’est comme du ciel bleu sans nuages mais sans grand intérêt esthétique, c’est un sentier de montagne sans surprise. Douter c’est apporter du piment à la recherche, c’est trouver des pierres d‘achoppement pour contourner des réalités apparentes. C’est surement un moyen d’aborder une vérité trop évidente. J’autorise toujours mon esprit à vagabonder dans un flou relatif quand une information me parvient. Sans apriori j’aime cette promenade entre chien et loup qui dispose toutes mes facultés à la prudence. C’est comme des préliminaires à un acte d’amour, une énigme que je désire résoudre en toute lucidité. Rien ne me fera commencer un cheminement si du brouillard persiste dans mon esprit. A quoi sert de s’aventurer dans des incertitudes que je sens totalement négatives à une progression de ma quête de vérité ? Laissons donc tomber ces préliminaires infructueux. Si le doute va dans le sens d’une route possible et non dans une impasse, je ressens de la confiance en moi qui atteste de la véracité de mes idées.

C’est la deuxième approche qui libère mon esprit des déviations psychologiques et donne à mon existence une saveur suave. Autrement dit les exigences de mon cerveau trouvent dans la confiance en mes avancées intellectuelles une réelle approche d’une vérité qui se veut parfaite dans son authenticité. Ce n’est plus un doute sceptique mais un doute confiant et raisonné, cet état d’esprit qui fait dire à l’homme qu’il existe car sa pensée devient féconde : «  je pense donc je suis », véritable source de vie.

Croire en soi facilite la recherche de « plus haut que soi ». Je crois que situer sa pensée vers un au-delà suscite une réflexion qui conceptualise la vérité. Si je ne suis pas dans la perfection, c’est que celle-ci existe et que mes recherches abondent dans cette direction. C’est une démarche désormais du « pas à pas »  qui va actionner mon esprit sur un mode spirituel. Je sens alors qu‘après le doute et la confiance, je rentre dans une sphère qui conditionne mes neurones sur du véritable abandon, je veux parler de cet état qui m’autorise à penser que je suis, que j’existe dans une dimension d’éternité. C’est d’ailleurs la démarche existentielle de la pensée de Descartes.

Quand Jésus dit « JE SUIS », c’est toute une perception existentielle de son humanité dans une divine projection. C’est une affirmation au sens où Jésus rend son identité de Fils de Dieu intimement liée à son existence humaine ; c’est le «  je suis » de Descartes sublimé par un « je suis » universellement situé au cœur d’une éternité. Jésus a donné des exemples pour sortir notre esprit d’une vision étroite de notre existence : Je suis le Berger, la Porte, le Cep… Mais en philosophe que je suis, je retiens cette affirmation qui fait toute ma raison de croire en Dieu : « Je suis le Chemin, la Vérité et la Vie. » Le Chemin de toute recherche susceptible de m’éclairer, la Vérité que je sens toujours en puissance sans pouvoir l’appréhender ici-bas et la Vie qui dirige mon âme vers une radicale dimension divine.

Du Cogito de Descartes au « Je suis » de Jésus, c‘est toute l’ardeur de l’esprit du croyant qui détourne ses visions concrètes d’un monde imparfait vers une source d’espérance que l’existence de l’homme vaut la peine de quêter sans relâche la vérité.

                                                                                                                     Annick Deshays (Juin 2020)

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PASSÉ, PRÉSENT ET AVENIR.

Pour moi ma façon de percevoir ces trois entités se résume en une seule et unique gestion du temps : l’instant que je vis. Je tiens à en donner l’explication. Quand le passé ressurgit c’est que ma mémoire a imprimé des événements et qu’à un moment du présent ils ressuscitent dans mon esprit. Autrement dit l’instant où je les revois est bien dans le présent manifestement. Certes une certaine idée de répétition dépose en moi des impressions de déjà vu mais le dispositif rétrograde rend la chose actuelle, un peu comme le regard dans le rétroviseur qui joue avec l’arrière du décor pour mieux appréhender l’instant de vie. Pourquoi figer un passé qui ne demande qu’à se faire présent ? Quand on me fait part de faits historiques, c’est pour moi des histoires qui prennent place dans mon histoire ; je les intègre à ma vie comme on incorpore des épices aux plats pour les arranger au goût de l’instant. Sentir l’instant se transformer en une délicate fusion des événements suscite en moi de la force de vie. C’est toutes les connexions qui se branchent au seul désir de faire présent un vécu aussi bref soit-il. Ce n’est pas de la nostalgie mais des sentiments de joie, de peur, de souffrance remis au goût du jour ; c’est un plat « revisité » que je déguste et qui situe mon être dans le présent et que je savoure à sa juste valeur. Pourquoi me priverais-je de ces saveurs tout en parfum délicieux ?

