Il va me falloir réaliser des prodiges pour être drôle, un tant soit peu, aujourd’hui. Je vais vous parler de la mort. La mort du héros comme le proposait Gilbert Bécaud à sa jubilatoire Vente aux enchères. Je vous raconte pourquoi. J’ai reçu hier une proposition de signature de pétition. Vous savez, il suffit d’accepter une fois de soutenir une cause, pour être ensuite régulièrement sollicité. Cela ne dérange pas spécialement vu que, comme certains l’auront subtilement observé, je m’engage assez facilement.
Sans doute le temps viendra bien assez tôt où, revenu de tout, fatigué des uns, désespéré des autres, je fermerai les écoutilles, rabattrai l’écran de mon ordinateur et me recroquevillerai sur ma fin de vie. Ce sera dès 2022, j’en prends l’engagement, si on nous remet le même à l’Elysée !
En mourrai-je ? il est un peu trop tôt pour le déterminer, même si vous allez voir que cela va vite arriver. Toujours est-il que la question se posera forcément à ceux qui ne se supportent plus dans un monde qui ne leur ressemble pas. Je m’étais promis de m’engager – aussi - dans le combat essentiel à mes yeux de la fin de vie. Voici donc une pétition « pour le droit de choisir sa fin de vie ».
Je sors d’un peu plus de cinq années de mal être, de malaise et de colère rentrée. Durant lesquelles j’ai vu, aimé, aidé autant que j’ai pu, mes parents défaillir jusqu’à ne plus se reconnaître, s’effondrer au point de ne plus se relever.
Maman c’était il y aura donc bientôt six ans. Un succession d’AVC, le dernier un peu plus rude que les autres. Une lourde aphasie, une boulimie succédant à sa légendaire frugalité, l’absence d’équilibre, puis de contrôle de soi, une démence de plus en plus marquée et handicapante… Maman, toute sa vie m’avait averti qu’elle refuserait de prolonger sa vie dans un état semblable à celui-ci et m’avait même oralement plus ou moins mandaté pour lui porter le coup de grâce ! Je l’avais d’ailleurs vivement remercié de me confier une telle mission de confiance. Nous en avions ri, parce que dans ces cas là, seul le rire peut alléger la crainte.
Bien sûr il n’en fut rien. Du coup pour faire plaisir à papa. J’allais chercher maman dans son EHPAD, nous passions la journée ensemble. Je la faisais manger. Je la ramassais ou lui évitais miraculeusement la chute. Je la torchais aussi (ben oui !) et lorsqu’ils y en avait partout elle riait. Comme je râlais, elle s’y mettait les mains et faisait mine de m’en badigeonner ! En la rhabillant, il m’est arrivé discrètement de verser quelques larmes…
Maman à multiplié les chutes et les infections pulmonaires. Lors de son avant dernière hospitalisation, dans un état de faiblesse inouïe et en détresse respiratoire, j’avais fini par oser expliquer à une docteure de l’hôpital de Lavaur, que ma mère n’aurait pas souhaité aller plus loin et que c’était inhumain pour elle, pour papa qui s’accrochait à la vie de celle qu’il aimait tant encore et puis aussi pour ses enfants. J’ai lu dans son regard et interprété dans ses propos que j’étais un monstre. Du coup, à force d’antibiotique, d’oxygène et probablement de prières de la praticienne, maman s’en est sortie.
Toujours plus faible, pleine de mélancolie et d’une tourmente intérieure qui ne se traduisait le plus souvent que par des rires et des cris intempestifs… Elle a tenu un an. Et après une nouvelle hospitalisation, des antibiotiques, des « poutingues » comme elle me disait avant, il fut enfin décidé de mettre fin à son calvaire par une lente sédation. Ici je veux redire que l’EHPAD Briatexte n’est pas en cause, que son personnel a été tout ce que l’on peut espérer de mieux lorsque tout va si mal.
Papa y laissa le peu de force et de santé qui lui restait. Rongé par une tumeur intestinale qui le vidait de son sang, le laissant… exsangue - évidemment – on se mit à le perfuser au fer et pour finir à la transfuser. Lui aussi tombait et ne pouvait se relever. Ainsi passa t-il plusieurs heures et même une nuit entière sans pouvoir appeler qui que ce soit.
