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Billet de blog 21 janvier 2015

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Non, Monsieur Valls, il n’y a pas d’apartheid en France

Les réseaux sociaux et leur avalanche de réactions immédiates nous ont habitué à l’utilisation de formules à l’emporte pièce et à l’usage de mots déviés de leurs sens initial pour  traduire l'émotion de leurs auteurs. Mais de la part d’un premier ministre qui ne parle pas et n’écrit pas à la légère, et qui a de nombreux collaborateurs pour peaufiner ses discours, je trouve stupéfiant l’utilisation du mot « apartheid » pour dénoncer les injustices, les inégalités, la pauvreté, l’exclusion qui accablent une partie de plus en plus grande de notre population depuis des années.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Les réseaux sociaux et leur avalanche de réactions immédiates nous ont habitué à l’utilisation de formules à l’emporte pièce et à l’usage de mots déviés de leurs sens initial pour  traduire l'émotion de leurs auteurs. Mais de la part d’un premier ministre qui ne parle pas et n’écrit pas à la légère, et qui a de nombreux collaborateurs pour peaufiner ses discours, je trouve stupéfiant l’utilisation du mot « apartheid » pour dénoncer les injustices, les inégalités, la pauvreté, l’exclusion qui accablent une partie de plus en plus grande de notre population depuis des années.

 En Afrique du Sud, on n’utilise plus ce mot sauf pour parler du passé ou quand on voit resurgir, trop souvent,  la tête hideuse du monstre qu’était le système d’apartheid qui a pris fin avec l’adoption de la nouvelle constitution en décembre 1996.

 Faut-il ici rappeler ce qu’était le système d’apartheid à ceux qui l’auraient oublié, tout particulièrement à  ceux qui utilisent ce mot aujourd’hui alors qu’ils n’y trouvaient rien à redire il n’y a pas si longtemps ?

 Le système d’apartheid mis en place à partir de 1948 par le parti National qui avait gagné les élections était un système raciste légal d’Etat qui reposait sur des lois fondamentales qui classaient la population à la naissance en quatre grands groupes : les Blancs, les Métis, les Indiens et les Noirs(Registration Act), chaque groupe devait résider à un endroit précis désigné par les autorités (Group Areas Act) et toute une série de lois donnait à chacun les limites de ses droits en matière de logement, santé, éducation, emploi, droit de vote, etc. Chaque moment de la vie d’un Sud-Africain était régi par une loi.  Ce système unique au monde a été qualifié de crime contre l’humanité parce qu’il a déplacé de force, en application des lois racistes, près de quatre millions de personnes (noires, métisses et indiennes).  Tout contrevenant à ces lois se retrouvait en prison, la presse était censurée, toute manifestation sauvagement réprimée. Ce système existe-t-il en France ? La réponse est évidente.

 Ce qui n’empêche pas la France de connaître des bouffées de haine raciste comme nous venons d’en connaître allant jusqu’au meurtre de 17 personnes.  Une fois l’émotion apaisée, nos responsables politiques et les citoyens de ce pays doivent se poser la question de savoir pourquoi la France en est arrivée là. Et essayer de trouver ensemble les solutions et les moyens d’enrayer cette spirale de violence et de haine.

 Utiliser le mot « apartheid » pour désigner notre désarroi face à une situation grave est une entourloupe politique qui joue sur l’émotion. Il  faut appeler un chat un chat et dire sans détour que notre devise liberté, égalité, fraternité a du plomb dans l’aile et qu’il serait grand temps de voir la réalité en face. Non tous les Français ne sont pas égaux. Non tous les Français n’accueillent pas l’Autre, l’Etranger, le Différent d’une main fraternelle. La vie n’a pas le même sens si vous vivez dans un quartier à l’abandon ou dans un quartier chic. C’est  une évidence qui n’a pas  besoin de qualificatif tape à l’œil : la gangrène des inégalités et des injustices sociales qui rongent notre société a besoin avant tout de mesures radicales pour inverser  la courbe du chômage, construire des logements sociaux , donner des moyens à l’école, à la santé, etc. Est-ce enfoncer des portes ouvertes que de dire cela ? Peut-être. En tout cas les portes du vivre ensemble sont fermées depuis trop longtemps et doivent être ouvertes d’urgence par des actes, pas par des excès de langage.

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