Vous avez été plusieurs à me trouver drôle à la faveur de cette rentrée tragique et je vous en remercie bien. La reproduction consanguine en Macronie, les visions lunaires d’une société hors-sol m’y ont conduit et je me suis laissé faire, pour une fois, sans résistance. Mais je crains, mes amis, que tous les jours ne soient pas fête, ni faits de batifolages, de balivernes, de billevesée - pour employer un mot cher à Jean-Marie Le Pen qui est pour moi, comme vous le savez, en sémantique comme en politique, un étalon (bon voyez que je fais tout ce que je peux, quand même…)-.
Le matin, et voici le problème, je confie mes oreilles embrumées à France Culture qui, dans le genre badineur et salace ne fait pas réellement référence. Or, pour entretenir ce ton primesautier, gentiment grossier et impeccablement insouciant, il vaudrait mieux se brancher sur Rire et chansons, sur Europe 1 ou RMC.
Alors je sais, ce n'est pas forcément bien joué, mais c’est le fait malencontreux d’une réflexion toutefois assez mûrie, selon laquelle il est préférable à l’être humain d’écouter les gens plus intelligents, non pas fatalement pour le devenir mais pour résister au naufrage de la connerie. Car, nous le savons bien d’expérience vous et moi, s’il est très difficile de s’élever au niveau des plus brillants, il est extrêmement facile de s’abaisser à celui des idiots. Est-ce la raison pour laquelle France Culture ne rassemble que 800 000 auditeurs ? Parmi lesquels, je le sais, un bon nombre d’entre-vous.
Et revoici mon courroux – coucou ! Aurait rajouté l’impayable Desproges au Tribunal des flagrants délires -. C’était hier vers 11 heures, je marchais sous la neige à rebours de Compostelle, embrassant du regard un Puy de Gudette s’effaçant dans une tourmente naissante. La première heure avait été passionnante pour ne pas dire apaisante sur un autre chemin - de la Philosophie - de la sémillante Géraldine Muhlmann dont le thème « De la transgression à la perversion » ne laisse pas indifférent lorsque justement, on se veut davantage transgressif que pervers. Mais enfin cela mérite approfondissement et je rappelle aux clients éventuels que Culture est le champion du podcast, consommable à volonté, jour et nuit.
Cela s’est donc gâté, alors que je venais de me casser deux fois la figure -sans rien me casser, malgré mon âge ! - sur d’impressionnantes plaques de glace au moment d’entamer la descente vers Pascalet en direction du village. Julie Gacon, autre belle voix de la station, dans son Culture monde, abordait la sempiternelle question de la transition écologique sous l’aspect fort large et déprimant du transport maritime. Je n’ai retenu qu’un chiffre qui résonne, qui cogne même dans ma petite tête : un cargo porte-conteneurs ou méthanier - et j'imagine qu'il en va de même du paquebot - pollue, autant que, tenez-vous bien, 50 000 000 - cinquante millions - de voitures ! C’est à dire que nos gouvernements voudraient bien nous faire acheter des véhicules électriques pour limiter les émissions de CO2 et remplir les caisses des multinationales automobiles, tut en laissant voguer sur nos océans, des monstres exterminateurs de l’espèce mais aussi et surtout de la biodiversité.
Je sais que beaucoup d’entre vous en ont pris conscience, mais que faut-il faire pour convaincre les autres, tous les autres, quasiment tout le monde (même si l’on n’est pas parfaits non plus…) qu’il est urgent de mettre un frein si ce n'est un terme, à la consommation ? Elle est devenue nocive et destructrice depuis que la mondialisation a été progressivement imposée à tous comme un nouveau modèle accolé au capitalisme. Tout cela s’est fait de manière machiavélique par les penseurs d’un monde globalisé, dont une élite économique autant qu'idéologique, tire les ficelles. Les ficelles d’une population planétaire, telle un pantin, inanimée. L’occident libéral tire aussi à boulet rouge sur la Chine, éventuellement sur l’Inde et d’autres pays sous-développés en droits humains, mais utilise leur main-d’oeuvre dérisoire pour s’enrichir par des marges considérables. Et ceux qui chez nous et partout ailleurs, commandent sur des sites criminels tels qu’Amazon, des grandes marques à des prix soi-disant discount, favorisent à la fois l’exploitation d’ouvriers sous payés et maltraités, mais précipitent aussi la Terre vers le chaos lorsque tous ces produits traversent les océans à bord de bateaux qui déversent des quantités monstrueuses d’hydrocarbures. Alors l'oncle Sam et ces affidés ont déjà la parade. Ils s'activent à nous réinventer le bateau à voile. Ils seraient même capable de réhabiliter les galères (tiens voilà une idée pour les immigrés !) afin de continiuer à fourguer leurs produits de luxe et tout ce qui ne sert à rien mais qiue le bon peuple convoité frétiquement et bêtement.
