A entendre les commentaires après l’annonce de la victoire de Benoit Hamon, on aurait pu penser que la révolution était en marche, que les gueux étaient aux portes de l’Elysée et que la subversion allait anéantir des siècles de civilisation, de raison et d’ordre ancestral qui ont fait de la France la grande nation que l’on sait.
Mais qu’a donc dit Benoit Hamon pour que les commentateurs accrédités s’étranglent d’indignation ?
Il a dit qu’il ne croyait plus dans le dogme qui veut que la croissance crée automatiquement des emplois ; que la révolution numérique chamboule beaucoup des idées reçues sur le travail ; que les jeunes et les plus démunis ont besoin de quoi vivre pour pouvoir envisager l’avenir avec confiance, amorçant une réflexion sur la répartition des richesses ; que toute politique soucieuse de progrès doit préserver la planète.
Il a osé dire qu’il fallait réfléchir sur la légalisation de l’usage du cannabis, qu’il fallait aller plus loin dans la législation pour garantir le droit à mourir dans la dignité ; qu’il fallait que les créateurs voient leurs droits respectés et que la culture ne soit pas la cinquième roue du carrosse d’un programme de gouvernement.
Voilà ce que j’ai entendu, le tout exposé sans gesticulation, sans vocifération, parfois même avec un brin d’humour. Un discours qui nous change des sempiternelles chasses au déficit, du travailler plus pour gagner moins, de l’exhortation à faire ses courses le dimanche et remplir son caddy de cochonneries innommables ; de la guerre aux fonctionnaires, ces planqués qui font tant de mal à la France.
Et insupportable discours pour les défenseurs des droits des femmes, genre Fillon qui emploie sa femme à quelques menues besogneuses grassement payées pour la changer de la confection des confitures, il a osé dire que la loi de 1905 sur la laïcité devait être appliquée avec rigueur et pour tous les citoyens et que cette loi était l’outil pour le vivre ensemble dont tout le monde parle, alors que l’entre soi reste le credo des beaux quartiers.
Benoit Hamon n’est pas le messie, mais faire entendre un message nouveau dans un monde bien sombre où ceux qui promettent de raser gratis demain se moquent comme d’une guigne des paroles creuses qu’ils égrènent à tout va, c’est déjà un vent qui nous ravigote pour oser rêver.