OUTREAU , la série ... Episode neuf:« Si t'as un mec qui chiale».
A : Dis-donc, quand même, ils sont pas gâtés dans le Nord avec toutes ces histoires...On pourrait avoir l'impression que, là-bas, la pédophilie...
B : C'est ça, ouais, il n' y a pas de pédophiles à Paris, sans doute, ou ailleurs ?...Ce serait que pour les pecnots, peut-être...On en cause, parce que la série, elle se passe là-bas...Mais ça pourrait être n'importe où et, en plus, dans n'importe quel milieu social...Sauf que les richards, ils sont organisés et mieux protégés sur des trucs comme ça...Tu vois, déjà, dans la série, il n'y a pas que le quart monde pourri dont les politiciens se contrefoutent parce qu'il ne vote plus...Il y a aussi des petits notables, puis un médecin, une infirmière, qui sont passés à travers les mailles d'un filet bien spécial genre à géométrie variable qui ne retient que la petite pouascaille (sauf incident)...Et puis il y a sûrement d'autres fumiers dans la nature...On sait pas encore tout...
A : C'est sûr!...Pov'monde...Bon alors je voulais dire à propos des images... Tu te souviens du documentaire de Chris Marker, Lettres de Sibérie?...
B : Ah! Chris tu nous manques!! Reviens, Chris Marker!...
A : Eh! bien, il y a une séquence géniale! C'est quand il montre une rue dans une ville russe de Sibérie, Vladivostok, un truc comme ça ( Que je sais même plus si c'est en Sibérie...Ah, la géo!..), où tu vois un mec dans la rue avec sa pelle, un terrassier, qui bosse dans une espèce de tranchée, et puis une grosse bagnole qui passe à côté...En off, le commentaire de l'ami Chris qui dit:« Le pays se développe, s'enrichit, on fait de jolis travaux pour montrer que tout est dev'nu moderne, que nous les Communistes, on n'est pas largués, contrairement à c'que raconte complaisamment la presse bourgeoise, et patati et patachose...» Et puis là, tu as la voix toujours off de Chris qui dit allez hop, on se la refait!...Avec les mêmes images, on peut dire tout autre chose...Et il nous rebalance la même séquence, vraiment la même, mais avec un commentaire plus que légèrement différent...: «Malheureusement, les inégalités sociales persistent. Pendant que la classe laborieuse s'éreinte et se fait exploiter ( référence au mec qu'on voit bosser), il y a toujours une bourgeoisie qui profite et s'enrichit ( référence à la grosse bagnole qui passe...), etc». C'est pour bien montrer que c'est le commentaire qui donne la signification de l'image ; que finalement, une image toute seule, contrairement à qu'on croit, ne nous renseigne pas vraiment...Exemple, si tu as quelqu'un qui chiale, ben c'est simplement: quelqu'un qui chiale...Tu sais pas qui c'est, tu ne sais pas pourquoi il chiale,...Peut-être a-t-il perdu son honneur, ou fait pipi dans sa culotte...Tu vois? Si tu n'as pas le propos pour éclairer ta lanterne, tu ne sais pas...
B : Je m'en souviens, maintenant. C'est super intelligent, ce truc...D'ailleurs, j'avais lu des machins comme ça quand je voulais faire journalisme, au début...Ils montraient des photos, par exemple la même photo de la guerre du Viet-Nam où tu vois des soldats américains sur un pont, publiée dans deux journaux avec des légendes différentes...Ça disait complètement le contraire, et c'était pourtant la même photo!!! Dingue! C'est pareil ...
A : Pareil ! C'est le commentaire, ou même la «proximité», le contexte quoi, qui oriente les gens et donne un sens particulier à l'image...Tu vois la manip grosse comme un immeuble hachèlème! Sauf que tu ne la vois pas, justement...
B : En parlant de contexte et de proximité, c'est comme le test psycho avec la photo de l'acteur...On montre à des gens une photo d'un acteur, précédée d'une autre photo, genre un plat super appétissant...Tout ça sur un écran, c'est des photogrammes...
A : Comme fait Chris dans La Jetée, où il n y a que des photogrammes, qui a été repris en film dans L'Armée des Douze Singes, de Terry Gilliam avec...
B : C'est bon, je sais, ça n'a rien à voir... Laisse-moi finir...Après, on montre aux gens une petite fille malheureuse qui pleure et juste après, la photo de mon acteur...Tu me suis?...Comme ça, avec trois choses qui créent une émotion quelconque chez le spectateur, et, intercalées, trois photos du même mec...Eh ben, les gens, après le plat appétissant, ils voient le comédien sourire discrètement sur la première photo, genre: « Miam miam !... »Sur la deuxième, après la petite fille, ils le voient un peu tristounet, genre: « Oh, la pov'pitchounette ! », etc. Alors que le truc dingue, c'est à chaque fois EXACTEMENT la même photo du comédien qui n'a aucune expression!! Incroyable!... Dans la série, les images des téloches qu'on nous montre au moment des procès, c'est comme ça que ça se passe : le téléspectateur est orienté par le commentaire du journaleux !... Exemple, l'huissier Haricot qui pleurniche sur l'écran, que j'ai tout perdu, oin oin, maman !...Que ça peut vous arriver à vous, etc., on y croit parce que le commentaire et le contexte nous poussent à y croire...Imagine si le commentaire avait été : « Regardez le numéro de ouf du pervers number one de la bande ! Il est quand même vachement balèze...On y croit, mais vous laissez pas avoir : en fait, tout ce qu'il vous raconte, c'est que des mensonges...Sa mère était déjà gravement malade, il a pas perdu sa maison et son étude, il les a revendues, il avait de graves problèmes de couple bien avant, etc. Mais pour jouer la comédie et nous balader, là, il est super fort ! Sa souffrance( présumée) est super bien mise en scène. Quel acteur ! J'espère que vous appréciez la performance ! » Résumé : on est totalement influencé par le contexte dans lequel on te met...Comme qui dirait, on prête nos émotions à l'image qu'on voit, si elle est mise en contexte...
A : C'est super bien dit, ce que tu dis!! Pour une fois...
A SUIVRE... ( Prochain épisode:« Le p'tit rapporteur et la grosse commission»).