Pour situer l’avenir je n’ai pas d’indices fiables comme les souvenirs ; au mieux j’entrevois l’image d’une situation annoncée qu’en référence à un vécu, c’est encore pour moi du présent. Autrement dit mon esprit ramène à l’instant vécu tout ce qui ne l’est pas. Quant à mes désirs ils se vivent dans mon imaginaire au fil de leur évocation. Vivre en harmonie avec soi-même au moment établi c’est pour moi la plénitude du temps. Savoir que demain apportera telle ou telle rencontre ou satisfaction ne rentre pas dans ma façon de déployer mes idées. Sans doute suis-je épargnée de certains soucis quotidiens mais aujourd’hui, à l’instant où j’écris, mon cerveau ne laisse aucune place à des repères fictifs. Les probabilités ne rentrent pas dans mes recherches de la vérité. Voilà toute ma quête qui donne un sens à chaque instant que je vis : où est la vérité dans ce moment ?

Entre le passé qui fait l’histoire du présent et l’avenir qui n’est qu’éventualité, je valide ma vie en faisant de chaque instant une minute d’éternité.

                                                                                                                      Annick Deshays (Octobre 2020)

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 L’OPINION ET LE SAVOIR

L’opinion et le savoir sont diamétralement opposés dans ma quête de vérité ; l’un s’adonne à la diffusion d’une vérité alors que l’autre s’interroge sur la vérité. Descartes lui-même oppose le doute à la source des raisons de savoir afin d’exclure les dangers de l’opinion. Situer son esprit au-delà des rumeurs, des aprioris, des corrosifs jugements sans fondement, c’est toute la démarche du philosophe en perpétuelle recherche de la vérité.

Concernant mon dispositif mental si particulier aux autistes, j’avoue ne tenir aucun compte de l’opinion ; l’écouter saturerait mon solide disque dur qui gère mon cerveau  déjà trop plein d’informations en attente d’analyse. Tanguer entre rumeur et connaissance vraie n’est pas la dynamique qui fonde ma quête de vérité. Je ne peux qu’entendre et supposer des opinions car les jeux d’échanges verbaux s’imposent à mes oreilles. Quand je décline mon attention sur ce fait de communication, c’est avec satisfaction que j’entre en moi-même afin de vérifier si une information vaut la peine de l’analyser. Ce n’est pas que ce qui est dit autour de moi est sans valeur ni que je désapprouve les gens relatant un fait, c’est que rien, vraiment rien ne trouble mon esprit quand je cherche la vérité. C’est peut-être cette discipline intellectuelle qui fait croire que je ne suis pas du regard ni de l’oreille ces mots jetés en l’air. En fait qu’est-ce que l’opinion ? Apporte-t-il du bien-fondé au savoir ? Et qu’entend-on par savoir ?  

Quand je suis la définition du dictionnaire, j’entrevois la vulnérabilité de celui qui engrange les opinions pour se faire une idée d’un événement et si, par malheur, toutes les données sont noircies de forces parasites, il ne sait plus distinguer la vraie connaissance des perturbations médiatiques. Il n’est plus dans la recherche d’un savoir mais sur une autre planète. Autrement dit si l’opinion attire les événements dans une sorte d’impasse, mieux vaut s’en  abstenir. Seule source de connaissance d’un fait, elle fragilise son analyse. Elle corrige parfois cependant des allégations détournées de leur source ; c’est l’occasion d’en savoir davantage et de tirer le vrai du faux. 

