Le projet de loi pour la croissance et l’activité viendra en discussion à l’Assemblée nationale le 26 janvier prochain. Porté par le ministre de l’économie Emmanuel Macron, ce texte concerne des domaines aussi différents que les professions réglementées, le droit du travail, le transport par autocar, les pouvoirs de l'Autorité de la concurrence, l’assouplissement des règles d’urbanisme pour favoriser la libre concurrence des grandes enseignes, l’extension et la banalisation du travail le dimanche et en soirée ou la réforme des prud'hommes.
Derrière cette apparence de fourre-tout, ce texte a en réalité une cohérence : les réformes structurelles qu’il promeut pour s’attaquer aux soi-disant « rigidités » réglementaires sur certains marchés des biens et des services, sur le marché du travail et sur la protection sociale s’inscrivent en effet dans les injonctions de la commission européenne et de la Chancelière allemande. Il s’agit pour le gouvernement de poser de nouveaux jalons dans la voie de la libéralisation et d’envoyer à la fois aux marchés, à Bruxelles et à l’Allemagne, la preuve concrète que la France se réforme.
Car la France, qui depuis la ratification à l’automne 2012 du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) a accepté de placer son budget sous la surveillance étroite de la commission européenne, a senti passer le vent du boulet. Son budget pour 2015 a failli être rejeté par les commissaires européens, le moins sévère n’étant pas le nouveau commissaire aux affaires économiques Pierre Moscovici, nommé cet automne après avoir occupé en France le poste de… ministre de l’économie et des finances. Fin novembre, la commission européenne a donc donné 3 mois à la France pour « prendre des mesures supplémentaires pour assurer un respect de ses obligations au titre de la procédure de déficit excessif pour 2015 » et pour « continuer et accélérer sur la voie des réformes structurelles. » Mais pour Angela Merkel, qui se comporte comme si elle était élue à la présidence française : « la Commission a dit de façon claire que ce qui est jusqu'à présent sur la table n'est pas encore suffisant. »
C’est donc pour satisfaire la vision libérale de l’Europe portée par la Chancelière allemande et la commission européenne que le gouvernement présente ce projet de loi guidé par un seul principe : la marchandisation de toute la société conduisant à son profond remodelage. Il s’agit de considérer les français comme des sujets flexibles ou de simples consommateurs, et non plus d’abord comme des citoyens actifs (y compris le dimanche) et des travailleurs rémunérés correctement parce qu’ils apportent leurs compétences indispensables à la création de richesse. Une vision que je rejette catégoriquement.
Jacqueline Fraysse