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Billet de blog 6 mars 2023

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Aménager sans ménager : une Cité scolaire tombée d'en haut, sans analyse de besoins

Tragique actualité. L'Etat passe au forceps sa loi retraite, sourd aux cris de la rue. A Gonesse, les institutions (mairie, département, région, préfecture) s'entêtent à implanter un métro en plein champ et une Cité scolaire d'« excellence » dans un site survolé par 1700 avions/ 24h. L'administration -« monstre froid » (Nietzsche)- n'écoute ni la nature qui peine, ni les humains qui résistent.

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Opacité et paradoxes

J’ai souvent pesté contre la Société du Grand Paris (SGP), dont l’opacité est bien plus épaisse que l’outre-noir des peintures de Pierre Soulages. Même sensation face au positionnement de l’Éducation Nationale défendant le projet de Cité scolaire sur le Triangle de Gonesse. Je n’arrivais pas à comprendre pourquoi la plus grande administration publique de France pouvait commettre une erreur d’appréciation aussi lourde que de faire la promotion d’un tel établissement implanté en plein milieu des terres agricoles, aux franges de la zone agglomérée parisienne, à plus de 2 km des premières habitations de Gonesse. Et qui plus est – rappelons-le une fois de plus - dans une zone interdite à l’habitat permanent parce que située entre les deux aéroports du Bourget et de Roissy, survolée par 1500 avions / 24 h. Car ce dernier aéroport classé au 10e rang mondial, constitue une triste exception dans la gestion du ciel européen : c’est le seul à ne pas disposer de couvre-feu. En effet, c’était la condition expresse émise par la société américaine Fedex, entreprise de fret aérien, pour y implanter en France son hub européen (voir encadré Figure 1)

Illustration 1
Figure 1 © J. Lorthiois

L'exemple de Fedex confirme que l’emploi quel qu’il soit, est sacré aux yeux des responsables politiques, des administrations et des aménageurs, comme nous le constatons régulièrement dans les décisions qui concernent les populations locales, même à un prix financier, environnemental, social exorbitant. Et même si cette offre est en décalage complet avec la demande, avec des implantations d'activités entraînant une hausse simultanée de l’emploi... et du chômage !! C'est ainsi que j'ai taxé la commune de Gonesse de « ville dissociée » par excellence [1], à la caractéristique suivante : "l'habitant n'y travaille pas, le travailleur n'y habite pas". Imperturbablement, les pouvoirs publics ferment les yeux. Les riverains de l’aéroport, eux, aimeraient bien en faire autant… tellement la pollution sonore notamment nocturne du ballet incessant des avions dérange leur sommeil. Apparemment, les valeurs « silence » ou encore « santé » pèsent beaucoup moins lourd que les valeurs sonnantes, trébuchantes - et assourdissantes - du modeste rééquilibrage de notre balance commerciale.

Dans un tel contexte, les motivations de l’Éducation nationale me sont apparues particulièrement incompréhensibles : comment cette institution pouvait-elle accepter de mettre des enfants, des jeunes de l’Est-95 en zone de bruit, loin de toute terre habitée, valorisant comme seule desserte une ligne de métro 17 Nord située en Seine-Saint-Denis, dont 3,5 km seulement localisés en Val d’Oise ? Quelle crédibilité d’un établissement dit d’« excellence » (a fortiori en internat) dans un site aussi nuisant, alors que le corps médical a établi une corrélation forte entre bruit et difficultés d’apprentissage (cf. pancarte de manif, figure 1 bis) ?

