Et puis les hommes disent : j'ai mon fusil, pas besoin de médecins... Ils ne pensent pas aux drames causés par ces morts atroces, pour ceux qui restent. Les femmes songent davantage à préserver leurs proches de suicides violents. On leur a aussi appris que la vie n'était que souffrances, qu'il fallait accepter (influence de la civilisation catholique morbide). Toute leur vie, depuis leur enfance, on leur a appris à servir les autres, les hommes en particulier. On leur a appris qu'une femme devait être gentille, dévouée à ses parents, à ses enfants, obéissante à son mari (ça change, mais pour les plus âgées, c'était comme ça). Si en plus elle pouvait apporter un salaire à la maison, pour la famille, c'était l'idéal...
Mais quels métiers pour elle ? D'abord tous les métiers du soin : aide-soignante, infirmière, plus rarement médecin. Les métiers para-médicaux, les métiers de la petite enfance, les métiers de l'enseignement (toujours les enfants!). Il y avait les métiers pour les hommes (glorieux, mieux payés, mais difficiles d'accès pour les femmes) et ceux pour les femmes (peu valorisés, peu valorisants, peu payés...)
Alors quand un homme est malade et va mourir, il a autour de lui sa mère - si elle est encore en vie - , sa femme, sa compagne, sa fille, ses filles, une infirmière... Il est entouré, sa femme tient à lui. Elle craint aussi de ne plus vivre comme avant avec sa pension de réversion ? Fréquent... et compréhensible pour des petites retraites, avec des femmes qui ont sacrifié leur carrière pour leur famille (elles préfèrent voir la vie de leur mari prolongée). Les autres femmes le dorlotent et il en profite très égoïstement, comme d'habitude...
Mais quand une femme âgée (et même pas si âgée que ça) va mourir, quel compagnon - si elle en a encore un - va la soutenir ? Nombre de femmes âgées vivent seules, veuves ou divorcées, quelques-unes sont célibataires de tous temps. Et nombre d'entre eux fuient...
Récemment, j'ai rencontré une jeune femme très malade, qui allait mourir bientôt. Son mari voulait la jeter hors de chez elle pour récupérer l'appartement acheté à deux. Et au lieu de porter plainte (avec quelles preuves ? et pas la force), elle pensait à accélérer sa mort...
Je n'en étais pas là. Mais autrefois, mon mari ne supportait pas que je sois malade (asthme allergique). Il refusait de fumer dehors quand le tabac me rendait malade. J'ai divorcé, il m'a poussée dehors en installant une autre femme à la maison, malgré nos trois enfants encore jeunes. C'est loin... j'ai préféré fuir avec eux. Aucun regret, bien qu'il m'ait dépouillée au maximum... Aucun soutien de ma famille : le divorce était honteux. Ma belle-famille a même poussé jusqu'à rejeter nos enfants... Bien sûr, je connais des hommes qui ont soutenu leur femme ou leur mère, leur fille, dans la maladie et la mort. Mais ils sont rares. Allez faire un tour dans les maisons de retraite et les EHPAD : la grande majorité des résidents sont des femmes... et la grande majorité des aidants sont des femmes.
Une loi qui permettra demain le suicide indolore - ou l'aide active à mourir si on ne peut plus agir seul·e - soulagera de nombreuses femmes qui meurent actuellement dans de longues souffrances avec des médecins qui n'osent pas les aider, même si elles osent le demander. Parce que la loi actuelle leur interdit d'aider activement à mourir. Et qu'ils ne veulent pas compromettre leur carrière pour aider un ou une mourante. On peut les comprendre... même si de rares médecins osent contrevenir à la loi.
Dans les soins palliatifs où on entend : « mais non, il ne faut pas vouloir mourir, on va vous soigner », comprenez : « on va être gentilles avec vous » (encore beaucoup d'aidantes). Mais ce qu'elles veulent, c'est que leurs souffrances de fin de vie se terminent. Et on les empêche de le dire, on refuse de les aider...