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Billet de blog 9 juillet 2024

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Par qui passe la volonté du peuple ?

Les médias nous livrent, avec d’abondants commentaires, les grandes lignes des programmes tout ficelés et insécables de quelques leaders-vedettes pour qui voter au travers de leurs vassaux largement méconnus. Et l’électeur doit choisir sans grande confiance dans les promesses qui lui sont faites, souvent moins par adhésion totale que par refus de l’adversaire. On appelle cela la démocratie.

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L’Assemblée, avec ces centaines de représentant élus pourrait logiquement être vue comme une émanation de la population et de ses tendances multiples qui portent sur différents axes : sociaux, culturels, économiques, philosophiques… ce qui constitue une grande variété de choix possibles les différentes options n’étant pas liées les unes aux autres. Comment peut-on alors être amenés à devoir choisir entre des paquets ficelés d’avance où tout serait à prendre ? Peut-on même s’engager dans cette voie sans étouffer la vie parlementaire ?

La gestion d’un pays dépasse largement le cadre des préoccupations des Français telles qu’elles émergent des sondages. Les leaders politiques en font pourtant les carottes qui, assaisonnées de quelques mots épicés pour activer la salive des ressentiments sont destinées à guider le choix des électeurs. On les retrouvera sur les quelques feuilles qui arrivent dans les boîtes aux lettres et qui sont surtout faites pour être lues rapidement et sans effort. Elles font apparaître typiquement la photo d’une figure de proue du parti en arrière plan de son vassal masculin ou féminin, candidat à l’élection mais trop souvent largement méconnu du public.

Les médias ne procèdent pas d’une autre logique. Au travers d’une saga du genre « people » qui agite le monde politique, c’est le tourbillon des petites phrases, des anathèmes, des cris d’orfraie, des avertissements sans nuance, des affirmations malhonnêtes , voire des injures qui imprime la cadence. Mais le plus visible au centre de chaque tourbillon reste le leader. C’est à lui ou à elle que l’électeur va porter ses suffrages avec la plupart du temps une idée très vague de la personnalité du candidat ou de la candidate qui localement se réclame de lui. On remarque que la personne notoirement connue – je pense par exemple François Hollande – a plus de chances d’être en tête qu’un inconnu, ce qui n’est pas surprenant.

Les médias mentionnent à présent sur les « divisions » internes à chaque ensemble parlementaire prétendument constitué. Tiens donc… Va-t-on voir se rompre la ficelle qui devait rendre la panoplie complète blindée contre tout panachage ?

C’est tout à l’honneur des élus que des ne pas sombrer dans le renoncement des conviction. Et c’est d’autant plus vrai que de nombreux sujets devraient rester transpartisans. La fin de vie, l’égalité hommes-femmes, les libertés en matière d’expression et de comportement, les adaptations aux évolutions climatiques, tellement d’autres.

Or il n’y a pas d’allégeance sans renoncement à une part de convictions. Celles-ci ne peuvent se classer dans trois ou quatre catégories de l’hémicycle, mais dans le cœur et l’esprit des 577 députés, et au-delà des 925 parlementaires, un nombre particulièrement important en France comparé aux autres pays, mais qui perd toute justification chaque fois que tout un groupe vote comme une seule personne. Il est logique et sain qu’un conflit de loyauté existe entre l’accord global à un programme et la conviction personnelle.

La marche du monde est assez complexe pour que l’on ne puisse pas envisager de suivre une trajectoire tracée d’avance dans le détail. Il faut s’engager sur une marche dynamique des affaires politiques, avec la souplesse d’adaptation qui s’impose.

Tout au plus, les courants politiques devraient s’identifier non par des résolutions détaillées en forme de promesses dont la tenue est incertaine, mais par un exposé de valeurs et d’objectifs. Il est évident que si l’objectif est « le bonheur et la richesse pour tout le monde », cela n’aurait aucun sens. Tour choix suppose une préférence ce qui sous-tend à la fois une bonification et un abandon. Et il faut être aussi clair sur l’un que sur l’autre.

Tout se joue donc sur une hiérarchie de valeurs. C’est sur la base de cette hiérarchie que devrait se fonder toute tendance politique. C’est sur cette base que peuvent se greffer des études rigoureuses et des simulations à même de faire ressortir les effets réels et les coûts de projets qu’ils soient économiques, environnementaux, d’infrastructure…

Dans une logique infantile de ce qui tient lieu de démocratie, c’est celui qui gagne qui s’impose sans concession. Cela a-t-il du sens ?

Dans une logique mature de démocratie, c’est la synthèse qui prévaut. Ne serait-il pas alors logique que le gouvernement émane du barycentre de l’hémicycle à la condition que la représentation populaire soit respectée non dans un passage en force délétère à court et moyen terme, mais dans la libre expression de tous ses élus ? Pourrait-on imaginer en lieu et place du 49-3 un vote secret transpartisan ?

La France est à présent au pied du mur, et c’est sans doute une chance. Tout est bloqué, ou bien on change de logique.

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