Illustration 2
Figure 1 bis - Pancarte de manifestation contre la Cité scolaire © CPTG

Je décidai de partir en enquête. J’avais besoin d’entrer dans l’univers de l’Éducation nationale, afin de comprendre les motifs d’un tel entêtement à vouloir implanter cet équipement coûte que coûte, dans un endroit aussi inapproprié que le Triangle de Gonesse pour l’accueillir. C’était le Premier ministre Jean Castex, dans sa présentation d’un « Plan pour le Val d’Oise » qui avait vanté cette Cité d’« excellence »… Je souhaitais connaître les critères d’une localisation réussie pour ce qui était présenté comme un établissement de prestige. J’ai passé une semaine complète à naviguer sur le site du Ministère en quête d’informations. J’ai parcouru des milliers de pages sur l’apprentissage de la lecture, l’enseignement des mathématiques ou l’inclusion des enfants handicapés. Après plusieurs jours de recherches, je n’avais toujours pas débusqué la moindre carte. Force était de constater que le plus grand service public de France n'avait guère de territorialisation de politique publique.

Visiblement la valeur suprême recherchée par l’institution, celle qui transparaît à longueur de pages, c'est le principe d'égalité. Il importe que le même enseignement soit dispensé partout, au nom de l’« égalité des chances », en tout point de France ou de Navarre. Tout est règlementé à cette fin. A l’inverse, il n’y a guère d’adaptation au territoire local, en dehors des quartiers dits « politique de la ville », identifiés par des critères négatifs : par exemple le nombre de NEET (« neither in employment nor in education or training », jeunes ni en emploi, ni en études, ni en formation). Là encore, la stratégie consiste à donner « plus à ceux qui ont moins ». Mais c’est quantitatif, on n’est pas dans un principe d’altérité. On ne sort pas du cadre, on ne change pas le menu, on augmente les quantités. Il n'y a rien sur les spécificités locales.

Ce constat m’a laissé sur ma faim. Après d’intenses recherches sur le site du Ministère de l'education, j’ai enfin découvert un onglet de géolocalisation… Satisfaction de courte durée : en tapant le nom « Gonesse », il m’a été indiqué que cette ville appartenait au « bassin de vie de Paris », un raccourci qui m’a semblé hautement discutable. Je savais que l’Éducation nationale possède un découpage infra-départemental, intitulé « Bassins d’éducation ». Mais je n’ai trouvé aucune définition de tels bassins, encore moins une cartographie. J’ai repris espoir en navigant sur le site de l’Académie de Versailles. J’ai trouvé une définition du Bassin d’Éducation qui m’a laissée avec plus de questions que de réponses : « Conçus autour de la notion de parcours de l'élève de la maternelle au supérieur, dans le souci de la rationalisation de l'offre de formation, les bassins d'éducation sont le lieu privilégié de l'animation pédagogique, de l'échange, de la complémentarité et de la solidarité. » On n’explique nullement en quoi le choix de tel ou tel découpage territorial vient au service du « parcours de l’élève », ou encore répond à un souci de « rationalisation de l’offre de formation ». Et surtout, on ignore sur quels critères ces bassins sont établis.

J’ai fini par découvrir sur le site de l’Académie de Versailles une carte muette globale du territoire couvert, soit la moitié Ouest de l’ensemble de l'Ile-de-France (Figure 2) : un espace gigantesque, avec des périmètres sans aucun nom de localité. Juste des titres sans contenu : Bassin de Sarcelles, Bassin de Gonesse. Je découvre deux bassins distincts de Cergy et de Pontoise qui se côtoient comme deux frères ennemis, comme si l’agglomération de Cergy-Pontoise vieille de 50 ans n'avait jamais existé. Le Bassin de Cergy est d’une forme extrêmement bizarre, avec une queue de comète tout en longueur vers l’Est, difficilement explicable (ligne de transport SNCF ou de RER ? Autoroute A 15 ?) Idem pour le Bassin d’Argenteuil allongé comme un jour sans pain, probablement le long d’un axe de transport. Autre bizarrerie : l’aire d’Argenteuil (ville de 110 000 habitants) est d’une taille inférieure à celle d’Enghien-les-Bains (11 470 habitants). Au total, je découvre que l’Éducation nationale - service public, donc devant être « au service du public » - fonctionne en vase clos, avec un découpage administratif sans aucun lien avec le fonctionnement des territoires. Un positionnement dans une pure logique d’« offre » (il y a des établissements prestigieux à Enghien-les-Bains), totalement déconnectée de la « demande » des populations à qui sont destinés ces services publics.

