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Billet de blog 1 févr. 2023

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Vous reprendrez bien un peu de chômage !

La retraite, ceux qui ont travaillé dur vous le diront, ce n’est pas un luxe, c’est une nécessité. Je conçois aisément qu’un type, généralement une  « tête d'œuf » qui n’a jamais rien fait d’autre au boulot que de penser - bien souvent de travers –, persiste dans l’erreur en imaginant que l’on peut bosser indéfiniment.

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 Il est vrai qu’à son rythme, ce n’est pas à soixante-quatre ans qu’il peut la prendre, la retraite, mais à quatre-vingts et même cent, peut-être. Car lui, va sûrement y arriver, contrairement au pauvre bougre qui n’aura même pas le loisir de toucher la moindre pension (je peux en citer dix .dans mon entourage !).

Y en a, comme ça, qui préfèrent y crever dans leur bureau, parce que d’abord ça rapporte, ensuite faut pas se baisser, ça sent pas trop mauvais et la climatisation n’y est jamais insoutenable. Et puis surtout ils existent, ces messieurs-dames. Lorsqu’ils arrivent au burlingue le matin, dans leur joli petit costume d’apparat, ils se sentent importants. C’est ceux-là qui s’exclament sans rire : « qu’est ce que je m’embêterai, à la retraite ! »

Ben oui, vous l’avez pensé avant que je l’écrive, ce sont des cons ! Et j’aurais dû ajouter un C majuscule. Parce que lorsqu’on ne se valorise qu’à travers son travail, ceux qu’il vous permet de fréquenter et ce qu’il vous rapporte en banque, on ne mérite pas d’autre patronyme. Y a plus de monsieur Machin, madame Truc, y a un(e) gros(se) Con(ne). Oui, j’ai utilisé exceptionnellement l’écriture inclusive, comme un clin d'œil à Martine, que j’accueille avec joie et reconnaissance, dans ce petit réseau intimiste.

La retraite, c’est un nouveau départ dans la vie. Le dernier. Faut pas le rater. Tout ce que l’on n’a pas su et pu faire dans les actes précédents, il est urgent de le réaliser. C’est ça la vie, une vie pleine et pleinement réussie. Ce n’est pas amasser sans arrêt, consommer, dominer, diriger, écraser à l’occasion. C’est respirer, prendre le temps, lire, s’instruire, marcher, s’imprégner de nature, partager, soutenir, donner. Manger, boire, rire et chanter. Tout ce qui n’est pas forcément possible dans la force de l’âge, surtout si l’on conduit un 38 tonnes.

Je vais vous parler, exceptionnellement de môa. Enfin je veux dire autrement que de manière autodérisionnelle ou fictionnelle. N’ayant pas eu la chance d’avoir envie d’aller à l’école - ce qui peut expliquer le nombre extravagant de néologismes employés - c'est à seize ans que je me suis mis à écrire des poèmes en gardant des moutons - ça doit venir de là, le fait que je les déteste -. Pour la retraite, on part déjà sur de mauvaises bases ! A 17, je trimais dans une mégisserie tout en faisant des piges pour tous les journaux s’intéressant au rugby. A 18, je servais sous les drapeaux - c’est depuis que l’uniforme, l’hymne et le bleu-blanc-rouge me filent de l’urticaire -. A 19, j’entamais ma carrière de journaliste - dont Baylet se chargea personnellement de m’exclure -, je revins tailler des morceaux de portefeuille à même la peau et à 22, je repris la plume jusqu’à 50. J’sais pas si vous avez bien suivi, de toute façon, on s’en fout.