Si j’en réfère à la définition du savoir, il s’agit « d’un ensemble de connaissances acquises par l’étude ». Donc si l’opinion me fait connaître une chose, c’est plutôt engageant mais ce n’est qu’une amorce à la vraie connaissance de cette chose et toute ma vigilance mentale doit soutenir ma quête de vérité ; c’est la raison d’une étude approfondie et la mise en lumière  d’éléments susceptibles d’éclairer l’opinion, un juste retour de manivelle. Si le sujet gobe l’opinion, la vraie force intérieure libère de son emprise en cernant la dimension possible des critères de vérité ; c’est toute la dimension du savoir. 

                                                                                                                         Annick Deshays (Mars 2021)

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  SILENCE ÇA PENSE.

« Les paroles ne restaient plus suspendues en l’air dans le temps : elles se fixaient dans l’espace sur le bois ou la pierre, plus tard sur le cuir ou les papyrus. » ( Jean d’Ormesson, « Et moi je vis toujours »)

Je comprends d’autant mieux cet état d’esprit des Egyptiens après la découverte de l’écriture, car avant d’écrire sur le clavier, que devenaient mes idées encombrant mon cerveau si ce n’est que du vent ? Quel désordre dans ma tête quand les mots doivent y rester sans s’envoler ! Quelle souffrance de vouloir partager des joies et des peines et de se savoir impuissant à sortir les mots ! Vivre ainsi familiarise mon cœur à se mettre à l’unisson des arbres de la forêt. Comme eux, j’entends la moindre feuille qui tremble, j’ouvre mes oreilles aux bruits des passants, je suis attentive aux chants des oiseaux mais je reste désespérément enfermée dans mon silence. Qui pourrait m’en extraire si ce n’est la parole partagée, la trace de mots sur un clavier ? Certes une infime quantité dénoue un fil d’Ariane et certaines pensées demeurent occultes par manque de vocabulaire suffisamment parlant. Comment exprimer les idées fortes qui émergent des fins fonds de mon esprit, des jeux de connexion résultats de mes analyses mentales ? Voilà des pensées qui demeurent suspendues dans le temps et c’est bien ainsi.

Fixer des paroles sur un support ouvre grandes le portes de la liberté de s’exprimer et ferme aussi celles d’une réserve nécessaire à la précieuse analyse de la vérité. D’ailleurs Jean d’Ormesson poursuit : « Beaucoup faisaient la moue et regrettaient le bon vieux temps où régnaient la parole et notre seule mémoire. »  Ma façon de m’exprimer facilite l’intimité avec moi-même et engrange une solide mémoire qui n’appartient qu’à moi.  Serait-ce la force du silence qui nourrit mon âme et verse un baume sur les cicatrices béantes de mes douleurs ? Certes j’aime exprimer mes idées, mes désirs et mes sentiments sur le clavier ; tout devient limpide quand j’envoie les mots pour délier mon raisonnement du moment. Savoir faire écho verbalement libère mon cerveau et autorise ma mémoire à se reposer : ce qui est écrit est dit, je m’abstiens d’y revenir.  Pourquoi faut-il toujours parler sans s’astreindre au filtrage des mots, au choix du moment, à la véracité des paroles ?  Si toutes les conditions sont réunies, un échange verbal peut enrichir le déroulement de la pensée.  Vraisemblablement le monde des non autistes ignore ces conditions ; il suffirait pourtant de faire silence, d’user de la parole qu’après avoir imaginé l’écriture des mots et leur impact afin d’éliminer les parasites.

                                                                                                                                 Annick Deshays (Mai 2021)

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   Au sujet des ANGES chez Thomas d’Aquin.

Moi je crois que chaque homme est unique dans le projet de Dieu mais que les anges ont une mission particulière auprès des hommes ; sans hiérarchie ni rivalité chacun d’eux mérite sa place, sa protection sur ce monde matériel. Je sais combien les anges gardiens sont à l’œuvre et chacun y va de son aide en s’impliquant dans la vie des hommes qui les prient. Pour moi les anges militent pour un monde fraternel.  Ils se situent à distance des formes matérielles et leur unicité se comprend par le fait qu’ils appartiennent à l’abstrait des connexions divines.