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Figure 2 © J. Lorthiois

Finalement, j’ai trouvé une liste de communes par bassins. Victoire de courte durée : dans l’appel d’offres lancé par la région pour la programmation de la Cité scolaire, on parle de « Sarcelles Gonesse » sans plus de précision. J’en déduis qu’il s’agit d’un projet portant sur le territoire des deux bassins d’éducation de Sarcelles et de Gonesse. J’ai entrepris de positionner leurs contours sur un fond de plan. Mais là encore, surprise : je me suis aperçue qu'il y avait des trous. La liste de l’Académie de Versailles ne comprenait QUE les communes qui disposaient de services d’enseignement public ! Les autres n'étaient pas répertoriées, comme si une bombe à neutrons avait effacé les localités qui possédaient des populations, donc des enfants, mais ne disposaient pas d'établissements. Même remarque que plus haut : il s’agit d’une logique d’offre (les établissements), non de demande (les populations). Splendide isolement institutionnel, détaché du réel des usagers, qui me laisse quelque peu interloquée.

J'ai rajouté à la liste les communes manquantes. J’en trouvais désormais 54. J’ai fait le choix d’un fond de plan faisant apparaître les "zones urbanisées" en gris. Cela me semblait évident d'identifier sur la carte les zones denses pour y positionner un équipement éducatif : il s’agit d’un service public aux populations, donc la Cité scolaire se doit d’être localisée là où il y a des besoins, donc des habitants. En gris plus clair, étaient indiqués les deux aéroports. Sur la carte, j’ai rajouté en gris foncé (c’est aussi du béton !) l’étoile de cette Cité scolaire située dans une zone « blanche » (sans habitants humains donc, mais très habitée par des milliards d’autres espèces animales et végétales qui ne vont pas à l’école !)… Et j’ai tracé la ligne 17 Nord positionnée presque entièrement hors périmètre.

Illustration 4
Figure 3 -Bassins d'éducation de Sarcelles et de Gonesse © J. Lorthiois

II. Sur la carte, désormais, figurent trois choses qui ne vont pas ensemble.

II.1. Les deux Bassins d’éducation de Gonesse et de Sarcelles (Figure 3)

Une fois le périmètre dessiné sur la carte, j’ai été frappée par l'immensité de l’espace couvert :  environ un quart du département. C’est ingérable ! J’ai superposé le contour (en pointillés rouges sur la carte) délimitant la Communauté d’agglomération Roissy-Pays de France (CARPF). Deux vastes étendues qui ne se recoupent que très partiellement. La CARPF comprend 42 communes du Val d’Oise et de Seine-et-Marne, 350 000 habitants, mais n’est concernée ici que pour la partie Val d’Oise (soit 25 communes, 264 000 habitants). Sur la carte, on voit que le Bassin de Gonesse est entièrement contenu dans la CARPF, tandis que celui de Sarcelles déborde largement à l’Ouest.

Additionnés, les deux bassins atteignent 280 000 habitants pour les 54 communes. Je constate que le périmètre de l’Éducation nationale est beaucoup plus vaste en surface que le territoire institutionnel de la CARPF côté 95. Les deux périmètres ont un point commun : leur taille est bien trop grande pour correspondre à ce qu’on appelle un territoire « vécu [2] », qui soit à une échelle compatible avec les pratiques de vie quotidienne des habitants. Choix problématique pour un service public ! Je renvoie à l’article qui analyse la dissociation grandissante entre "territoire vécu" et "territoire prescrit", c'est à dire l'intercommunalité de l’agglomération Roissy-Pays de France [3].

