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Billet de blog 2 novembre 2021

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Ministère de l'Information contre Ministère de la Justice

Il ne viendrait vraiment à l’idée de personne aujourd’hui de rétablir un Ministère de l’Information, supprimé complètement sous la présidence de Georges Pompidou. Ministère aux fonctions sans doute trop explicites.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Il ne viendrait vraiment à l’idée de personne aujourd’hui de rétablir un Ministère de l’Information, supprimé complètement sous la présidence de Georges Pompidou. Ministère aux fonctions sans doute trop explicites. Chacune, chacun, hurlerait évidemment à la censure, à la privation de la liberté fondamentale d’informer et d’être informé, à la propagande. Hurlerait à la main-mise du pouvoir exécutif sur le pouvoir médiatique. Donc, au final, sur les consciences des citoyens.

Soit: cela peut s’entendre. Les médias doivent rester impérativement libres et indépendants. Indépendants de tout pouvoir, de toute pression.

Et, arrivé là, chacun tâche toutefois de ne pas rire trop bruyamment.

Mais alors, pourquoi personne ne s’insurge de l’existence d’un Ministère de la Justice?

La Constitution indique bien que le pouvoir judiciaire doit rester indépendant du pouvoir exécutif. C’est la fameuse théorie de la «séparation des pouvoirs», principe pilier de toute démocratie. Or, et bien entendu, ce n’est absolument pas le cas dans la réalité. Fichue réalité qui brise constamment nos illusions et idéaux…

Les hauts magistrats du siège sont nommés par le Président de la République (par décret), sur proposition du Conseil Supérieur de la Magistrature (CSM). Les autres magistrats sont nommés par le Garde des Sceaux, toujours sur proposition du CSM. Si les membres du CSM sont élus par leurs pairs, le CSM est lui-même présidé par… le Président de la République; le Garde des Sceaux en assurant la Vice-présidence…

Ainsi va le cordon ombilical. Jamais vraiment tranché. On le traîne, mais il nourrit.

Dès lors, nombre d’affaires estimées potentiellement délicates sont-elles «signalées» par les Procureurs Généraux (magistrats du parquet) au Ministère de la Justice lui-même. Ils doivent lui rendre compte de l’évolution des instructions. Celles-ci, dans certains cas, sont donc constamment surveillées. Comme on surveille le lait sur le feu.

Ce fut le cas de l’affaire dite d’Outreau, par exemple, signalée tout au début de l’instruction (2001). Les Procureurs généraux restent donc en relation très étroite avec leur ministère de tutelle. Qui, soit dit en passant, se chargera aussi, sauf pour les magistrats du siège, des mutations, des promotions, etc. Ainsi, Jean-Amédée Lathoud, Procureur Général de Boulogne-sur-Mer au moment de l’affaire sus-nommée, obtiendra-t-il ensuite promotions sur promotions, pour finir sa carrière à la prestigieuse Cour de Cassation. Sans doute s’était-il loyalement acquitté de sa tâche.

Que ne vante-t-on davantage les incomparables mérites d’un tel Ministère? Ministère de la Justice, qui plus est, dirigé maintenant par un ancien avocat «ténor du barreau», l’incomparable Acquittador, devenu, par la malignité de quelques confrères peu charitables Acquittator (jeu de mot de prétoires). Avocat qui construisit comme on sait sa notoriété nationale autour de l’affaire en question.

Rien de choquant là-dedans.

Tant qu’un Ministère de l’Information n’est pas rétabli, tout va pour le mieux.

En sommes-nous bien sûrs?

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