Comme tous les gens libres, ouverts d'esprit et donc plutôt à gauche, j'adore "Par Jupiter" l'émission de France-Inter produite par deux Belges plein d'humour -si, si ça existe !- mais dont le champion est bien Français, Guillaume Meurice ! Et lui je le révère tout particulièrement. Sans doute parce je partage quasiment tout de ses engagements et qu'il les sert avec un humour fin, un talent fou, ce qui ne gâte rien et ... ne court plus les rues !
Il y a maintenant 11 ans, lorsque mon journal (groupe Nice Matin) fut racheté par la famille de ce joyeux drille, Robert Hersant, je me suis carapaté en demandant mon reste, en clause de cession qui était là, plutôt, une cause de conscience. Et qu'ai-je fais ? Du commerce ! Non là, je m'amuse à me provoquer. J'ai ouvert un restaurant.
Dans la plupart des cas, lorsqu'un glandeur, obnubilé par les affaires, se lance dans le commerce ou la restauration, c'est pour vendre à des pigeons des produits de merde au prix fort. Un seul idéal : le bénef ! Nous sommes loin de ces familles qui ouvraient leurs tables avec pour première intention de faire partager leur terroir, leur cuisine, leur passion. Reverra-t-on un jour s'installer des Bastide à Nasbinals, des Brouzes à Laguiole, des Vergnet aux Hermaux ? Oui bien sûr, il ne faut pas non plus renoncer à tout rêve, mais enfin à Toulon, Cannes et Sète ce sera plus rare. Rarissime !
Bref j'avais ouvert un joli restaurant de spécialité de l'Aubrac avec un seul espoir, me dégager un petit salaire pour vivre. Comme certains se lèvent le matin pour gagner un max, je me suis toujours évertué à ne prendre que ma modeste part. Or ce n'est peut-être pas aux conditions si rudes imposées par la COVID 19 que j'eus à faire, mais à la crise financière de 2008. Une époque où les gens qui ont peur de tout, se faisaient un sacré mouron pour leurs économies. Mais ce n'est pas pour autant qu'ils le dépensaient et moins encore dans un petit restaurant familial, sans congélateur... ni chichi. Tout venait de l'Aubrac, frais donc et cela aurait pu impressionner les Toulonnais, s'ils avaient seulement connu l'existence de l'Aubrac ! Durant cinq ans, j'en ai chié. Dans l'impossibilité d'embaucher un aide-cuisinier faute de budget et j'en suis tombé malade. Mais pour autant, dans cette période de vaches maigres pour l'économie globale et la basse-ville de Toulon où les rats étaient revenus comme en 40, jamais je n'ai sollicité la moindre aide, pas même le plus petit report de charges. Et croyez moi, que ce soit le propriétaire des murs, l'URSSAF et mes fournisseurs, il y allaient fort les vaches ! Malgré ce non plus, je n'ai dissimulé au fisc la moindre note, pas même un café. Là où la totalité de mes collègues - certains avec des caisses trafiquées - en mettaient un maximum sous le comptoir ! Question d'état d'esprit…
Je me suis toujours comporté, fidèle à mon idéal, sans doute par facilité. Proche des idées communistes aussi bien qu'éloigné du goulag et du soviétisme. Mais le partage, l'altérité, l'intégrité sont les valeurs basiques qui m'ont -par chance - étaient inculquées. J'aime payer l'impôt car c'est le signe que je gagne un peu d'argent et que d'autres pourront en profiter. J'aime beaucoup moins les tricheurs…
Et j'en arrive à Meurice qui, dans le mensuel Sine signe un pamphlet dont j'aurais pu être l'auteur, contre ces marchands, artisans et petits patrons (mais bien sûr qu'il y a des marchands, des artisans et même des petits patrons qui sont des gens bien et ce n'est pas d'eux dont il est question !) qui se glorifient et se repaissent de libéralisme, de libre entreprise, de marché et pourfendent à longueur de diatribes - dignes du café du Commerce -, ces fonctionnaires, ces chômeurs, ces assistés, épaves de la société dont leur chef bien aimé a d'ailleurs dit qu'ils n'étaient rien.
« Alors, je rêve ou tu chouines ? Ton business est en train de couler alors tu demandes de l'aide à l'État (…) Je croyais que dans la vie il fallait se débrouiller tout seul, que quand on veut on peut (…) Tu ne vas pas devenir un putain d'assisté !» s'amuse Guillaume Meurice, piquant et judicieux à la fois. Et de se marrer à l'avance que les huissiers puissent venir sonner aux portes des marchands, eux qui trouvaient normal de déloger un sans papier, un squatteur, voire même un travailleur pauvre qui ne pouvait payer son loyer.
Et voyez, il est facile de mesurer qu'une société va mal, qu'elle est au bord de l'implosion, lorsqu'on retrouve les mêmes, vent debout, hurlant à l'injure et à l'indignité. Car la réalité est bien celle là. On fait les marioles quand on se sent un peu plus fort dans sa boutique de luxe payée avec l'argent de papa, qu'on fourgue des coupes de cheveux à 90 balles, des bouquets de fleurs à 120, des foulards à 150 et des repas à 200 ! Le tout à des odieux qui ne savent pas quoi faire de leur pognon et n'ont aucune conscience de la misère environnante. Mais lorsque ceux-là s'enferment chez eux et que le tiroir-caisse fait un peu moins glin-glin, alors on gémit, on trépigne, on s'insurge. Et on appelle l'état, avec les impôts qu'on oublie parfois de payer, au secours. C'est un joli monde que celui-ci !
Et alors pour en finir avec les réjouissances, j'ai vu qu'un certain Pascal Praud, que je ne connaissais pas, mais apparemment sans talent ni pudeur, un bateleur de foire et de la télé-poubelle (aurait-il un salaire d'éboueur ?) demandait carrément la peau de Meurice à France Inter !
Vous allez voir que ce populisme médiatique et ces collabos minables vont finir par nous y renvoyer au bon temps de l'occupation !