Non seulement l'espace intitulé « Sarcelles Gonesse » par l’Éducation Nationale est bien trop vaste, mais le découpage des deux bassins d’éducation est totalement HORS SOL. A l’Est, on observe une "bande" défensive le long de la frontière du Val d’Oise, comme s’il s’agissait d’une ligne Maginot (de l’autre côté, c’est le département rival de Seine-Saint-Denis et l’académie de Créteil… Chacun chez soi, de part et d’autre d’une double frontière politique et administrative). On se perd en conjectures pour expliquer le rattachement de Garges-lès-Gonesse (43 000 habitants) - en zone dense et formant une même continuité urbaine avec Sarcelles (60 000 habitants) - à Gonesse (27 000 âmes) en périphérie d’agglomération parisienne. Là encore, il n’est tenu aucun compte des « territoires vécus » par les populations locales. L’espace couvert comprend une zone rurale immense qui s’étend au nord jusqu’à l’Oise (département) et au nord-ouest jusqu’à l’Oise (rivière). Que viennent faire des bourgs ruraux comme Asnières-sur-Oise ou Noisy-sur-Oise dans le bassin de Sarcelles ?

Je compte 25 communes hors du périmètre de la CARPF qui n’ont guère de lien socio-économique avec Sarcelles, pourtant artificiellement rattachées dans un même bassin d’éducation à cette ville : les bassins ruraux de Viarmes ou de Luzarches appartiennent à l’intercommunalité de Carnelle-Pays de France ; le bassin de Domont se positionne dans le sillage du pôle de Saint-Denis ; les localités de Deuil-la-Barre, Groslay, Montmagny et Saint-Brice situées en Vallée de Montmorency (au sens géographique du terme) sont tournées vers Saint-Denis et Paris.

Au total, on constate que l’espace intitulé « Sarcelles Gonesse » est un « vrac » territorial sans unité. Visiblement, le découpage des bassins éducatifs a été décidé il y a plusieurs dizaines d’années, AVANT la constitution des intercommunalités du Val d’Oise et n’a jamais été réactualisé. En regardant la carte, on voit clairement l'absurdité de cette localisation complètement à l’extrême Est, aux antipodes des zones habitées. Et noyée dans un espace d’une dimension totalement absurde : quels moyens de transport pour acheminer les élèves venant du Nord-Ouest du territoire ainsi délimité ? Le bassin de Sarcelles devrait comporter en priorité les villes adjacentes de ce pôle urbain, le plus peuplé de l'Est-95 : Villiers-le-Bel, Arnouville-lès-Gonesse, Garges-lès-Gonesse et Bonneuil-en-France. Cinq communes qui ont une unité géographique, socio-économique et urbaine cohérente. Et c’est évident que c’est à l’échelle de cet ensemble, dans un centre-ville, qu’il aurait fallu localiser cette Cité scolaire. En zone dense.

II.2. La Cité scolaire

a/ Une offre totalement décalée au regard des caractéristiques du territoire

Ce projet correspond assez peu au rêve de Mme Cavecchi, présidente du Conseil départemental du 95, qui formulait dans son « Plan pour le Val d’Oise » le vœu suivant : « implanter un totem pas loin de la gare, qui attirerait différentes populations »[4]… Une cité internationale « d’excellence », probablement fortement sélective dans le choix des élèves, paraît assez mal placée pour répondre à un tel objectif de pluralité d’usagers. Par ailleurs, on cherche vainement comment un établissement de 2250 élèves pourrait justifier la gare du métro du Triangle de Gonesse en plein champ. On ne voit pas en quoi être reliés par métro à l’aéroport d’affaires du Bourget au sud, et à l’aéroport de Roissy au nord pourrait être d’une utilité quelconque pour des enfants et des jeunes scolarisés sur un tel site.