Lorsque les derniers mois il ne put plus distinguer le goût d’une betterave de celui d’un filet de bœuf, lorsque même les huîtres ne passaient plus et que tout finissait en fausse route, j’ai su qu’il était sur le départ. Papa tout au long de sa vie s’était admirablement battu pour dissimuler les effets de son handicap. Une jambe raide de la hanche à la cheville. Il n’y a pas grand monde qui aurait pu tenir son rang comme lui. Voiture et même vélosolex aménagés, sièges adaptés, il n’a jamais demandé assistance qu’à sa canne et juste à maman pour enfiler ses chaussettes. Bref c’était à la fois un combattant et un acrobate. Tout ça au service d’une pudeur, d’une dignité avec laquelle il ne badinait pas. Alors lorsqu’il fut réduit à 33 kilos (oui, oui vous avez bien lu) qu’il lui fut intimé l’ordre de faire dans ses couches, j’ai revécu un an après la disparition de maman, le même cauchemar, bien plus court heureusement, mais avec la même violence barbare. Je vous dispense des conséquences sur ma prore santé, ici sans importance.
On aurait pu, on aurait dû dispenser à mes parents, si chers à mon coeur et mon âme, cette année pour l’une, cette paire de mois pour l’autre, qui n’eurent d’autre sens que de détruire leur entourage. Et je m’étais donc promis, une fois qu’ils seraient partis, de pousser ce cri, d’un seul mot : assez ! Et ce n’est pas parce que l’existence humaine est jalonnée depuis la création par une barbarie toujours recommencée que l’on doit accepter cela. Nous avons connu des crimes affreux, des guerres de religion, d’inquisition, d’holocauste. Mais est-ce bien une raison suffisante pour se soumettre encore au jugement des hommes de Dieu et à leurs lobbies. Bien sûr il y a eu pire, Auschwitz par exemple ! Mais était-ce une raison pour m’imposer l’image de mon papa décharné tel un juif supplicié par les nazis ?
L’agonie du fait de la vieillesse a remplacé les guerres et les vrais grandes pandémies qui emportaient des millions de gens bien plus jeunes. Seulement rien ne plaide en notre faveur dans ce monde où le business du grand âge demeure inestimable à leurs yeux. Il faut s’en féliciter d’ailleurs, car sans quoi les vieux - même en bonne santé et consentants à s’éterniser sur terre – ne seraient peut-être pas aussi bien soignés et prolongés.
Il est clair que la loi Claeys -Léonetti a été promulguée dans le but de court-circuiter un vrai débat et une évolution plus nette (honnête) vers le suicide assisté. Encore une fois, ce sont les gens de droite qui ont en main de destin des autres, imposant leur logique et celle du pouvoir religieux pour qui la vie est sacrée dés le premier instant. C’est pourquoi il s’oppose aux fellations (sauf avec des enfants), à la contraception, à l’avortement et bien entendu à l’euthanasie. Ah ! voyez que je vous ai peut-être fait rire !
Et c’est là où l’on s’étonne que des gens qui croient dur comme fer à une vie meilleure et éternelle dans l’au-delà, soient si peu pressés de la rejoindre ! L’église dont le principal fait d’arme est d’avoir imposé, durant plus de dix ans, un véritable calvaire au malheureux Vincent Lambert, trouve dans le grand capital qu’elle pourfend par ailleurs, de solides alliés. L’industrie pharmaceutique en premier lieu, mais aussi les pharmacies et les médecins, les fonds de pensions, les actionnaires de maisons de retraite, d’établissements hospitaliers et cliniques privés, qui se gavent littéralement sur le dos des vieux, en les maintenant en vie le plus longtemps possible et coûte que coûte - cher !-.
Or l’état qui cherche par tous les moyens a économiser sur les retraites et les improductifs qui en jouissent, devrait être le premier à réguler tout ça et à se ranger aux côtés de ceux qui refusent l’acharnement médical et réclament le droit tout bête de choisir sa mort dans la dignité. Seulement l’état, ce sont des hommes et des femmes politiques qui veulent êtres élus, puis réélus. Or qui sait qui les couvre de pognon pour leurs campagnes ? Pas vous, sûrement...
Je signe la pétition pour le droit de choisir sa fin de vie, en mémoire de mes chers parents qui ont eu la chance de s’aimer et de traverser jusqu’au delà de quatre-vingt-cinq ans une merveilleuse existence.
Je vous invite également à le faire et à partager cette démarche qui peut et doit aboutir, auprès du plus grand nombre. Grâce à quoi nous obtiendrons peut-être le fameux référendum qui est le seul à pouvoir renverser ces préjugés absurdes et… criminels !
Je signe : http://chng.it/wSkzbXw2fQ