Pendant vingt-huit, j’ai bien vécu du journalisme et je crois le lui avoir rendu. Je veux dire que je ne l’ai pas maltraité. J’avais un brin de plume, bien davantage encore, crois-je, de déontologie, de conscience professionnelle et de courage. Cela ne méritait pas pour autant la médaille du travail, que je ne suis pas allé chercher lorsqu’elle me fut offerte. Mon seul mérite en réalité, c’est d’avoir pris sur moi si longtemps, au péril de ma santé, un tas de situations inacceptables, bien souvent le fait de ce que l’on appelle, dans un formidable élan d’hypocrisie, des collègues. Juste avant mes cinquante ans, j’ai décidé que je ne travaillerais plus avec certains de ces affreux. Et puis il est arrivé un actionnaire au nom qui résonne jusqu’aux oreilles du béotien que vous êtes peut-être : Hersant ! Le dernier rédacteur en chef auquel j’eus à faire était une merdaille quelconque – biographe de Fillon, c’est vous dire ! -. Il me demanda de respecter la ligne éditoriale, ce que je fis expressément en me levant et en lui montrant mon cul – image purement métaphorique, je vous rassure-.

Le lendemain je me retrouvai à la rue – je sais que ça amuse toujours les mêmes ! - et décidai d’exercer ma deuxième passion : la cuisine. Avec le chèque de M. Hersant (enfin de ses prédécesseurs, car lui n’a rien amené, mais a pillé l’entreprise de presse), j’ouvris un restaurant. Cinq ans de boulot intense, ingrat et… gratifiant malgré tout. Mais enfin, être un commerçant honnête dans les rues de Toulon, cela correspond à se balader à poil à Téhéran, surtout si l’on est plutôt du genre féminin. Ni lapidé, ni même laminé, j’en ai tellement chié que j'e suis tombé malade. Artères fémorales bouchées. Un truc pas forcément courant. D’ailleurs je ne pouvais même plus marcher. Opération banale mais foirée, suivie d’un pontage et d’une forte contre-indication à ma nouvelle activité.

Et là, 55 piges, qu’est-ce qu’on fait ? On nourrit des remords ! J’aurais pas dû quitter ce canard. Faire où on me disait de faire et glander un maximum en attendant que ça passe. J’étais bien payé et ça tombait tous les mois et sur presque quatorze ! Mais pas de remords, ni même de regrets. On est comme on est. Sans quoi on n'est pas vraiment…

Là, deux vieux amis, un au Pradet, l’autre à Nasbinals, m’ont tendu la main. Deux petits boulots de com (emploi aidé et autoentrepreneur) qui, mis bout à bout, nous permirent de vivre – avec mon épouse modèle de mère au foyer... mais sans revenu ! -. Cinq ans de quasi-précarité avec encore un loyer à assumer, je vous dis pas que sur la retraite pour carrière longue, je lorgnais avidement, fébrilement aussi. Et c’est, mesdames et messieurs à un trimestre de cotisation près que je fus éligible au départ à 60 ans ! Et voyez, en ayant fréquenté un nombre incalculable de connards et de faux-culs, mais en voyageant abondamment et gratuitement, en étant bien assis, bien chauffé, bien payé, je ne me considère nullement comme un martyr...

Ce dont je veux témoigner - parmi tant d’autres - , c’est que même lorsqu’on ne vit pas les situations extrêmes d'éreintement de ces aides-soignant(e)s, agents d’entretien, caissier(e)s, éboueurs et j’en passe d’aussi réjouissantes - que Borne et Macron méprisent et sacrifient – on est bien souvent déclassé, dévalorisé, placardisé, moralement harcelé dans les belles entreprises de France où l’on avale des couleuvres, tout en ravalant son amour propre. Comme je l’ai fait, on a aussi le choix de s’en aller. D’aller faire de l’aide à la personne, des ménages ou pointer au chômage… Mais, dans ces cas-là, si la retraite à 60 ans est longue à atteindre, elle est interminable à 62. Et voilà que le double-patte de l’Elysée et la patachon de Matignon, veulent en remettre deux de plus !

Mes raisons de prendre part à la lutte sont multiples. Elles sont évidemment plus profondément éthiques et politiques. Pour autant, même si je n’éprouvais une telle aversion pour ceux qui nous gouvernent, je défilerais pareillement, car c’est à la fois à l’esprit de la Résistance française que l’on s’attaque, à l’Humanité de Jaurès et jusqu’aux principes de la Révolution. Moralité, il faut la refaire !

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