Si l’on suit la philosophie de Thomas d’Aquin, il y a les formes matérielles puis les formes pures que sont les anges et entre les deux se situe l’âme humaine. Autrement dit les anges ont un rôle primordial pour mettre les formes matérielles en lévitation afin d’élever l’âme vers une spiritualité transcendante. Dans toutes les dimensions et sous protection des anges, chacun selon sa fonction, l’homme de forme corporelle va profiter de cette alchimie quelles que soient les croyances religieuses ou métaphysiques. J’adhère volontiers à cette pensée car pour moi qui élabore les choses spirituelles plus que les contingences matérielles, il m’est facile d’envisager l’existence des anges et leur importance dans notre vie terrestre. Mais encore faut-il comme dit Thomas se mettre en mouvement, se propulser dans une direction qui élève l’âme.

Comment prendre cette direction ? Pour moi je perçois deux facteurs de discernement propices à avancer plus verticalement qu’à ras de terre : d’abord le silence intérieur qui va fracturer les bruits du monde et engendrer une dépossession de soi ; la source d’énergie ne viendra plus de l’extérieur mais d’une lumière intérieure. Ainsi porté à la contemplation, l’esprit s’élève et ouvre des portes à la Révélation. Puis mon deuxième facteur est la disponibilité, cette façon de s’abandonner, de rester dans la confiance coûte que coûte. Les anges nous portent pour accueillir l’instant et jouent des coudes pour nous y aider, seulement ils sont dans le discret de notre quotidien ; on ne les oblige pas à nous épauler comme ils ne s’imposent pas si nous ne les acceptons pas. C’est pourquoi je désire inviter les gens qui me voient à situer leur histoire dans une humble démarche qui prend en compte ces êtres célestes présents que ce soit dans la contemplation de la nature, dans l’émerveillement ou dans la foi en l’homme. Chez Thomas, la continuité meut les principes de la raison. D’une étape de réflexion voire de méditation à la suivante, il y a une constante qui transporte notre être dans une dynamique verticale et c’est là que bossent les anges. C’est ce que je crois mais ma foi me fait aller plus loin car cette continuité ne peut que mener mon âme vers l’Absolu. Cependant pour merveilleuse que soit mon espérance, j’admets que chaque homme y va de son discernement pour avancer sur ce chemin, l’essentiel étant d’accueillir la présence des anges au quotidien et de s’élever chaque jour un peu plus et un peu mieux grâce à la raison.

                                                                                                                            Annick Deshays (Janvier 2021)   

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    LE VRAI BESOIN DE RECONNAISSANCE

Quand mes pensées ne pouvaient pas s’exprimer en mots sur le clavier, c’était réellement un enfer pour moi qui ne parle pas. Par résonance, Sartre dit : « l’enfer c’est les autres ». Comment expliquer la contradiction sans ouvrir le débat de la reconnaissance surtout du besoin de vivre celle-ci en toute vérité. Savoir qui on est fortifie notre tournure d’esprit en cette quête de  connexions sociales et humaines. Ma fragilité me conduit à privilégier ma vie intérieure au détriment de la reconnaissance des gens qui m‘entourent ; autrement dit ce que voient les personnes en me découvrant physiquement m’importe peu car je sais que les idées qu’elles se font ou qu’elles imaginent sont fausses et que la vérité qui est en moi agit comme un paratonnerre qui me protège mentalement.

De quelle reconnaissance parlons-nous ? Si c’est ce regard jeté sur une apparence et qui rendra la personne fréquentable ou démente, je veux bien me sortir de ce jeu pervers et hypocrite. Certes la société attend des gens qu’ils s’y intègrent, qu’ils disposent de leurs apparences pour mieux établir leur statut au sein d’un groupe, d’une « famille » sociale… Cette vision des choses me paraît en contradiction avec ma situation personnelle. Il s’agit ici d’une re-connaissance c’est-à-dire une identité masquée qui arrange tout le monde même s’il n’y a pas de lien entre la personne et le personnage social qu’elle est aux yeux de tous. En ce qui me concerne, un personnage est dans le théâtre ce rôle magique distribué à un acteur et dont le jeu s’intègre aux situations créées pour divertir.

