Si j'osais, j'avancerais que les descendants d'auroch sont plus impressionnés par la montée des marches d'Amy Jackson au Festival de Cannes, que par celle de Marine Le Pen dans les sondages. Ce qui tendrait à prouver que les animaux sont moins bêtes que la moyenne des Français.
Mais enfin rien n'étant distinctement démontré, il est toutefois possible d'argu-menter l'assertion en faisant appel à l'histoire avec un grand H et même avec un grand Charles. N'est-ce pas lui, de Gaulle en auguste personne, qui proclamait les « Français sont des veaux !» Depuis, ils se sont plutôt mués en moutons...Tout se perd ! Et lorsque ce ne sont pas les petits qui sont au cœur de la polémique, ben ce sont leurs papas. Il ne se passe pas la moindre novillada sans que les opposants aux corridas ne posent quelques banderilles sur ses pauvres aficionados qui ont bon dos, mais se trouvent pareillement toujours plus où moins prêts à en découdre, le puntillero planqué sous la muleta. Jusqu'ici, les bouchers étaient tout de même bien moins exposés que les matadors. Mais cela tend à changer et… à se tendre !
Les vaches étaient aussi paisibles et paissaient sans stress dans ce décor verdoyant de la France rurale que la disparition de Jean-Pierre Pernaut - dont on buvait les paroles à l'apéro du 13 heures - semble avoir plongé dans une irrépressible consternation. C'est donc la cour des comptes qui a ravivé la querelle entre partisans des vaches et pourfendeurs du rôti dominical. Sans faire en aucune manière l'apologie de Roussel, le « coco » pro-nucléaire, ami de Darmanin et d'une bonne partie de la droite, je reconnais que je partage avec lui une passion quasi-mystique pour le steak-frite.
Ce qui ne m'empêche pas non plus de saluer et de soutenir la croisade verte pour la fin d'un consumérisme délétère et une croissance mortifère. Je reproche seulement à cette écologie intensive, de ne pas se laisser aller de temps à autre, à craquer pour une belle entrecôte, comme on croque la vie à pleine dent. Une entrecôte oui ! Mais d'Aubrac ou d'Aquitaine, de Parthenay ou entre Tarentaise et Abondance. Pas des fermes-usines de Beauce ou de Picardie où l'on débite des milliers de carcasses de malheureuses de vaches à lait sacrifiées sur le billot de la consommation de masse. Certes, vous m'objecterez que les pauvres aussi ont droit à leur morceau de bidoche. Peut-être, mais si nous étions aussi sur un autre blog, une tribune politique, je vous dirais qu'ils ont surtout droit à de meilleurs salaires, pensions et prestations diverses pour manger correctement, à leur faim et plus finement. Comme le disait encore hier ma copine Martine, pour apaiser la société, il suffirait de réduire les inégalités et d'abolir la misère...
Sus à l’agriculture intensive donc, celle qui vide à grand coup de bassines les nappes phréatiques, oui à la production de petits élevages familiaux, ruraux, raisonnés, éthiques… et toc.
Ce week-end, j'étais donc à la transhumance. Destinée à perpétuer des traditions qui sont fortes et chères au coeur de l'Aubrac, elle est devenue un phénomène touristique démesuré et un business peu en phase avec ce que nous prêchons par ailleurs. Mais comme toujours en cette fin mai autour de la Saint-Urbain et dans les mois qui vont suivre, où les animaux se fondront dans ce gigantesque tableau d'Aubrac, il devient impossible d'imaginer un pays privé de ses vaches aux robes froment, de leurs veaux turbulents et d'un taureau rayonnant de puissance.
Que voulez-vous que nous ayons à faire de quelques flatulences lorsque la nature nous offre ces décors pleins de munificence, splendide à observer, apaisant l'âme, réconfortant l'esprit...
Mais au fait, messieurs les bureaucrates qui ne vous gênez pas pour "lâcher une caisse" à l'occasion, comprenez bien qu'il est exclu d'empêcher nos vaches de péter, même à l'injonction d'une circulaire de la cour des comptes !