Jacques Cuvillier (avatar)

Jacques Cuvillier

Abonné·e de Mediapart

102 Billets

0 Édition

Billet de blog 27 avril 2025

Jacques Cuvillier (avatar)

Jacques Cuvillier

Abonné·e de Mediapart

Une voiture, pas un ordinateur à roulettes

Nous arrivons à un point de rupture : le parc automobile des anciennes voitures, essentiellement mécaniques, à la constitution compréhensible, réparable, touche à sa fin. Bientôt, on n’en trouvera plus hormis des pièces de collection qui rappelleront une époque révolue.

Jacques Cuvillier (avatar)

Jacques Cuvillier

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Illustration 1
Ordinateur à roulettes © ChatGpt

Où est le temps où chacun pouvait, sur le bord de la route, remplacer une lampe de phare ou régler son carburateur ?
Le temps où un mécano ordinaire, avec sa caisse à outils et une revue technique détaillée pouvait accomplir des tâches essentielles, enlever des organes accessibles sous le capot, les remplacer des pièces faciles à identifier et à obtenir ?

Le temps où le simple employé pouvait faire changer l’embrayage de sa voiture et continuer malgré tout à nourrir ses enfants sans les priver ?

Le temps où une voiture pouvait durer aussi longtemps que l’on faisait le nécessaire pour la maintenir en état ?

Aujourd’hui, la guerre leur est déclarée. Pour des motifs divers, sécurité, environnement… Mais au travers de ces bons arguments, ce sont les familles modestes qui sont visées. Bientôt, leurs véhicules ne seront même plus vendables, leur valeur tombera à zéro, ce qui revient à confisquer des millions de voitures, purement et simplement. Mais par quoi les remplacer ? Par de nouveaux modèles réglés par une technologie dite « avancée » qui feront des automobilistes des consommateurs captifs.

Aujourd’hui, l’électronique a tout envahi. Nos téléphones, nos ordinateurs, mais aussi la plupart des objets du quotidien, du robot de cuisine au fer à repasser. En avait-on tellement besoin ? Était-il vraiment utile de faire appel à un microprocesseur pour faire chauffer un fer à repasser ?

Si dans certains cas le recours à des organes programmés numériquement peuvent effectivement apporter un avantage séduisant ou même décisif, on peut s’interroger sur l’impact de ces technologies sur la vie que nous menons.

Leur première conséquence : augmenter les prix d’achat et de réparation

L’électronique augmente considérablement le prix des objets qu’elle équipe. Pour les objets d’utilité impérative, lorsque l’électronique est incontournable, cela tourne même au rançonnage, comme ces appareils auditifs qui sont payés plus de 2000€ par la sécu – donc par les salariés - alors qu’ils sont faits d’une électronique de quelques dizaines d’euros tout au plus. L’électronique est aussi le premier facteur d’obsolescence des appareils domestiques, la plupart du temps au motif que le prix de la réparation approcherait celui d’un appareil neuf. Elle garantit en quelque sorte la non-réparabilité. Cette logique semble maintenant s’appliquer de plus en plus aux voitures.

Pour une voiture, on considère que les équipements électroniques représentent environ 30 % du prix neuf. À ce montant payé au moment de l’achat, il faut ajouter le prix de réparations par un personnel qualifié et un matériel spécifique. Une intervention basique sur un calculateur moteur coûte plusieurs centaines d’euros.

Le graphique1 qui montre l'évolution comparée des prix de réparation automobile et de l'inflation est éloquent :

Illustration 2
réparation vs inflation © ChatGpt

Le prix des équipements dits modernes que la mode a pratiquement imposés s’est envolé de façon vertigineuse. Un simple phare à leds peut coûter jusqu'à 1 600 €, avec une augmentation de 70 % en cinq ans !

Notons au passage que l’électronique n’est pas la seule coupable dans l’envolée des prix. Plus le marché est concurrentiel, et plus les constructeurs investissent dans la publicité, telle que la publicité télévisée qui vous donne l’opportunité de quelques longues minutes pour passer aux toilettes ou d’aller coucher les enfants. Mais elle a une incidence sur le prix : entre 1500 et 2300€par véhicule vendu2

Deuxième conséquence : réduction de la fiabilité

En dépit du fait que la conception des moteurs modernes a réservé de cuisantes déconvenues à bien des automobilistes, on sait que la majeure partie des pannes qui entraînent l’immobilisation du véhicule sont dues à l’électronique. Et ce ne sont pas des pannes qu’un amateur peut régler avec sa clé à molette  ou même sa caisse à outils!

L’électronique ne casse pas mécaniquement, mais elle contrôle presque tout ce qui peut casser. Ses dysfonctionnements peuvent donc entraîner des dégâts importants de la partie mécanique.

Troisième conséquence : L’automobiliste est rendu dépendant

L’automobiliste fortuné ne s’en tire pas trop mal. Sa voiture a la fiabilité du neuf, parfois théorique, mais assortie d’une garantie de plusieurs années, à condition que la moindre entorse aux exigences d’entretien ne vienne pas tout remettre en question.

Pour les personnes modestes, tous les malheurs s’accumulent. Les moyens dont ils disposent les font souvent habiter dans des zones périphériques, avec de nombreux kilomètres à faire tant pour le travail que pour les services et les activités qui sont rarement à la porte d’à côté. La voiture, les voitures même sont indispensables.

Mais ils sont punis. On pourrait croire que tout a été entrepris pour que la voiture engouffre une part déraisonnable du budget familial. Avec l’envolée des prix des voitures et de la réparation, le coût des assurances a bien augmenté. À cela s’ajoutent les frais de péage, de stationnement, de contrôles obligatoires, de consommables, et les interdictions d’accéder aux ZFE vient par-dessus tout cela porter le coup de grâce à l’ancienne voiture réputée polluante, alors qu’elle pèse moitié moins que celles qui ont le bon goût de correspondre à la norme des « bien roulantes ».

L’épée de Damoclès : une simple panne

Elle vient couronner ce sombre tableau : le risque de tout perdre : une simple panne suffit en effet pour que demain, la voiture ne soit plus là.

Au cours des deux dernières décennies, la construction automobile a évolué de telle sorte que les organes sous le capot ne soient plus accessibles sans un démontage souvent complexe et laborieux. Cet état de fait augmente considérablement le prix des réparations, en plus du fait que les pièces détachées conçues et produites dans l’oubli total des vertus des standards d’interchangeabilité arrivent à des prix astronomiques.

Qui peut encore juger de ce qui se passe dans cet espace encombré et complexe ? Beaucoup de professionnels eux-mêmes ont du mal à s’y retrouver, et il est aussi très facile aux moins scrupuleux de raconter au client ce qui les arrange et d’émettre abusivement un avis de décès :

« Votre voiture est morte, le devis de réparation dépasserait très largement la valeur qu’elle pourrait encore avoir ».

Ces paroles désespérantes et parfois dramatiques s’accompagnent d’une proposition de remplacement du véhicule par un contrat qui engagera le client à payer tous les mois une somme qui grèvera son budget pour longtemps et lui fera payer très cher au bout du compte une voiture dont bien des fonctions sont en fait superflues pour l’usage qu’il en fait. Mais il est pris au piège.

1 Source ChatGpt

2 cc37.orgactionjusticeclimatlyon.fr

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.