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Billet de blog 28 août 2025

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Gagner plus sans être moins pauvre

Dans une perspective d’une révolution prochaine, il est tentant de caresser l’idée d’une augmentation du salaire minimum comme ce fut le cas après les « événements » de 1968 . Évidemment, les temps ont changé. L’Histoire ne repasse pas les plats, les revendications de jadis sont aujourd’hui des rêves. Faut-il pour autant désespérer ?

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Illustration 1
La part des pauvres

On sait bien que la répartition des richesses est de plus en plus inégale et injuste du fait même que les personnes qui génèrent notre subsistance et nos biens sont les moins bien lotis, et que les extravagances du monde économique doivent recevoir une sévère correction.

Pour autant, une augmentation générale des bas salaires ne rendrait pas moins pauvres tous les ménages qui ont du mal à joindre les deux bouts. Il faut dire que le système est vicieux comme nous allons voir.

On aurait tendance à considérer que le niveau des rémunérations a une importance déterminante sur la compétitivité et le niveau des prix. Or, cette incidence est MINIME en ce qui relève des faibles rémunérations.

Voyons d’abord quelques chiffres (que l’IA nous fournit sans efforts)

Un salarié sur six est smicard, et un sur trois gagne moins que 2000 euro par mois.

Sur un PIB français de ~3000 milliards, la masse salariale brut globale est de ~1 450 milliards d’euros, soit un peu moins de la moitié. Et sur cette masse salariale, celle qui concerne les smicards est seulement de ~103 milliards d’euros, soit environ 3 % du PIB, celle qui concerne les salariés gagnant moins de 2000 euros par mois est de ~300 milliards d’euros, soit 10 % du PIB.

Il s’ensuit que lorsque vous payez par exemple un objet manufacturé, la part des rémunérations salariales est en moyenne une faible proportion de la note finale, et la part qui concerne la seule fabrication de l’objet est encore inférieure. Une augmentation significative des bas salaires permettrait donc effectivement à bien des gens d’être moins pauvres sans que cela n’ait d’incidence significative sur le niveau des prix.

Alors, pourquoi cela ne marcherait pas ?

1) Parce qu’il est difficile d’augmenter seulement les bas salaires. Le SMIC servant en quelque sorte d’indice de référence, toute augmentation officielle entraîne ipso facto une revendication générale d’augmentation non pas seulement du même montant, mais d’un montant dans les mêmes proportions. Cela fait que les plus hauts salaires seraient finalement augmentés davantage que les plus faibles en valeur absolue.

2) Parce que le système économique où la liberté des prix est érigée en principe réagit avec un automatisme qui ajuste les prix demandés à la profondeur des poches. Il y a la plupart du temps très peu de lien entre le prix de revient d’un objet ou d’un service et le prix pratiqué à la vente. C’est particulièrement vrai pour tout achat impératif, comme des lunettes, des médicaments… Y a-t-il encore des personnes pour s’étonner qu’une simple paire de lunettes se paye plus cher qu’un téléviseur, ou que l’on paye plusieurs milliers d’euros pour une prothèse auditive qui ne comporte qu’un composant de quelques dizaines d’euros ?

Il serait par conséquent bien plus judicieux de réclamer des autorités une pénalisation des tarifs abusifs que de vouloir faire aboutir des augmentations salariales dont l’avantage serait vite effacé par les marchés.

Qu’observe-t-on jusqu’ici ?

De fait, les augmentations du SMIC n’ont pas, depuis des années, donné plus d’aisance aux ménages, bien au contraire. La courbe suivante donne à titre d’exemple l’évolution par rapport au SMIC de deux postes de dépense importants que sont le logement et les transports. On voit que les courbes ( valeurs corrigées des données d’inflation) divergent, ce qui laisse voir que globalement, l’aisance des ménages se restreint de fait à mesure que le SMIC augmente. On pourrait espérer que le dernier infléchissement se prolonge – mais dans un rêve peut-être ?

Illustration 2
Smic et prix © ChatGpt

L’économie libérale a ceci de particulier qu’elle ignore toute notion de morale et de justice. Les citoyens peuvent à la rigueur espérer demander justice pour un délit caractérisé, s’ils peuvent tenir la distance sur le plan judiciaire et si les frais occasionnés ne dépassent pas largement le préjudice subi. Par contre, ils ne peuvent pas invoquer la loi pour contester un prix outrageusement abusif ou une tarification inégale qui avantage certaines catégories par rapport à d’autres comme c’est le cas des acheminements postaux1.

1 https://www.linkedin.com/posts/jacques-cuvillier-2b1a7880_la-grande-disparit%C3%A9-des-tarifs-dacheminement-activity-7348997607614017538-HfiL

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