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Figure 4 © J. Lorthiois

b/ L’existence d’une offre éducative qui fait doublon : la Cité scolaire de Louvres

Au nord du Bassin de Roissy, nous avons découvert à Louvres l’existence d’un établissement privé sous contrat, créé en 2006, positionné exactement sur le même créneau – une Cité scolaire - soutenu par la CARPF. Sur le site d’accueil, nous lisons : « L’Institut Paul RICOEUR – école, collège et lycée – a une visée éducative et pédagogique orientée vers l’international. Maîtriser les langues étrangères est un défi d’aujourd’hui pour l’Europe et le monde de demain (…) L’Institut Paul RICŒUR répond à une demande locale d’implantation d’un établissement scolaire à visée internationale à proximité de la zone aéroportuaire de Roissy. » [5] L’institut Paul Ricoeur est très bien localisé : situé en dehors des zones de bruit, implanté dans un grand parc, en plein cœur de ville de Louvres, desservi par le RER D. Il paraît inadmissible de projeter la localisation d’un établissement d’enseignement semblable – cette fois-ci public - dans le pire site de l’Est-95 qui soit : hors de la ville, sous le bruit de 2 aéroports, sans concertation, et sans examen de sites alternatifs possibles. Rappelons que l’implantation d’une maison d’arrêt à Goussainville (un des 6 sites pressentis), vient d’être refusée, parce que situé dans un environnement trop bruyant. A comparer au projet de Cité scolaire, dont la localisation est imposée, sans aucun débat : des jeunes enfants et des profs seraient moins bien traités que des prisonniers.

c/ Des besoins éducatifs bien plus urgents et utiles ailleurs

Voici le témoignage d’un professeur d’anglais enseignant dans le Val d’Oise :

« Au premier abord, on se dit c’est bien. On a cruellement besoin d’un équipement scolaire supplémentaire. Mais faut-il donner la priorité à un « grand machin » de 2250 élèves ? C’est une bien grosse structure… Construire un lycée international, c’est un projet « hors sol » destiné à attirer une population extérieure, c’est réservé à une élite, ça représente des dizaines de millions.

Mais que deviennent les autres établissements du département ? Nos bâtiments sont vieillissants, très mal entretenus : nos volets ne ferment pas, nos toilettes sont dans un état catastrophique, nous manquons de matériel pédagogique… Quelques travaux sont entrepris, mais sans aucun contrôle de la région sur la qualité et le suivi. Nos conditions de travail sont loin d’être idéales, nous côtoyons de plus en plus de contractuels…

Et ce projet est loin de tout, dans un site excentré… Qui pourrait être intéressé, alors que nous vivons une crise dans le recrutement des profs en maths, en langues ?… Ici, franchement, un projet de plaine maraîchère c’est bien mieux. »

II.3. La ligne 17 Nord

Sur cette ligne de métro, j’ai énormément produit d’analyses, notamment pour démontrer l’inutilité d’un tel équipement, au regard des spécificités du territoire, des besoins des populations, des caractéristiques de la main-d’œuvre et des déplacements domicile-travail. On peut se reporter utilement à un article de synthèse intitulé « L'indécence budgétaire à l'heure de la crise climatique »[6], qui dénonce le caractère mensonger de l’évaluation socio-économique de la ligne effectuée par la Société du Grand Paris (SGP). Voir notamment le tableau récapitulatif de la figure 1 qui présente sur deux colonnes d’un côté la Valeur Actualisée Nette (VAN) prétendue et de l’autre mes propres appréciations en termes de populations desservies, d’emplois, de gains de temps, etc. Chaque critère listé renvoie à un article spécifique que j’ai consacré à celui-ci. Un ensemble d’environ 150 pages d'analyses, dont un bon tiers de tableaux statistiques, de cartes et de graphiques.

Contentons-nous de faire deux remarques.

-1/ On estime qu’il faut un total de populations + emplois desservis de 100 à l’hectare, dans un rayon de 800 mètres autour d’une gare. On arrive péniblement aux alentours de 16-17 / ha pour l’ensemble de la ligne 17 Nord. Il est impossible qu’avec des implantations aussi spécialisées qu’une Cité scolaire, un ou des établissements administratifs pressentis (toujours non désignés) ou un centre de formation sur la filière agricole, dans une zone dépourvue d’habitants, le site de la gare du Triangle puisse approcher ce chiffre.

