C'est la question qui se pose alors que de la prison avec sursis a été requise – l'affaire est mise en délibéré – à l'encontre d'un juré un peu trop bavard, Thierry Allègre, à l'issue d'un procès en correctionnel au tribunal de Meaux. En avril 2011, il s'était manifesté pour faire état de pressions qui auraient été exercées à l'encontre des jurés par la Présidente de la cour d'assises qui leur aurait notamment interdit de voter blanc.
Or le délibéré des jurés d'assises est protégé par un secret absolu, et les jurés font serment en ce sens.
"Vous jurez et promettez d'examiner avec l'attention la plus scrupuleuse les charges qui seront portées contre X..., de ne trahir ni les intérêts de l'accusé, ni ceux de la société qui l'accuse, ni ceux de la victime ; de ne communiquer avec personne jusqu'après votre déclaration ; de n'écouter ni la haine ou la méchanceté, ni la crainte ou l'affection ; de vous rappeler que l'accusé est présumé innocent et que le doute doit lui profiter ; de vous décider d'après les charges et les moyens de défense, suivant votre conscience et votre intime conviction, avec l'impartialité et la fermeté qui conviennent à un homme probe et libre, et de conserver le secret des délibérations, même après la cessation de vos fonctions".
Rompre ce serment est donc passible d'un procès en correctionnel.
Sans révéler le détail d'un délibéré il arrive pourtant que les personnes qui ont connu l'expérience marquante d'avoir été juré la relatent pour faire comprendre la situation qu'ils ont vécue.
Une série de témoignages « paroles de jurés » a été publiée par Michel Huyette qui nous livre aussi une intéressante analyse sur les raisons du ferme maintien de ce secret.
J'avais repris certains de ces témoignages dans un article paru sur le village de la justice en octobre 2012 « où est passée l'intime conviction »
Il n'est pas possible de nier l'influence d'un Président d'assises sur un jury. Plusieurs témoignages le montrent :
« La deuxième impression très forte, est le professionnalisme du président. Il a réussi à faire émerger les éléments, nous permettant de nous faire une "intime conviction".
« Heureusement que l’intervention du Président a été positive pour prendre ma décision. »
« J’ai apprécié notre relation franche et simple avec le Président bien que celui-ci savait exercer une influence nette sur "l’intime conviction" des jurés ! »
Pour autant, cette influence dépend largement de la personnalité et de la réceptivité de tel ou tel membre. Il n'est pas étonnant que les avis divergent sur ce point et que lors du procès de Meaux, deux témoins aient de leur côté affirmé que leur décision de jurés n'était pas contrainte et « qu'ils ont pu voter en conscience ».
D'après sa longue expérience, Michel Huyette l'explique :
« Pour certains jurés plus susceptibles que d'autres, le fait que le président donne son avis est déjà perçu comme une discutable tentative d'influence. Alors que pour d'autres la même intervention est considérée comme un indispensable élément de leur réflexion. »
Mais il témoigne aussi1 de la maturité des jurés qu'il a rencontrés :
« de nombreux jurés ne sont pas du tout en situation de se laisser mener par le bout du nez, même par un président qui serait tenté de les guider dans une unique direction. …
... dit on constate souvent chez les jurés d'aujourd'hui une maturité et un esprit critique qui faisaient peut être défaut il y a quelques dizaines d'années.
Voilà que devrait nous rassurer
1http://www.huyette.net/article-le-president-de-la-cour-d-assises-influence-t-il-les-jures-62859418.html