Mais qui, dans les grands médias, les discours politiques, explique cela ? Qui à part France Culture, donnant la parole à quelques chercheurs, universitaires, Don Quichotte de la sobriété et de la conscience écologique. Personne et c’est là toute la force de l’empire libéral qui maîtrise tout, de la communication à l’argent. L’économie tue l’écologie depuis que l’ère industrielle à scindé le monde en deux : les riches infiniment puissants et les autres infiniment plus nombreux. Je sais, tout ceci est sinistre de désespérance, mais cela ne devrait pas l’être. Car, bien mieux qu’un vote, il y a une attitude à adopter.
Il suffit brave gens, vous qui avez de gros moyens, mais vous aussi qui ne les avez pas du tout, d’arrêter de consommer à tort et à travers. Cessez de prendre l’avion qui ne sert que votre égo de voyageur et en aucun cas la curiosité dont vous vous targuez ; cessez de consommer de l’agneau néo-zélandais, des tomates en hiver et des poires en été ; de changer tous les deux ans de téléphone ; de commander des fringues de marque quand vous pouvez aisément porter les mêmes durant des années, voire des décennies. Ce ne sont que quelques exemples, mais si nous les multiplions, les répandons, nous retrouverons tous collectivement le bonheur de jardiner, de respirer un air plus léger, d’écouter les oiseaux, de marcher sereinement, de manger sainement et de dormir pleinement. Et vous verrez qu’il y aura moins de traces obscènes dans le ciel et que les supertankers resteront définitivement à quai.
PS - Lorsque vous commandez sur Amazon ou autre commerce en ligne vous ne payez aucun frais de port alors que votre produit vient de Chine ou de très loin. Mais lorsque j'envoie un livre par la poste, à trois cent kilomètres, cela me coûte 6,50 €. Qu'en pensez-vous ?
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Petit suppléments gratos, cet excellent pastiche signé par Frédéric Fromet dans la bande à Charline. Et c'est Depardieu qui régale
https://www.youtube.com/watch?v=Y7VRSWNafUA
En hommage à Saint-É... notamment
Parfois je reçois de belles lettres. Avant il y avait Danielle, maintenant c'est plutôt Martine, Claude, Francis et René. Patrick, cela faisait un moment. Mais comme je conserve son anonymat, je me permets de la publier sans son accord. Elle vient d'ailleurs en réaction à une déjà vieille chronique. ce qui n'a aucune importance... Et pour ce contenu, la force des mots simples et sentis, je lui dit un grand , amical et affectueux merci.
"Moi aussi, je n'étais allé à Saint-E, comme ils disent, que pour commenter des matches. De foot, personne n'est parfait ! Et, à l'époque, j'étais content, car les Verts m'avaient fait rêver adolescent. C'était une époque où le foot était encore fréquentable et où tout ne se réglait pas à coups de (centaines de millions) de dollars. D'ailleurs, des équipes comme le Dynamo de Kiev ou l'Etoile Rouge de Belgrade suscitaient encore l'inquiétude de n'importe quel club espagnol, anglais, allemand, italien et, a fortiori, français ! Le seul qui leur tenait tête, c'était Saint-E. Pas celui que rejoignit Platini et qui tua Paganelli dans l'oeuf, au point d'en faire un bouffon sympathique pour chaîne cryptée, celui de gars qui nous ressemblaient ou auxquels on aurait bien voulu ressembler, dont les parents avaient souvent fréquenté les usines du coin, dont les physiques n'étaient pas aussi artificiellement déformés que les comptes en banque...
Et puis je suis retourné à Saint-Etienne plusieurs fois récemment, parce que Margaux y a vécu quelques années. Et j'ai de nouveau aimé cette ville, pour d'autres raisons. Elle me rappelle mes villes du Nord, ouvrières, besogneuses, pleines de douleurs et de cicatrices, solidaires et joyeuses, humaines mais surtout avec ce que l'humanité a de bon ! Et ce n'est sans doute pas un hasard si c'est là que notre fille, arrivée diplômée de Sciences-Po et de Supagro Machin truc, parlant couramment anglais, chinois et espagnol, à l'avenir tout tracé, a tout envoyé chier pour y devenir ce qu'elle est vraiment : poétesse, animatrice d'ateliers d'écriture sans garanties de revenus, gentillement anarchiste - et parfois pas si gentiment que ça - organisatrice d'un festival d'arts de rue joyeusement baptisé Complètement gaga... D'ailleurs, je me dis que je vais lui suggérer de s'abonner à ta lettre. Elle ne sera pas toujours d'accord avec toi ; elle pourrait même ne pas te l'envoyer dire de temps en temps, mais je me demande quand même pourquoi je n'y ai pas pensé plus tôt.
Pour en revenir à Saint-Etienne, il y a bien longtemps que Casino ne lui ressemblait plus. Et c'est sans doute aussi de celà qu'il meurt aujourd'hui, même si cela n'aurait sans doute pas suffi à le sauver.
Voilà, c'était ma déclaration d'amour à des lieux, à des vrais gens, à des valeurs, à ma fille, à un vieux Grintch qui a souvent bien raison de grintcher. Et je m'arrête pour aujourd'hui, parce que j'ai mon compte d'émotion."