La vraie reconnaissance semble tirer les marrons du feu et m’apparaît comme une identification humaine, sorte d’ADN  porteur de gènes qui prend la dimension d’un être intérieur ; les traits physiques deviennent alors bien secondaires voire sans intérêt.  D’ailleurs mon regard posé sur les gens ne conduit pas mes idées en superficielle vision mais en rayons X qui pénètrent les sources de vie intérieure auxquelles ils n’accèdent pas toujours consciemment. C’est pourquoi je parlerais d’une autre connaissance, d’une connaissance nouvelle, celle de notre être profond qui chaque jour change de visage sans jouer un personnage mais une personne toujours renouvelée  au coeur d’une société.

Quand j’écris sur le clavier, je brise un vase trop rempli d’informations et je savoure la dimension relationnelle qui me fait comprendre le sens de la reconnaissance ; autrement dit je découvre mes idées dans une tournure concrète. Ce ne sont plus des éléments mentaux ou intellectuels dans lesquels ma quête de vérité se perdait ; elles deviennent une forme de jeu audible et visuel qui me fait me reconnaître.  C’est là toute la grandeur de la reconnaissance ; bien loin de m’isoler du monde, je retrouve ma vraie place, celle d’affirmer qui je suis et de mener mon combat pour la dignité des personnes différentes. Un jour viendra où le monde jouera le jeu de la diversité en intégrant la force des faibles à ses richesses souvent fugaces.

                                                                                                                           Annick Deshays. (Septembre 2021)

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    LA JOIE D’ÊTRE EN VIE

Quand je constate la brièveté de nos jours sur cette planète, je laisse mes pensées s’envoler bien au-delà, dans un espace illimité et dans un intemporel permanent dans lequel je me réfugie souvent. Les média lassent les esprits en cette période de pandémie et agitent constamment la sonnette d’alarme. Or la vie est pour moi bien plus une force qu’une condamnation à la douleur ou à la mort. Il s’agit de La Vie dans ses dimensions humaines et spirituelles, sur cette terre de passage et de partage, et dans ses dimensions promises à une éternité.

Je me réjouis pour des petites choses qui demandent une attention particulière : merveilles de la nature, les oiseaux tissent les liens dont j’ai besoin pour ouvrir mon esprit aux dimensions célestes, entendre le bruissement des feuilles se laissant prendre dans le vent, découvrir au square le craintif enfant prenant ses jeux pour dire aux autres qu’il entre dans leur espace privé, tout cela apporte la joie de vivre, de se sentir là, vulgaire petite fourmi qui observe la moindre parcelle d’éternité. J‘aime savoir que rien ne fige mes pensées et que l’art d’être heureux se savoure au seul instant que je vis. Quand vient le désespoir, c’est alors que j’invite toutes ces images soigneusement emmagasinées en ma mémoire à diligenter la vraie direction des sensations. Si les douleurs ou les peurs affectent mon  mental, je vide mon esprit afin d’y laisser entrer ces mémoires enfouies qui font le limon de ma vie intérieure. Certes  je souffre mais n’est-ce pas une manifeste preuve que je suis en vie ? Si je l’intègre ainsi en mon esprit j’adhère à une communion, une sorte de fraternité dans la douleur que je situe au cœur du monde en souffrance.

En effet être en vie ce n’est pas moisir dans un cocon mal aéré, dans du velours qui sent la naphtaline. C’est apporter de l’oxygène à notre vie quotidienne ; oxygène de l’air qui nous entoure mais aussi et surtout oxygène des neurones qui donneront au mental l’énergie nécessaire à ce besoin de se sentir vivant. Quand Jésus dit « Je suis le Chemin, la Vérité et la Vie », c’est pour moi ce chemin dont je viens de dessiner la direction, en toute vérité sachant mes forces et mon parcours unique et qui me laisse espérer que je serai toujours en  Vie. 

                                                                                                                      Annick Deshays (Janvier 2022)

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DE LA PERTINENCE DES MOTS.

Les paroles ont pour moi un rôle précieux grâce aux mots lancés que je prends de plein fouet plus que l’invitation à entamer un dialogue. Autrement dit le lien social du langage ne m’est pas évident. J’y vois une intrusion dans ma vie cérébrale, proche du voyeurisme. C’est manifestement les mots qui m’intéressent, leur morphologie que je décortique afin de percevoir le juste cadrage de ma pensée.