- 2/ Par ailleurs les experts des transports estiment qu’il est nécessaire d’atteindre les « 6000 voyageurs à l’heure de pointe du matin » pour justifier une ligne de métro. Un tel score est inatteignable. Rappelons que le pôle de Roissy fonctionne à 80% en emplois postés, avec des roulements d’équipes répartis sur 24 h. Vu les horaires décalés, les travailleurs continueraient à venir en voiture. Par ailleurs, l’aéroport d’affaires du Bourget est fréquenté par des cadres supérieurs, des dirigeants de grandes entreprises et autres milliardaires utilisateurs de jets privés, qui ne prennent jamais le métro. Ils se déplacent en véhicules avec chauffeurs ou en taxis. Une offre de transport en commun ne leur sert à rien, ils ne se mélangent pas au vulgum pecus !

Tout concourt donc à ce que cette ligne 17 Nord serait sous-utilisée et donc lourdement déficitaire. Au moment où éclate une polémique lancée par Valérie Pécresse - à la fois présidente de région, mais aussi d'Ile-de-France Mobilités - sur les financements des transports en commun franciliens et l'impossibilité pour l'autorité organisatrice de boucler son budget pour assurer le fonctionnement des lignes existantes, on ne voit pas comment on pourrait trouver les 1,7 milliards supplémentaires nécessaires pour financer le fonctionnement des lignes nouvelles du Grand Paris Express. D’autant plus que les trucages de l’évaluation socio-économique effectués par la Société du Grand Paris (SGP) sont de plus en plus difficiles à justifier, comme le raconte un récent article paru dans Reporterre [7]

En conclusion, le projet d’urbanisation du Triangle de Gonesse et en particulier la localisation de la Cité scolaire et de la gare de métro ne correspondent ni à une demande des populations locales, ni à un besoin de la main-d’œuvre, ni à un équipement nécessaire. Les populations du Pays de France ont le droit de vivre, s'éduquer, travailler, se détendre, se cultiver AU PAYS, dans leurs villes, à proximité de leurs lieux d’habitation. Et le meilleur transport, le moins coûteux, le moins long et le plus ponctuel est celui qui ne se fait pas. Parce que les équipements de services aux populations sont localisés bien évidement là où elles se trouvent. Et qu'on peut y accéder à pied, ou en modes doux et en transports légers de DESSERTE.

Pour aller plus loin :J. Lorthiois, in Mediapart, Crash d'excellence à Gonesse : 2250 élèves pris au piège d'une Cité scolaire

https://blogs.mediapart.fr/j-lorthiois/blog/250922/crash-dexcellence-gonesse-2250-eleves-pris-au-piege-dune-cite-scolaire

NOTES

[1] J. Lorthiois, Mediapart, "Gonesse, ville dissociée : l'habitant n'y travaille pas, le travailleur n'y réside pas"

https://blogs.mediapart.fr/j-lorthiois/blog/240122/gonesse-ville-dissociee-lhabitant-ny-travaille-pas-le-travailleur-ny-reside-pas

[2] Définition des "Territoires vécus" sur le site de J. Lorthiois, in Concepts généraux

https://j-lorthiois.fr/concepts-generaux/les-territoires-vecus/

[3] J. Lorthiois, Mediapart,  "Bêtisier du Grand Roissy n° 6 - Gouvernance : l'impossible envol d'un papillon sans tête"

https://blogs.mediapart.fr/j-lorthiois/blog/210921/betisier-grand-roissy-n-6-gouvernance-l-impossible-envol-d-un-papillon-sans-tete

[4] "Un plan d'action pour le Val d'Oise"

https://www.banquedesterritoires.fr/val-doise

[5] Institut Paul Ricoeur : https://www.institut-paul-ricoeur.fr/

[6] J. Lorthiois, Mediapart, "Ligne 17 nord : l'indécence budgétaire à l'heure de la crise énergétique",

https://blogs.mediapart.fr/j-lorthiois/blog/021122/ligne-17-nord-lindecence-budgetaire-lheure-de-la-crise-energetique

[7] https://reporterre.net/Grand-Paris-Express-la-rentabilite-des-futures-lignes-de-metro-contestee

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