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Billet de blog 10 mai 2014

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Afrique du Sud : un électorat qui ne s’en laisse pas compter

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

A écouter ou lire les titres des émissions ou articles consacrés aux élections sud-africaines l’Anc ne méritait pas cette victoire par son comportement de dictature de parti unique. Voilà bien un de ces raccourcis des salles de rédaction  parisiennes qui jugent la démocratie à l’aune de la suffisance de leur pensée néocoloniale.

 Ce sont les électeurs sud-africains qui sont les seuls juges pour connaître les mérites  ou démérites des partis pour lesquels ils devaient se prononcer et peut-on qualifier l’Anc de dictatorial quand il obtient 62% des voix, l’Alliance démocratique 22 % , EFF, le petit nouveau, 6 % des voix, qu’il y aura à l’Assemblé nationale une dizaine de partis représentés et que le parti majoritaire avec moins des deux tiers des élus ne pourra pas légiférer selon son bon vouloir ?

Au cours des émissions, bien peu de présentateurs ont eu le bon sens de rappeler que non seulement l’Afrique du Sud ne connaît la démocratie que depuis 20 ans, mais  que ce pays a connu trois siècles de colonisation et presque 50 ans d’un régime qualifié de « crime contre l’humanité » d’une extrême violence. Que toutes les puissances occidentales ont soutenu ce régime jusqu’au moment où ce soutien était mis à mal par la lutte du peuple sud-africain, soutenu par une opinion publique mondiale réclamant haut et fort la libération de Nelson Mandela et la disparition de ce régime odieux.

S’il faut commenter les résultats de ces dernière élections, le premier constat à faire c’est qu’avec 72% de votants, les Sud-africains ont montré leur attachement à ce droit fondamental d’être libre de choisir ses représentants nationaux ; le second constat est que ces mêmes citoyens ont montré qu’il savait aussi sanctionner un gouvernement qui n’a pas répondu à leurs attente. La perte de 3% des voix pour l’Anc passé de 65 à 62% des suffrages est un coup de semonce. Comme le dit Steven Friedman dans son éditorial du Business Day « les électeurs ne sont pas des imbéciles ».

L’avancée régulière du parti d’opposition le plus structuré, l’Alliance démocratique  qui gagne des soutiens bien au-delà des électeurs blancs et qui garde avec près de 60% des suffrages la direction de la province du Western Cape et devient un opposant sérieux avec 30% des voix dans la province du Gauteng, conforte sa présence dans les deux régions les plus riches du pays.

Le petit nouveau, le Parti des Combattants de la liberté économique, le parti du fougueux Julius Malema, qui devait selon nos journaux bon chic, bon genre, faire trembler l’Anc- un peu de révolution vue de loin donne toujours le frisson aux lecteurs  supposés avides de sensations fortes - fait certes un entrée remarquée en dépassant le million de voix. Mais là encore en rabâchant que ce parti veut nationaliser les mines et exproprier les grandes exploitations agricoles blanches, ce discours n’a pas séduit la grande masse des pauvres supposés suivre les sirènes du populisme comme un troupeau abêti.

Mais ce qui n’a pas été dit c’est que l’Anc va devoir, après les élections, régler ses problèmes internes. Car le danger ne viendra pas d’une opposition certes non négligeable, mais dans l’incapacité de renverser le parti qui a donné aux Sud-africains la fierté d’être libres et de décider seuls de l’avenir de leur pays, mais bien des dissensions internes au parti ou au sein de l’alliance tripartite Anc, Sacp et Cosatu.

Bien peu a été dit sur le fait que pour la première fois neuf syndicats du Congrès des syndicats n’ont pas appelé à voter pour l’Anc parce qu’ils ne sont pas d’accord avec la politique économique menée depuis des années. C’est à cette question majeure  à laquelle il faudra bien trouver des réponses, faute de quoi , l’Anc pourrait bien être fortement bousculé, une fois éteints les lampions des élections et de la cérémonie d’investiture du Président Jacob Zuma.

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