C’est ainsi que je m’exprime en éliminant les dorures inutiles et délibérément me jouer de plaire ou non par mes écrits. Vraisemblablement mes neurones font un travail de tri qui me permet d’être dans une pertinence de mots tout à fait naturelle. Visiblement les non autistes n’ont pas ce filtre naturel à en juger par les ridicules situations dues aux échanges de paroles. Pour moi  les mots sont comme des perles fines qu’on juxtapose pour en réaliser un collier satisfaisant par sa beauté et l’impact visiblement perçu comme une œuvre d’art.  C’est pourquoi j‘invite les gens qui me comprennent à faire un travail sémantique avant d’exprimer leurs ressentis, et de mettre en forme dans un langage pratiquement vierge de toute impertinence ce qu’ils veulent faire sortir de leur être intérieur.

Quand je trouve la connexion idéale entre ma pensée et le mot qui la traduit, c’est une jouissance quasiment mentale. Faire l’impasse d’une recherche de séduction par une langue factice ne me branche pas du tout. Rien ne manifeste plus la richesse verbale que l’abandon des formules toute faites.  Je déteste maquiller les choses d’un fard de vérité qui ne correspond pas à ce que je perçois au fond de moi. C’est une atteinte à l’authenticité, seule critère à mes yeux pour avancer sereinement et librement dans ma sortie du doute. Comme Descartes, la véritable méthode qu’il défendra toute sa vie, c’est pratiquer la concentration des discours à son minimum vital, distinct, net et précis, débarrassé des enjolivures, des parasites perturbants.

Craindre les mauvaises interprétations de nos propos devrait toujours nous amener à la question préalable « Ai-je utilisé le mot juste pour exprimer ma pensée ? » C’est de l’ordre du respect du vocabulaire mais surtout de la personne qui reçoit ces mots et l’impact qu’ils produisent. C’est pourquoi le silence est primordial afin de donner à la voix sa bonne résonance. Une cloche qui tinte au cou des vaches dans une pâture trouve son écho dans le silence de la campagne environnante ; la vie se manifeste ainsi. S’il fallait entendre ce tintement au  beau milieu d’une rue envahie de voitures et des bruits de la ville, ce son s’ajouterait à l’anonymat des situations du moment et serait mal perçu.

Mon état me tourne dans un silence qui me fait écouter et qui donne de la force aux images visuelles et sonores. Un mot est pour moi le fruit d’une adéquation entre ma pensée et la mise en forme sémantique la mieux appropriée. Dans la liberté de penser ma franchise figure peut-être comme de l’impertinence car les mots choisis sont eux, pertinents. Autrement dit j’ai cette précieuse faculté de lier l’idée à l’image visuelle la plus parlante. Je ne m’encombre pas des mots superflus qui me feraient prisonnière d’un code social que je ne perçois pas. C’est presque méthodiquement que se construit mon expression verbale. Cependant la faille réside dans ma douleur de ne pas m’exprimer comme tout le monde. Dans son livre « la différence autistique », Jean- Claude Maleval explique enfin l’origine ou au moins la raison d’un tel état  et le fonctionnement qui en découle. Qu’il soit remercié pour ses recherches qui retournent la roue de la connaissance en faveur des autistes.

Garder la liberté de penser en respectant la grandeur de chaque être humain qui vit comme nous cette liberté passe par la pertinence des mots exprimés en visualisant leur coup porté à leur écoute. Agir ainsi éviterait bien des incompréhensions et manifesterait notre potentiel d’humanité.

                                                                                                                     Annick Deshays (Février 2022).   

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« La connaissance de  l’entendement doit toujours précéder la détermination de la volonté. » (Descartes)

Quand je constate à  quel point la volonté se positionne souvent en première instance, je déplore  combien le raisonnement est absent ou bafoué ; c’est le point crucial qui alimente tous les malentendus. Descartes par sa méthode nous enseigne cette logique implacable : penser clairement et distinctement avant d’engager des actes volontaires. C’est pour moi qui suis à la fois autiste et dépendante l’occasion d’appliquer ce principe cartésien quotidiennement. Il ne m’est pas difficile de faire pratiquer à mes neurones des quêtes de vérité quand mon silence pénètre les informations qui nourrissent mon raisonnement sans filtre perturbateur. Autrement dit il m’est attristant de ne pas comprendre des situations qui sont dépourvues de raison. Une guerre, l’injustice, la suprématie des riches, tout cela manque de raison. Vouloir accéder à un but précis sans solliciter l’entendement c’est construire  une maison sur du sable ; c’est quitter une volonté pour une autre comme on change de vêtement pour davantage se satisfaire.

