L'injonction impérieuse, celle qu'on n'a plus le droit de discuter, du même ordre qu'un impératif catégorique, de voter pour Emmanuel Macron au second tour des élections présidentielles, sous peine de complaisance ou d'irresponsablité politique historique, quand bien même l'individu représenterait, pour soi-même et pour bien d'autres un très dangereux et puissant adversaire, est, déjà, sur le mode "soft" qui sied à nos mentalités encore un peu civiles, mais dans une logique néanmoins orwellienne, d'essence doucement totalitaire.
Nous serait donc imposé de nous imaginer "acteurs" d'un étrange théâtre somnanbulique dans lequel chacun jouerait un rôle sans y rien comprendre, conduits par la seule et unique passion peu constructive de la "peur du fascisme". Peur, au demeurant, qui n'a jamais permis, chacun le sait, d'éviter le danger réel.Voter, en somme, sans trop penser, obtempérer sans états d'âme, courbant l'échine devant la loi du grand nombre, dans un affolement à peine dissimulé, et "choisir" volens nolens le "moins pire"(ce qui, dans l'instant, peut sembler avéré), en attendant que le "pire" advienne un peu plus tard; dans l'espoir fou, irrationnel et quelque peu magique, de l'arrivée de lendemains meilleurs où tout rentrerait dans l'ordre habituel et paisible des choses; s'en remettant, peut-être, à une improbable Providence. Qu'appelait-on, autrefois, l'esprit "munichois", autrement dit: la tentation de la défaite?
Le "fascisme", si l'on veut bien le nommer toujours ainsi (sans doute faudra-t'il lui trouver un autre nom plus tendance), le fascisme qui se cristallise sous nos yeux, de façon inédite comme toujours, pourrait correspondre à l'addition des objectifs particuliers de chacun de nos deux champions du néo-libéralisme contemporain (le "Grand Capital" d'autrefois et ses boucs-émissaires commodes qui détournent la conscience de classe). Objectifs de ces deux-là, qui semblent, dans un premier temps, s'opposer, voire se contrarier, mais qui pourraient fort bien, si les circonstances l'autorisaient, devenir facilement complémentaires. Nous est demandé, somme toute, de ne toucher pour le moment qu'aux hors d'oeuvre, en escomptant que jamais n'arrivera le plat principal.
Si Macron devient Président, la lutte à la fois contre sa politique et contre le FN sera plus facile? Le passé récent donne tort à cette gentille affirmation.
Macron élu ne risque pas de restreindre nos libertés autant que Le Pen? Attendons plutôt de voir.
Les démocraties (qui sont, à cet égard, bien faibles, ou bien irréfléchies), n'ont jamais été capables de "faire barrage" à un quelconque "fascisme", quel qu'en soit le nouveau visage.Tout au contraire, elles ont complaisamment servi, à la disposition des totalitarismes, tous les leviers commodes nécessaires à leur pourtant résistible ascension. Un vieux pays comme le nôtre, qui en a vu d'autres, et qui autorise (ou promeut sans complexes, voire s'en réjouit fort inconsidérément) un duel final dans une élection d'une telle importance entre un Macron et une Le Pen avec, en outre, les injonctions inhérentes (et inévitables, tant le mal est patent), mais contraires au libre-arbitre de chacun, a déjà beaucoup perdu, dont la Raison. C'est avant qu'il fallait pleurer, et y "penser"de même. La progression de la maladie étant, comme toujours, insidieuse et peu visible. Chacun pourtant pouvait en lire quelques symptômes inquiétants, dont la progression du FN, la trahison du référendum européen, l'abandon du sort des classes populaires, la répression des manifestations, les brutalités policières, le reniement des gouvernements, les cadeaux faits au grand patronat, et une corruption plus ou moins endémique, sans être générale pour autant: c'est le ressenti qui compte.
Le désastre, ainsi, n'est plus à venir: il est là, et l'Histoire se chargera bien, plus tard, de nous le rappeler.
Que reste-t'il alors, sinon se rassembler se continuer à se battre, comme bon nombre d'entre nous n'avons jamais cessé de la faire? Dieu (s'il est) y reconnaitra (peut-être) les siens.