Il ne servirait à rien, en effet, de réussir une grande manifestation unitaire et nationale, si demain tandis que Borne et Macron, nous tireraient la langue effrontément, la moitié d’entre nous entraient docilement dans le rang comme nous l’avons parfois connu par le passé.
Car la rue, n'a pas toujours eu le dernier mot. Mai 1968, par exemple, n’a pas connue l’issue attendue, même si elle a entraîné la chute du gouvernement Pompidou et le départ de Charles de Gaulle, l’année suivante. C'est davantage par sa durée que le mouvement, essentiellement estudiantin, fut spectaculaire. Et par la convergence des luttes qui fit qu'à la révolution culturelle et sociétale menée par les jeunes, s’est greffé un mouvement de contestation ouvrière qui n’a d’ailleurs pas abouti sur les plus grandes avancées sociales du siècle. Ce fut long et c’est peut-être pourquoi les " révolutionnaires "d’alors, se sont usés, y compris cognitivement, Oui parce que moi, j’appelle ça des timbrés ! André Gluksmann , philosophe des ténèbres qui après avoir mené un combat marxiste se retrouve à renier tous ses engagements et à soutenir… Sarkozy ! Oui pas n’importe lequel des enfoirés, vous avez bien lu : Sar-ko-zy. Un soutien sans doute au nom de la moralité publique.
Quant à Cohn-Bendit - dont j’ai déjà écrit combien son patronyme en deux mots sonnait si bien à mes oreilles -, il passa de l’extrême gauche, à l’écologie bourgeoise, pour échouer tel une vieille rascasse puante, dans les filets de Macron et d’un libéralisme indécent. Je pourrais aussi rajouter à cette liste de félons... aux idées courtes, le fameux Bové qui fut le chantre de la résistance paysanne à la mondialisation et qui après avoir démonté McDo, rentra comme un toutou dans la maison libérale, victime sans doute d' une lobotomisation en règle sous les ors du parlement européen.
Bon, mais je sens bien que je m’énerve encore, alors qu’il faudrait rester calme. Oui lorsqu’on part en manif, il ne faut pas oublier le foulard pour se parer des gaz lacrymogène, de la crème à bronzer, un écriteau avec un slogan bien senti, une bouteille d'eau, mais il faut s’astreindre aussi à la zénitude la plus complète, d’autant qu’en face les pitbulls casqués n’attendent qu’un mouvement malheureux pour donner du bâton et de la bombe…
Le modèle, il faut le trouver dans le grand mouvement populaire et prolétaire de 1936, sur fond de montée de l’extrême droite et arrivée au pouvoir, du Front Populaire. Ce n’est pas contre, mais avec le gouvernement que deux millions de français vont défiler partout en France pour obtenir la retraite à 65 ans – un progrès majeur sur lequel on est donc en train de revenir – et les congés payés - peut – être le futur chantier de destruction de Mme Borne ! -.
On ne compte plus les grandes manifs qui ont eu un effet proportionnel. La lutte contre la loi Devaquet, également menée par les étudiants contre la réforme des universités. Ils étaient là encore près d’un million, moins Malik Oussekine, frappé à mort par les policiers dans la nuit du 5 au 6 décembre 1986. Le gouvernement Chirac dut remballer son affaire.
Personne n’a sûrement oublié la première réforme des retraites de Juppé en 1995. Quand on parle de réforme chez les libéraux et le reste de la droite, je suppose que vous avez remarqué que cela consistait à rogner les droits sociaux. En somme le mot réforme signifie : revenir en arrière ! Et la cause est plutôt noble, puisqu’elle consiste à désavantager les manants pour améliorer les finances des puissants ! N’empêche que ce fut quasiment le fiasco du siècle ! Avec 2,2 millions de manifestants (la police n’en comptait déjà qu’un sur deux puisqu’elle avançait le chiffre de 1,1 million) Chirac dut ravaler sa morgue, annuler le projet. De colère, il dissout l’assemblée et c’est la gauche qui l'emporta !
En 2003, contre la réforme Fillon qui entendait conjointement s’attaquer à la retraite et à la sécu, puis en 2010 sous Sarko, avec Woerth - désormais rallié à Macron - qui revenait à la charge sur les mêmes dossiers. Trois millions de français se sont levés pour s’y opposer. D’après la police ils n’étaient toujours qu’un million, mais enfin les salopards ont été obligés de rengainer leurs armes…
Seulement voilà, Macron se croit plus fort. Je dirais surtout qu’il est plus fou. Totalement fanatisé par son désir de mettre le peuple à sa botte et d’établir un ordre national au seul service d’une élite financière. La France n’ayant pas connu une gouvernance aussi injuste et brutale depuis la fin du dix-huitième siècle.
Las, le contexte a changé. Les gens ne sont plus affamés. Ni affirmés. Des générations ont été cajolées, formatées, endormies par le libéralisme ronronnant qui vous anesthésie et vous pompe en douceur. Mais acceptons-en l'augure, il semble que ceux qui veulent réagir sont effectivement bien plus nombreux aujourd’hui, même si ce sont pour l'essentiel les plus vieux. Sensibles et irrités par les provocations de ce président. Est-ce que cela suffira à établir un rapport de force favorable à la rue des opprimés, mais surtout des indignés ? On en saura un peu plus ce soir, même si en tout état de cause, rien ne sera gagné…
Il faudra plus de nombre, de temps et de bruit pour ébranler celui qui, sur son piédestal, se prend encore pour Jupiter...