Voilà je suis arrivé au bout de ces trois semaines de chroniques quotidiennes et je m’en estime déjà heureux, car je n’étais pas du tout certain de tenir, tant tout m’est devenu inconfortable, injustifiable, insupportable. Et voici pourquoi il n'y en aura pas d'autre.
Je ne me suis pas donné à lire durant toutes ces années, avec le Pile-chèvre d’abord, puis Macronique et Mélanchronique, pour que les gens sachent qu’elle était ma vision de la société et de ce monde, mais parce qu’il me paraissait important de la défendre.
Je suis né quelques jours avant la Cinquième République. A tel point que, paraphrasant Jean-Luc Mélenchon, je pourrais proclamer : la Ve République c’est moi ! C’est moins cela que la prégnance des parents sur la conscience de l’enfant, qui m’a d’abord entraîné dans une sorte de Gaullisme machinal. Mais autant que cela puisse encore surprendre, du Gaullisme au gauchisme, il n’y pas tant d’incongruités que cela. De Gaulle l’anti-capitaliste, De Gaulle l’anti-colonialiste, De Gaulle le rebelle, l’insoumis de 40... Bien moins d’incongruité par exemple que du Gaullisme au Sarkozysme et ne parlons pas du Macronisme qui en constitue l'antithèse. Sauf qu'il se sert toujours de ses institutions...
Entre 1958 donc et 2017, cette République n’a jamais réellement vacillé. Elle fut bien secouée quand il le fallait, dix ans plus tard lorsque la jeunesse – qui n’emmerdait pas encore le FN – enfonça les premiers coins dans la domination patriarcale, religieuse et bourgeoise. Toutes les femmes, tous les opprimés devraient vénérer 68 ! La famille Le Pen, au contraire mêlant sa voix à la droite libérale, trouva cela évidemment scandaleux et s’insurgea de la perte des valeurs. Honneur, famille, patrie ! Les valeurs de Pétain, c’est sûr ! Et il était temps de les liquider.
Mais avec Debré, Pompidou, Giscard on savait où nous allions. En roulant à droite mais en respectant les lignes rouges, les opposants, les syndicats et un modèle social, des services publics pour lesquels il fallait évidemment et constamment batailler. Mitterrand puis Chirac ne s’éloignèrent guère de ces codes qui, dans un climat de franche opposition, ne mirent jamais l’unité du pays en péril. Voilà bien longtemps que je me tenais sur l’extrême flanc gauche, le grand soir tardait à venir, mais enfin on ne sentait peser sur nos belles idées aucune sorte de menaces. Quelques grandes manifs firent reculer Devaquet, Juppé et Villepin. Point. Et en 2002, lorsque Le Pen mit son œil de verre à la serrure du deuxième tour de la présidentielle, 80 % des Français allèrent voter Chirac, parce que tout était acceptable dans ce pays sauf la haine de l'autre.
La conscience politique s’est mise à faiblir jusqu’à disparaître au début de ses années 2000 où, après la chute du bloc soviétique, le capitalisme engendrant la mondialisation, se sentit tout puissant et accéléra la partition du monde à sa manière, c’est-à-dire en capitalisant toutes les richesses pour l’occident et laissant des miettes au plus grand nombre. Que l’on pourrait définir comme le « trois-quart monde » - celui qui prépare sa riposte et une revanche possiblement douloureuse pour les alliés des Etats-Unis ! -. Sarkozy et Hollande, un affairiste de la pire espèce et un intriguant sans principe, accompagnèrent le déclin moral et le prestige de la France.
Ouvrant la voie à une sorte de mutant, un illuminé improbable qui monta sur l’estrade et envoûta le bloc bourgeois - de tout temps fasciné par les banquiers - et qui le reconnut comme le sien, le messie qui allait garantir leur confort et leur expansion. Il était jeune, la finance l'installa, les médias et quelques femmes faciles le trouvèrent beau, Fillon était cramé, Hollande avait dispersé la gauche façon puzzle, laissant Hamon en haillons et le seul homme politique d'une stature d'État, Mélenchon, effrayait déjà les idiots dans leurs chaumières... Dans la famille Le Pen, la fille faisait bien moins peur et c’est elle qui se dévoua pour servir de marchepied à Macron. Dans la foulée plus de trois cents députés, des arrivistes venus de l’entreprenariat, de la licorne, de la cordée, de la startup néchion, de gros trous du cul en somme, prirent le contrôle de l’Assemblée et ils eurent les pleins pouvoirs. Maintenant, je ne vais pas rappeler les rafales de 49.3, les Gilets jaunes, la COVID, le Pass sanitaire, les réformes anti-sociales, la retraite, le chômage, la lois Immigration, le soutien au génocide d'Israël à Gaza, la répression policière notamment à l’égard des écologistes, ceux qui symbolisent le mieux ce combat juste contre une société aliénée et dérivante.
