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Billet de blog 1 octobre 2015

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Syrie : pas de morale, rien que des intérêts

Alors que les médias nous rebattent les oreilles avec les horreurs qui nous obligent à aller frapper des objectifs en Syrie, les citoyens que nous sommes sont en droit de s'interroger sur les véritables raisons du conflit syrien, sur les arrières-pensées du monde de la finance et du marché de l'énergie, sur les manœuvres de la diplomatie et sur l'attitude des gouvernements impliqués. Peut-on compter sur les médias pour nous les expliquer ? Comment rechercher les bribes d'information crédibles dans le méli-mélo des informations teintées de propagande ?

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Alors que les médias nous rebattent les oreilles avec les horreurs qui nous obligent à aller frapper des objectifs en Syrie, les citoyens que nous sommes sont en droit de s'interroger sur les véritables raisons du conflit syrien, sur les arrières-pensées du monde de la finance et du marché de l'énergie, sur les manœuvres de la diplomatie et sur l'attitude des gouvernements impliqués. Peut-on compter sur les médias pour nous les expliquer ? Comment rechercher les bribes d'information crédibles dans le méli-mélo des informations teintées de propagande ?

L'information officielle suit une ligne facile à repérer : Le président Bachar el-Assad est un despote sanguinaire qu'il faudrait abattre à ce titre-là, et Daesh une organisation immonde extrêmement dangereuse qu'il faut absolument décimer. L'ennui, c'est que les deux sont engagés dans un conflit qui s'éternise, et il faudrait une troisième force, internationale si possible, pour restaurer l'ordre et la paix.

Le moteur de communication, dont on mesure l'efficience par des sondages répétés, joue sur l'altruisme qui nous fait consentir à l'usage de la force : il faut nous protéger et protéger ces populations qui sont écrasées par la guerre, et au passage éviter qu'elles ne déferlent chez nous en trop grand nombre. Et ma foi, cela n'a pas l'air de fonctionner trop mal, au point même que l'assentiment du bon peuple français en vient à dépasser sur cette question ses clivages politiques.

Pourtant, à bien réfléchir, on ne peut pas éviter d'avoir en tête quelques interrogations.

Tout d'abord, chacun se souvient avoir entendu les médias nous chanter un autre refrain : « le printemps arabe »... Oh qu'il était beau cet élément de langage ! Tous l'ont repris en chœur : ON allait instaurer la démocratie dans ces contrées malheureuses et y faire éclore les bourgeons de liberté ! Une série d'états secoués en enfilade par des soubresauts venus spontanément d'une volonté populaire soudaine et autochtone... Un printemps suivi d'un été pourri dont personne n'a de raison d'être fier. Et Daesh, largement issu de cette entreprise de déstabilisation du Moyen Orient, est toujours à l'offensive. Il n'a pourtant pas l'arsenal dont avait pu disposer Sadam Hussein à l'époque où une coalition internationale avait pu rapidement avoir raison de l'une des armées les mieux équipées. Il faut dire que le pétrole du Koweït avait tellement plus d'importance que le sort de centaines de milliers de Syriens !

Chacun a eu l'occasion de s'interroger sur la différence de traitement dont pouvaient jouir les tyrans de la planète, à commencer par Monsieur Poutine qui apparaîtrait de nos jours comme un allié potentiel alors qu'il a, il n'y a pas si longtemps, massacré le peuple Tchétchène ! Le despotisme et la férocité ont-ils jamais forcé l'occident à s'abattre sur un dictateur ? On décide même de refiler les bateaux que l'on a refusé à Monsieur Poutine, à un Monsieur al-Sissi qui vient d'effacer dans son pays les avancées du printemps égyptien. C'est dire !

À examiner les enjeux syriens, il n'est pas difficile non plus de concevoir avec appréhension la complexité de la situation, et toutes les contradictions qui nous préparent un fameux bourbier. A côté des enjeux gaz-pétrole qui opposent la Russie aux "occidentaux", la situation est des plus confuses et n'a finalement pas grand-chose à voir avec une alliance « tous contre le mal islamique ». La Turquie se dit en principe notre alliée contre Daesh, mais ses ennemis sont en fait les Kurdes qui eux combattent réellement l'état islamique. Les Russes se disent prêts à agir contre Daesh, mais cherchent surtout à défendre le régime syrien contre ses ennemis intérieurs qui pour une part d'entre-eux ont été armés par les Américains. Les Européens, à commencer par la France, ne veulent rien faire qui puisse aider d'une quelconque manière Bachar el-Assad, apprécient beaucoup que les Kurdes contiennent les combattants islamiques dont certaines factions – ou ce qu'il en reste – combattent surtout le régime syrien. Et tout ce petit monde est appelé à se coordonner pour éviter les télescopages. On croit rêver ! Si l'on ajoute encore au tableau les enjeux culturels et religieux qui opposent les branches sunnites et chiites de l'Islam, on peut imaginer le danger que représente ce conflit multipolaire. C'est une situation qui sent très mauvais, et en réalité, c'est bien l'odeur des hydrocarbures qui domine.

 À l'approche de la conférence sur le climat, dont les conclusions nous diront immanquablement que la planète gagnerait à ce que l'on laisse le pétrole là où il est - dans le sous-sol - on devrait pourtant comprendre que si l'on acceptait de consacrer aux énergies renouvelables une part des moyens gigantesques que le monde est sur le point de mobiliser pour s'engager dans une guerre, les enjeux essentiels qui sous-tendent le conflit seraient en passe d'être résolus.

 En définitive, ceux de nos concitoyens qui ne se laissent pas bercer par les médias et les mesquineries politiciennes retiennent leur souffle. Nos politiciens ne sont pas plus sages que d'autres, et l'on sait que dans l'histoire, les pays ont souvent choisi la pire des solutions.

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