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pour des meilleures fins de vie dans le respect des directives du patient, droit à une aide active a mourir

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Billet de blog 5 février 2014

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http://blogs.mediapart.fr/blog/daniel-carre/050114/adaptation-de-la-societe-au-vieillissement

Article de Daniel Carré très intéressant

Bientôt 70 ans, pour le moment active (bénévolat, que faire d'autre à mon âge?), en relative bonne santé, enfants et petits-enfants bienveillants mais lointains.

Je fais partie de ceux qui ne pourront pas payer les services d'un EHPAD, et en plus, je refuse d'aller vivre dans ces pensions/mouroirs où je perdrais toute autonomie... je veux mourir chez moi, seule de préférence, comme je vis depuis longtemps.

Mes enfants ne pourront pas payer pour moi, ils ont déjà du mal à vivre. je les aide comme je peux.

Bien sûr, j'ai écrit mes directives anticipées, j'ai nommé ma personne de confiance, mais pour le moment, les médecins ne les respectent pas forcément, alors?

J'espère une nouvelle loi qui imposera ce respect, y compris pour ceux qui, comme moi, préfèrent la mort à la perte d'autonomie, à la perte de ma conscience.

Je ne pourrai pas non plus payer les services en Suisse pour m'aider à mourir lorsque je penserai que ma fin est proche et que survivre est devenu inutile et source de souffrances morales sinon physiques pour moi. J'espère une mort rapide naturelle, mais sinon, j'espère pouvoir mettre fin à mes jours volontairement, aidée ou non. Mais le pourrai-je ? 

Ma mère (elle va sur 100 ans) s'est résignée à aller en EHPAD, contre sa volonté première, mais comment faire autrement?

On l'a empêchée de mourir à l'hôpital il y a bientôt 2 ans, où nul n'a écouté sa volonté: mourir et rejoindre ainsi son époux de 75 ans de vie commune, puisque, parce qu'elle était vieille, on lui a dénié le droit de penser pour elle-même, alors qu'elle était encore autonome et vivait seule chez elle avant une chute et deux fractures qui lui ont fait subir 8h d'anesthésie à 98 ans. Choc post-opératoire qui aurait dû la faire mourir. Pas étonnant. Elle a subi des traitements qu'elle refusait. On l'a empêché de mourir. Pire, on l'a laissé souffrir de ses fractures! (punition puisqu'elle voulait mourir ? j'en ai eu l'impression...).

Elle a perdu son autonomie, alors pas d'autre solution que l'EHPAD, elle a dû s'y résoudre. Elle a pu rester dans sa ville, selon son souhait, et on s'occupe d'elle aussi bien que possible, mais..

Je vais la voir tous les mois (j'habite à 100km), pas de communication réelle entre nous, sa mémoire est trop flageolante, mon frère vient 2 jours tous les 3 mois (il habite à 500km et "chargé" de famille, un petit-fils handicapé), que faire de plus? Nous, ses enfants, sommes déjà vieux. Combien de temps pourrons-nous nous déplacer pour aller la voir ? Les soignants sont attentifs. Des connaissances, d'anciens voisins, une cousine, la seule restée vivre là, déjà vieux aussi, lui rendent visite. Elle n'est pas isolée, mais ses amis et ses cousins du pays sont morts depuis longtemps, bien avant elle.

Quand on parle du projet de vie que les vieux doivent avoir, le seul projet de ma mère est de mourir et de « enfin » rejoindre son mari. Elle nous a dit et répété inlassablement: "quand je mourrai, vous pourrez dire: elle est enfin heureuse!"

En attendant, elle accepte son triste sort. L'avantage de la perte de mémoire est qu'elle vit l'instant présent. Pas d'angoisse de l'avenir, elle n'a jamais eu d'angoisse de la mort, au contraire. A la campagne, on voit encore les morts. La mort est naturelle, acceptée, chez un « vieux » ou une « vieille ». Le passé? on peut en parler, mais cela ne l'intéresse guère.

Elle n'a pas les moyens de payer, alors on prend sur ses maigres économies, combien de temps? ensuite, on obligera ses 2 enfants à payer...

J'habite en Creuse. On y a construit hardiment de nombreux EHPAD, publics, privés (quelle rente!) selon les normes actuelles: grandes chambres, douche, WC, lavabo accessibles en fauteuil roulant... un luxe que la plupart des creusois, plus souvent paysans, n'ont jamais eu et trouvent inutile. Très peu en réalité se déplacent en fauteuil roulant... les déambulateurs prospèrent. 1800€ pour les moins chers, alors que les retraites ici tournent autour de 500€... alors oui, on a du mal à les remplir. Pourquoi est-il obligatoire de prévoir toutes les chambres pour des handicapés moteurs des jambes ? La majorité de ceux qui ne peuvent plus marcher vont du lit ou fauteuil, déplacés par les aide-soignants, et ont leurs repas servis dans leur chambre, dont ils ne sortent plus. Seuls quelques-uns au cerveau encore actif, sont déplacés en fauteuil roulant, tant pour les repas que pour des activités auxquelles ils participent.

Ceux qui  vont, résignés, dans ces EHPAD, souvent trop grands, concentration trop importante de vieilles (et quelques rares vieux) qui se voient imposer une promiscuité qu'ils n'apprécient guère, des couloirs interminables où l'on se perd, même en bonne santé, paient souvent en vendant leurs biens, pour ceux qui en ont encore, souvent des terres vendues pour presque rien, héritage ancestral ... pour moi, c'est quelque part du vol... les familles dispersées, souvent lointaines, ne peuvent pas grand chose, à part payer, et encore, combien d'enfants chômeurs, sans travail? ou vivant avec une maigre retraite?

On vit très vieux en Creuse, heureusement souvent en forme tardivement, département modèle pour l'Europe quant à l'âge de ses habitants, et à sa ruralité (grande dispersion de l'habitat), image parait-il de l'Europe de 2060...

On y développe toutes les techniques pour aider les personnes à rester vivre chez elles. Tant mieux. Toutes les communes ou presque se dévouent pour l'aide aux personnes âgées, seules et isolées dans des villages dispersés qui se dépeuplent (très large majorité de femmes), pour leur permettre de rester chez elles le plus longtemps possible (c'est le voeu de toutes) et de participer à des réunions, à des activités qui les regroupent régulièrement. Beaucoup de bénévoles pour cela. Innovation, oui, nécessaire, et en cours déjà.

Les fins de vie les plus difficiles sont la plupart celles des femmes et des pauvres ! ne l'oublions pas ! Est-ce pour cela que nos députés et sénateurs « masculins » et « riches » en large majorité ne s'en sont guère souciés, jusque là ?

Inégalité entre hommes et femmes, liée au mode social de vie pour les « anciens » : plus grande longévité des femmes, dont le compagnon était habituellement plus âgé, elles vivent seules en moyenne les 10 dernières années de leur vie. Enfants souvent éloignés, et depuis longtemps, par les nécessités du travail. Habitude des femmes de « soigner » leur mari, qui a pu terminer sa vie pour le mieux, grâce à leur dévouement.

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