Après avoir paradé, méprisé, humilié ses sujets, Macron, tirant les conclusions de son échec matérialisé par le score de son parti aux Européennes, fit le choix de dissoudre le parlement et d'ouvrir en grand, les portes du pouvoir à cette extrême droite que la Cinquième République avait tenu à distance durant plus de soixante ans ! Moi j’ai connu des gens, tout plein de gens, prétendument de gauche, d’anciens cocos comme Cécile Muschotti à Toulon qui prétendaient sauver la République en se ralliant à Saint-Emmanuel-les-mains-jointes. Beaucoup m’expliquaient que je ne comprenais rien et qu’il était le seul rempart possible contre le Front National, parce qu’il était moderne et conciliait un large spectre de l'opinion. Qu’il nous débarrassait aussi de la politique de l’ancien temps (avec Ferrand, Collomb, Attali et Bayrou notamment !)... Et c’est ainsi que beaucoup de gens que j’aimais bien, m’ont tourné le dos, quand ils ne se sont pas fâchés ! Aujourd’hui en fermant cette page, c’est à eux que je pense. Je les trouve minables et je suis bien triste de ce qu'ils sont devenus, mais aussi pour leur amour-propre, s’ils en sont encore détenteurs.
Voici la France qu’ils nous laissent : égoïste, raciste, fasciste. Macron que j’avais trouvé diabolique en 2016, s’est révélé ainsi. Destructeur. De notre économie. De notre modèle social. De la concorde humaine.
Alors oui, j’arrête ces chroniques parce que je suis amer, usé et à bout d’arguments. Marre de me faire traiter d’antisémite par des xénophobes, des clans et des lobbies de tous bords ; marre de me sentir jugé dangereux, alors que je porte les idées les plus nobles et généreuses, certes utopiques mais qui un jour s’appliqueront par la force, s’ils n’ont pas fait péter la terre avant ; marre de voir l’anti-capitalisme et l’écologie régresser, alors qu’elles sont les seules voies raisonnables et vertueuses ; marre de passer mes soirées à proposer de belles choses qui finissent en spam ou en mépris.
Ne me reste plus qu’à espérer de ne pas tomber malade. Lorsque je finissais d’écrire, tous les soirs, je me sentais mieux, plus léger. C’était mon égoïsme à moi de me délester de mes colères, car hélas, après lecture, beaucoup d’entre-vous alliez forcément moins bien et vous sentiez plombés...
Mais comme il ne faut jamais dire jamais, je préfère laisser flotter un doute quant à l’irréversibilité de mes adieux. J’échangerai toujours avec plaisir avec ceux qui m’ont accompagné jusqu’à ce dernier souffle. Ils pourront aussi me lire à travers mes romans et le blog qui leur est consacré. Une grande partie peut d’ailleurs le faire en commandant le Petit garçon, puisqu’elle ne s'est pas jetée dessus à sa naissance !
Ceci dit sans racune… il y a tellement plus désolant !
Des vidéos brèves et délicieuses
De Gaulle et le capitalisme
https://youtube.com/shorts/ydvcbgT-iFk?si=BcndW0O3egNWCgTO
Une froide colère contre le macronisme
https://youtube.com/shorts/9vX9h2WobxI?si=-LAyF6c4heWscOqs
Ce coup de gueule de François Cluzet
https://youtube.com/shorts/xFNWHwyYfmI?si=aikpedAUMAxQuMS2
Et tiens ! un dernier gros Poutou
https://youtu.be/9qx2lRh1BrI
Et enfin
Je comprends mieux pourquoi la propagande de cette flamme olympique m’indisposait tant !
https://www.nouvelobs.com/sport/20240706.OBS90729/berlin-1936-le-relais-de-la-flamme-une-invention-nazie.html?at_medium=email&at_emailtype=retention&at_campaign=ObsDerMin&at_send_date=20240706&M_BT=113479620836651