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Billet de blog 2 nov. 2022

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Ligne 17 Nord : l'indécence budgétaire à l'heure de la crise énergétique

Cet article complète le précédent sur les manipulations de la Société du Grand Paris (SGP), qui explicitait comment accroître les bénéfices attendus des lignes du Grand Paris Express pour les rendre supérieurs aux coûts. Facile : la SGP rajoute des critères d'évaluation qu'elle est seule à définir. La ligne 17 Nord qui devrait être lourdement déficitaire devient ainsi miraculeusement bénéficiaire.

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On se reportera à l'article précédent, intitulé "Les comptes fantastiques de la Société du Grand Paris " qui analyse les manipulations pour le moins discutables de la Société du Grand Paris pour démontrer à tout prix la pertinence des lignes périphériques du Grand Paris Express (GPE) et notamment les plus problématiques d'entre elles : la 18 Orly-Versailles (en particulier le tronçon Ouest) et la 17 Nord Le Bourget /Roissy/Le Mesnil-Amelot.

La démarche habituelle suivie par le maître d'ouvrage pour justifier une ligne de transport lourd, consiste à effectuer une évaluation socio-économique mesurant le différentiel entre les bénéfices attendus et le coût estimé de l'infrastructure. Mais cette évaluation devrait être effectuée par une expertise indépendante pour offrir toutes les garanties de la neutralité. Ce n'est pas le cas du Grand Paris Express (GPE), où la Société du Grand Paris (SGP) est à la fois juge et partie : à côté des bénéfices "conventionnels" généralement utilisés, elle a rajouté des "bénéfices non conventionnels", critères qu'elle a défini de son propre chef (on se reportera à l'article cité plus haut pour les définitions). Sans ces derniers, toutes les lignes du GPE et donc le réseau dans sa globalité auraient un bilan bénéfices / coûts négatif... 

Mais les dépenses escomptées du GPE ont explosé, passant de 19 milliards € au départ à 38,5 milliards officiellement (Cour des comptes, 2017), mais 60 milliards d'après d'autres estimations d'experts indépendants. D'où une deuxième manipulation : modifier les clés de répartition des bénéfices entre les différentes lignes du GPE dans la dernière évaluation socio-économique de 2021. C'est ainsi que la VAN (Valeur Actualisée Nette) qui mesure le différentiel "bénéfices moins coûts" a miraculeusement augmenté de + 745 % pour la ligne 17 Nord. Une manipulation budgétaire qui frise l'indécence, au moment où il est réclamé aux institutions publiques, aux entreprises comme aux particuliers des sacrifices sans précédent au nom de la sobriété énergétique.

Pourtant, comme le montre le tableau joint (Figure 1) qui récapitule les différents critères qui ont servi à l'évaluation socio-économique de la ligne 17 Nord,  je démontre que non seulement toutes les rubriques qui servent à calculer la VAN ont un bilan négatif, mais que celui-ci s'est fortement aggravé entre 2016 et 2021.

Un seul exemple : le critère "nouveaux emplois desservis". Comment peut-on justifier que la "Valeur" de ces "nouveaux emplois" puisse passer de + 0,4 milliard € en 2016 à + 4,6 milliards en 2021, alors qu'entre les deux dates 70 000 emplois escomptés se sont envolés en fumée, avec l'abandon d'Europacity et de son centre d'affaires (- 40 000 emplois), et avec l'extension de l'aéroport de Roissy / Terminal T4 repoussée sine die (- 30 000 emplois) ?

Illustration 1
Figure 1 © J. Lorthiois

Le tableau de la Figure 1  renvoie à chacun des articles de ce blog, consacrés à une rubrique spécifique. Le cumul de tous ces critères négatifs est accablant. Comment expliquer que la Région défende cette liaison ? Valérie Pécresse prétendait que la ligne 17 (dans son entier) desservirait 565 000 Franciliens... Je divise les chiffres par 10. Mme Cavecchi, présidente du Conseil Départemental 95 revendiquait la gare du Triangle de Gonesse comme "la seule du Val d'Oise". Mais que lui sert d'être localisée dans le Val d'Oise, si elle ne dessert AUCUN Val d'Oisien ?

Il est urgent de décider un MORATOIRE sur les lignes inutiles du Grand Paris Express, afin de procéder à une évaluation socio-économique conduite par des experts indépendants, qui puissent rétablir la vérité des faits : la ligne 17 N n'a aucune rentabilité.

A quoi bon s'entêter à poursuivre les travaux d'une gare "Triangle de Gonesse" qui ne dessert que des vers de terre et une ligne de métro qui ne transporterait que des banquettes vides vers Roissy ? Le scénario du pire, serait que la gare soit réalisée et qu'aucun candidat ne se présente pour l'exploiter. On se retrouverait avec une ardoise de 3 milliards et un patrimoine de terres agricoles de 12 000 ans d'âge définitivement détruit.

On ne saurait trop recommander aux responsables du financement des transports de revenir au réel et de réaffecter les budgets consacrés aux dépenses extravagantes du GPE, pour les flécher vers l'entretien et la modernisation des transports du quotidien, qui souffrent de sous-investissements chroniques depuis des années, au grand dam des usagers qui subissent la "galère des transports" et qui n'attendent pas une solution foireuse en 2030, mais immédiate.

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