Or entrer dans la connaissance de l’entendement c’est d’abord quitter tout ce qui déstabilise son fonctionnement, c’est jeter définitivement des encombrants et faire place à la quête de vérité. Je n’ai fort heureusement aucun encombrant qui gêne ma réflexion ; seul mon handicap accapare l’entièreté de mon corps. Est-ce une aubaine ?  En tout cas c’est autrement difficile de comprendre toute détermination irréfléchie de la volonté.

                                                                                                                   Annick Deshays (Juin 2022)  

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IGNORANCE, SOURCE D'INCOMPRÉHENSION. 

Je m’aperçois que dans le silence il y a plus de compréhension que dans les paroles. Moi qui suis mutique je jauge les pensées qui me viennent en pesant le vrai du faux ou de l’inutile. Combien de fois les mots dits ne collent pas à la réalité par ignorance de leurs impacts. Si on condamnait les gens à se taire, bien des conflits seraient évités et la violence désamorcée. Si les neurotypiques comprenaient le fonctionnement de la personne autiste ils voyageraient mentalement dans un espace dépourvu de mots superflus autrement dit fait d’une quête de vérité en toute chose. Cela va d’un détail observé au plus près jusqu’aux questions fondamentales de notre existence.

Rester dans l’ignorance est pour moi une incompréhension insupportable. Comment ne pas débloquer ses neurones indubitablement perdus dans un brouillard et que la volonté n’éclaircit pas au plus près. Pour mon cerveau particulier, j’ai besoin de faire la lumière sur une idée, une information ou une situation avant d’expliquer verbalement mon avis. Cela fait travailler mes petites cellules grises et dispose ainsi mon esprit sur une sémantique appropriée. Ignorer suppose se documenter pour faire la lumière dans nos connaissances sinon c’est une lâcheté qui est insupportable à mon esprit toujours en quête de vérité. Ainsi dans bien des conflits comme en Ukraine, tout dégénère car les belligérants restent dans l’ignorance du vécu de chacun, des intentions profondes, voire des bienfaits possibles d’une discussion coopérante ; seulement des folies humaines viennent brouiller les pistes de réflexion et déstabiliser une garantie de paix. C’est une escalade qui pourrit et sape la base d’une entente humaine. Sachons peser le poids des mots et rendre à la connaissance ses vraies fonctions d’établir plus de connexions intellectuelles et mentales afin d’ignorer l’ignorance.

                                                                                                               Annick Deshays (Novembre 2022)

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  CHEMIN DE VIE D'UNE FEMME.

Quand je lis le parcours des femmes qui ont su casser les codes du Code civil napoléonien se gloussant de l’infériorité des femmes, je considère aujourd’hui des raisons de les faire  entrer au panthéon du courage et de l’audace, monument fictif mais déterminant dans sa réalité pour la noble libération de la femme. 

Je suis autiste Asperger, ne parle pas et en raison d’un autre handicap qui provoque des contractures récurrentes, je suis  accompagnée et fortifiée par l’expression rendue possible grâce  au clavier, depuis plus de 25 ans. Je déplore la désinvolture des médias quant à la condition féminine des gens en situation de handicap et surtout si la parole est absente. Imaginons une femme abusée qui ne peut pas exprimer son désarroi ! Comment peut-elle figurer une femme libre ? Laissée pour compte, sa douleur morale l’enfermera dans ses pensées destructrices. J’ai vécu cela dans un établissement lors d’un transfert à la mer, j’avais quinze ans et je n’avais pas encore la possibilité de m’exprimer sur le clavier ; ce fut dix ans plus tard que j’ai vomi ce souvenir. Bizarrement, cet établissement à cette époque fut l’objet de dénonciations pour agressions sexuelles sur des mineures de membres du personnel !!!

