Je vous rassure, ce n'est ni fessebouc - qui recouvre la surface de la terre d'une épaisse couche laineuse et volontiers haineuse -, ni touiteur - rendu célèbre par les pets pestilentiels et présidentiels de Trump, l'idole d'une Amérique dégénérée -, ni les ouatsaps, les amstramgrams et les colégrams des allégées du bulbe. Mais ioutube. Quand même !
J'ai envie de clamer mon innocence et de calmer ma conscience. Car au tout début je me suis inscrit sur la chaîne quasiment sous la contrainte de mon ami André, un journaliste toujours dans le vent malgré son grand âge. Il s'agissait de diffuser de gentilles vidéos promotionnelles qui agrémentaient un magnifique blog tenu par mes soins pour mes amis Bastide et notamment Bernard, l'un des patrons de cette belle maison familiale de Nasbinals et maire du village. Il me payait pour cela et j'y prenais un réel plaisir. D'ailleurs si ma montée filmée, médiocre, vers la Sentinelle ne recevait que quelques centaines de visites indifférentes, les reportages d'un réveillon -musette à la Rosée du matin ou d'un feu de la Saint-Jean au buron de Born atteignaient vite plusieurs milliers.
Depuis ma retraite - bien méritée, c'est moi qui le dit car personne n'en prendra le soin à ma place - je continue, par fidélité à mon Aubrac, aux Bastide, mais aussi aux abonnés - à balancer de temps en temps un petit film. Du village, sans prétention ni d'ailleurs mauvaise réputation. C'est une autre façon de communiquer et de faire passer de jolis messages. Et puis c'est plus facile de retenir l'attention du type avec son téléphone greffé sur sa main gauche. Encore que de son attention, je m'en fiche ! Les gens préfèrent cliquer sur un bouton triangulaire virtuel pour regarder une vidéo que de se plonger dans un texte quelconque. D'autant que je ne sais si c'est se vanter ou se flageller, mais il est un fait que je ne suis pas toujours facile à lire. Enfin, surtout à comprendre !
Parmi tout ce que j'ai pu commettre depuis 2016, certaines vidéos avaient pour objet de promouvoir mes bouquins. Je pense notamment à ma chère "Cuisine de ma grande-mère, ma mère et Aubrac sur mer", puis au magnifique "Vachement belle". Les vidéos supports furent vues par des milliers d'internautes, sans parler du sympathique reportage de France 3, mais les bouquins eux, ne furent achetés que par de petites centaines et encore, rarement grâce à youtube !
L'exemple de ce blog est encore plus flagrant. J'y produit quelques textes d'intérêt pouvant s'adresser à des gens cultivés, parfois engagés et au mieux... enragés ! Depuis neuf mois j'accouche de chroniques régulières si ce n'est quotidiennes. Oui, car j'ai un peu freiné. Avant, je ne m'accordais que rarement le droit même d'aller faire pipi. Depuis que j'ai compris que je ne concurrencerai pas Florence Doré, une influenceuse-blogueuse et ses 850 000 abonnés, je prends même le temps de faire caca. Et donc, pas plus de cent abonnés ! Trois à cinq fois plus de visiteurs suivant les jours et c'est tout.
Certes j'aurais pu me recycler et donner tous les jours une recette - le crumble figue-pimprenelle -, un conseil beauté - comment rallonger ses seins et atteindre l'orgasme avec le même rouleau à pâtisserie -, la tendance mode - la veste transparente en coton équitable du Guatemala - et tout ce qui aiguise la curiosité des cervelles allégées, mais je manquais de repères et surtout de matière.
L'autre jour, le 31 je crois, j'ai signé Macronique sur le thème des cent ans du Parti Communiste Français. Vous me direz, pas de quoi déchaîner les passions de la petite France bourgeoise buvant les flots de parole d'un Macron qu'elle trouve légitime et peut-être même for-mi-da-ble. Mais enfin il me semblait qu'il restait encore parmi nous quelques vieux militants de la cause humaine, des gens susceptibles de posséder quelque chose qui s'apparente à une conscience politique. Capables de remonter, au courage, un courant dévastateur d'insignifiants.
Pour tenter d'augmenter l'audience de ce type de papiers, je me suis même abonné et adossé au titre d'information en ligne Médiapart qui a l'extrême obligeance d'abriter les blogs qui le souhaitent. Résultat : ma chronique "C'est un joli nom camarade" n'a été recommandée que par 2 personnes sur le site de Plenel !
Dans le même temps ou presque, je publiais sur ioutoube une vidéo "Aubrac, un hiver comme avant". N'étant pas un pro de l'image, sans équipements spéciaux (pour la photo, car pour la voiture, ça, j'ai !), sans aller bien loin non plus, j'ai torché un film de moins de quatre minutes. Au bout de trois jours il y avait 18 000 vues, 230 "j'aime" et 35 commentaires ! Y en a même 7 qu'ont pas aimé. Et na ! C'est pas TF1, mais bon...
N'ayant aucun ego et nulle envie d'être connu ni même reconnu, je ne vous cache pas que ce terrible contraste entre quelque chose de fort qui me tient au coeur mais dont tout le monde se fout et cette vidéo totalement superficielle suscitant un tel agrément et quelques avis insipides voire stupides d'abrutis du genre : "Eh ben, heureusement que la planète se réchauffe sinon qu'est-ce que ce serait ! " et gnagnagnan, me fait honte et me donne franchement envie de disparaître de la blogosphère, des likeurs, des followers qui m'entourent, m'encerclent, m'étouffent et me révulsent.
Si je filme encore demain, ce sera pour Bastide, pour les copains Boissonnade, Montialoux, Cariou, Sinzelle et quelques autres. Avant que je décrète que ce monde que je ne peux plus voir en peinture, ne mérite plus rien. Pas même l'image valorisante de la nature...
Et pour vous faire une opinion, voici la petite vidéo incriminée
https://www.youtube.com/watch?v=kEc4RMQmaiE&t=73s