Une femme s’est avancée sur le perron de sa permanence, dimanche soir dans le premier arrondissement de Marseille. Frêle, belle femme, évidemment triste. Elle terminait troisième à moins de deux mille voix de Pascaline Lécorché ( si l'on est de gauche on peut chanter Vive Lécorché !), candidate du Nouveau Front Populaire, elle-même nettement devancée par Monique Griseti du RN. Elle prononça quelques mots en guise de remerciements à ses électeurs, annonça son retrait pour le deuxième tour et conclut ainsi : « Les échecs ça arrive, le déshonneur on ne s’en remet jamais ».
Je ne connaissais pas l’existence de cette candidate qui n’a pas attendu les consignes parisiennes et les contorsions sémantiques de Macron ou Philippe pour faire barrage aux nationalistes. Elle s’appelle Sabrina Agresti-Roubache, députée sortante et secrétaire d’État à la ville du gouvernement Attal, avant que son mentor ne réalise ce coup de folie.
Comme ceux qui me connaissent le mieux l’imaginent sans que je le leur dise, en découvrant ces résultats - hélas depuis longtemps présumés - j’ai versé quelques larmes amères. Avant probablement de jeter les armes dimanche soir prochain. C’est presque un réflexe de pleurer et ça fait du bien. Du bien comme cette phrase prononcée par une députée macroniste qui relativise un échec et souligne le déshonneur de risquer, en la facilitant, l’accession au pouvoir d’un mouvement néo-fasciste. On pourrait la trouver « classe » cette femme, autant que sa belle formule, mais au fond elles ne relèvent que d’une logique de décence, de mémoire, de survie.
La décence, c’est de mettre un mouchoir sur son égo et sur son boulot, quand l’avenir d’un pays est ainsi menacé de tomber dans une alliance d’extrême droite capable des pires ignominies. L'Europe est concernée. Cernée. Consternée. Il y avait Orban en Hongrie, puis il est arrivé les Polonnais, puis le Néerlandais, les Italiens de Meloni... Et donc la France, si on ne se réveille pas de ce cauchemar, dans quelques jours ! Ça ne vous rappelle rien ?
La mémoire justement. Celle des candidats libéraux d’En Marche, Modem, Renaissance, Horizon, appelez-les comme vous voulez. Lorsqu’ils n’étaient rien. Que des groupies d’un illuminé braillant dans son micro « Parce que c’est notre projet ! » Ah ! c’était donc ça son projet : Le Pen, Bardella… Et bien donc, ces députés novices se sont retrouvés au Palais Bourbon en 2017, puis un peu moins en 2022, parce que la gauche, toute la gauche, appelait à faire barrage au RN et que dans toutes les circonscriptions dangereuses, ils s’étaient retirés. Une sorte de convention Républicaine tacite, datant de la montée du Front National à la fin du XXe siècle et que seuls les Macronistes commencèrent à écorner il y a deux ans !
La survie, oui ! Celle d’une harmonie, même relative. Où il est loisible à chacun de s’exprimer, de contester, de manifester, de s’indigner. D’être étranger et de vivre, d’être homo et d’exister, d’être trans si ça nous chante, d’avorter s’il le faut, de dire
« Palestine vivra » sans être traité d’antisémite… Ah ça non ! on me dit que ce n’est déjà plus possible sous Renaissance. Bon ! Alors vous imaginez avec les autres...
Ben voilà, ce mardi soir à 18 heures me semble-t-il, nous saurons qui dans le camp macroniste et chez ses alliés de droite, a respecté ce pacte traditionnel élémentaire. Et qui aura sombré dans cette faillite morale dont il sera bien difficile, j’imagine de se relever. Mais il est clair que tous ceux qui se maintiendront en troisième position porteront la responsabilité d’envoyer des représentants d’extrême droite qui ne seraient jamais passés dans une confrontation bilatérale. Hier soir, on annonçait 179 retraits de candidatures, mais 133 se maintenaient encore. Les masques vont tomber !
Ils seront comme ces bourgeois décalés - trop attachés à leurs divers privilèges - qui porteront, la corde au coup, les clés du pouvoir sur un coussin, à des incapables, haineux et monstrueux. Ils auront plus tard rendez-vous avec l'Histoire...
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No pasarán avec Besancenot
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