Dans ma grande dépendance physique, j’ai toute une dimension mentale qui forge solidement en moi une liberté psychologique immense. C’est un espace que je défenestre de toute contrainte sociale et de cette forme d’addiction aux modes contemporaines. Personne n’imagine à quel point mon chemin de vie est fragile en apparence mais d’une force et d’une richesse intérieures qui nourrissent mes pensées.  C’est ainsi, détachée de contraintes matérielles que je peux écrire ce qui va valider ma mission de femme et libérer mon esprit des miasmes contagieux des tentations faciles et pernicieuses de ce monde.

 Grâce à la reconnaissance de mes écrits, c’est une vie respectueuse et respectée que je constate jour après jour. Si l’expression verbale ou écrite n’existe pas, toutes les interprétations, les déformations, les abus physiques ou psychologiques font de nous, surtout les femmes, des proies faciles pour nourrir les appétits des prédateurs. J’ai conscience malgré ma grande dépendance de m’investir à cette mission qui m’est donnée, de défendre corps et âme les « sans voix ».

 Ce n’est pas sans effort ni humiliation que mes pensées figurent une réalité désormais validée par la science, à savoir : reconnaître un être totalement libre de réfléchir derrière une apparence de déconnexion du monde. Que ceux qui doutent ravalent leur dégoût du handicap en situant leur quotidien dans une tour d’ivoire, insensibles à l’enfer que vivent les personnes qui mourront sans avoir laissé aucune trace de leurs pensées.

                                                                                              Annick Deshays (Février 2023) 

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LES MARIONNETTES

C’est une délectation que de voir un spectacle de marionnettes. Tout y est magique, les voix surtout qui accrochent des figures auditives alimentant mes pensées ; c’est comme des jeux de devinettes s’invitant dans mon espace mental. C’est toute une dynamique intellectuelle qui m’ouvre un  horizon de vie sociale à travers ces voix contrefaites. Je ne suis plus seule, de cette solitude pesante qui craint la chute de mes garantes facultés intérieures. Des voix me parlent venant d’un monde qui me rassure. Je sais que des personnes sont derrière ces voix mais je ne les vois pas et seules des images virtuelles alimentent mes pensées ; c’est autrement plus réconfortant que de devoir subir des expressions verbales négatives, inquiétantes ou que je ne décrypte pas. Me faire  comprendre ou admettre une vérité matérielle comme boire pour un meilleur transit dans une dose d’humour et avec un ton de clown moqueur, améliore sensiblement mon adhésion à une réalité que j’accepte volontiers.

Comment comprendre un tel comportement psychique ? En fait mon cerveau fonctionne essentiellement en images qu’elles soient auditives, visuelles ou intellectuelles. C’est une vraie dynamique comme des programmes informatiques concentrés dans des puces qui conditionnent virtuellement une fonction précise ; je n’ai pas d’autre explication. Quant à la mise en scène, quel délicieux décor dans sa simplicité ; c’est tellement enfantin que je vois vivre les marionnettes sans sous-entendu avec la  délicate sincérité qui convient à ma façon de vivre les choses. Là aussi c‘est précieux de retrouver la vraie dimension des scènes que nous offre la nature. Je crois que quel que soit l’âge des enfants autistes, il serait souhaitable d’imaginer toute une pédagogie à partir de spectacles de marionnettes.

Le miroir

 A travers un miroir je vais davantage fixer mon regard et ainsi faire un lien plus significatif sur ce qui m’entoure. C’est le détachement d’une présence réelle bien précise dans mon regard ; je ne suis plus une intruse mais une partie prenante du décor. C’est libérer l’angoisse de vivre dans l’incertitude de mon identité physique ; de plus je trouve les choses et les êtres mieux éclairés entrant facilement dans ma bulle. Ce n’est qu’au travers du miroir que je vis biologiquement sans ressentir ce fragile équilibre des handicaps récurrents. Autrement dit passer de l‘autre côté du miroir c‘est pour moi devenir virtuelle à mes yeux pour mieux assurer mon image physique que j’ai du mal à appréhender. Dans le miroir tout est facile de suivre un ensemble, ce qui donne une meilleure connexion avec moi-même et avec mon entourage. En fait, me désolidariser physiquement que ce soit au travers du miroir ou des marionnettes est une solution à notre identité d’autiste ; que dans l’accompagnement des enfants on en tienne compte. 

                                                                                            Annick Deshays (Juin 2023)         

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