Jacques DELIVRé

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Billet de blog 7 janvier 2023

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L'OPINION PUBLIQUE ET L'AFFAIRE D'OUTREAU (2004-2005).

France Télévision a prévu de sortir pour le 17 janvier une mini-série consacrée à la fameuse, mais un peu ancienne, affaire d'Outreau. On parla beaucoup à cette époque (2004 et 2005), de gens injustement accusés de pédocriminalité, emprisonnés, puis condamnés et, enfin, acquittés sous la pression de la défense (dont Dupond-Moretti, qui eut l'avenir que l'on sait), des médias et de l'opinion.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

L’opinion publique d’aujourd’hui est-elle devenue capable, 20 ans après, d’entendre la vérité ou une partie de la vérité sur l’affaire judiciaire d’Outreau ? Après la sensibilisation autour de la Commission Sauvé sur les crimes de l’Eglise, les enquêtes sur les religieuses abusées par des prêtres, le mouvement Metoo, les affaires Matzneff, Hamilton, Polanski, Duhamel, PPDA, Weinstein, Epstein, etc. Après les travaux (toujours en cours ) de la Ciivise, et de son co-président Edouard Durand, des résultats terrifiants qui apparaissent concernant les crimes sexuels sur enfants?

L’opinion publique est-elle prête aujourd’hui ?

Car la vérité, ce fut d’abord qu’il n’y en eut justement pas beaucoup mais, au contraire, une quantité invraisemblable de mensonges, tous plus énormes les uns que les autres, et qui sont pourtant passés à l’époque comme une lettre à la poste.

Le postulat premier de l’histoire racontée fut que la Justice française ne faisait pas toujours correctement son travail (pour toute une série de raisons) et, surtout peut-être, qu’elle avait cette fâcheuse tendance à exonérer les plus puissants et à punir les plus faibles. Ce que le racontage univoque nous fit croire : nous étions prêts à l’époque à entendre ça. De braves gens de HLM et des environs injustement accusés des pires crimes par la faute d’une mère folle, d’enfants menteurs, d’une experte incapable et d’un jeune juge incompétent.

Ce postulat établi, et admis sans preuve, puisqu’il semblait correspondre à un « ressenti » général accepté par le plus grand nombre, tout le reste de l’histoire racontée semblait s’éclairer et devenir cohérent. Même le plus absurde fut accepté: faire croire que des petits enfants abusés et menteurs du quart-monde suburbain, étaient parvenus à force de malignité, d’astuces et de perversité à mettre à genoux juges, procureurs, enquêteurs ; à tromper experts psychologues, policiers, journalistes.

Comme faire croire aussi, mais les exemples sont légion, que le jeune juge Burgaud, apprécié par tous avant l’affaire, était soudainement tombé sous le charme hypnotique d’une mère de famille perverse et indigne, Myriam Badoui1, qui n’aurait cessé de le manipuler, de lui raconter de terribles sornettes auxquelles, séduit par cette icône du quart-monde de 110 kilos, il accordera un crédit sans faille du début à la fin, entraînant l’instruction dans d’invraisemblables méandres de mensonges et fausses pistes en tous genres…

Comme faire croire que le jeune Daniel Legrand inventera le meurtre sordide d’une petite fille auquel il aurait assisté, pour être libéré et faire exploser l’affaire. Celui que les psychologues décrivaient à l’époque comme un jeune homme « débile vaniteux », métamorphosé donc par la magie du storytelling en génie de la stratégie, sorte de Sun Tzu de HLM. Résultat obtenu: il ne fut pas libéré et cela ne fit que retarder l’issue de l’affaire… Bravo !

Et tout à l’avenant...

Très clairement , le mouvement populaire de masse qui avait gravement secoué la Belgique de l'affaire Dutroux ne devait à AUCUN PRIX se produire en France: politiquement explosif dans ce contexte. On étouffa donc.

Mais, dans la manière de raconter cette affaire, le Tribunal de la Raison avait été définitivement congédié. Très peu à l'époque s'en inquiétèrent.

Et tout cela, même un peu indigeste et bizarre sur les bords quant à l'état sanitaire réel des basses cuisines et des tractations, fut quand même avalé. A force de gavage, matraquage et véritable propagande.

Et aujourd’hui, qu’en serait-il ?

1Le journaliste belge Georges Huercano-Hidalgo, proche par ailleurs en tant que conseiller des producteurs du documentaire sur Outreau  parlait de la « Shéhérazade rose du juge Burgaud » dans son livre. Rien de moins !...

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