Extrait de la préface du Professeur Léon Schwartzsenberg au livre de Régina Louf Silence on tue des Enfants, paru en 2002 aux éditions Mols.
Régina est une rescapée de réseaux pédocriminels qui sévissaient en Belgique. Elle fut entendue comme témoin (dénommée X1) dans l’enquête ouverte autour de l’affaire Dutroux. Les gendarmes qui travaillèrent interrogèrent d’autres rescapées, mais l’enquête leur fut retirée. Sans doute, les révélations risquaient-elles de mettre en cause des personnages qu’il ne fallait à aucun prix déranger.
« L’enquête peut être éteinte par la volonté d’autorités qui ne souhaitent pas que la Société , et que le pouvoir auquel ils tiennent tant, soient mis en cause, qu’elle tremble sur ses bases.
Mais que Messieurs les bourreaux ne se sentent pas quitte. Nous connaissons leur nom, et nous savons qu’un jour ils seront châtiés.
D’abord, à tout Seigneur tout déshonneur, au plus âgé, à «Pépère», ancien responsable politique, vous qui l’avez violée et maltraitée dès l’age de deux ans.
A vos côtés (respect pour l’âge), la grand-mère, Cécile Bernaerts, sur laquelle la justice des hommes n’aura plus à s’exercer puisqu’elle a cru être rappelée à Dieu. On ne peut s’empêcher d’être satisfait qu’une telle personne ne soit plus de ce monde. Dommage que l’enfer n’existe pas!
Auprès d’elle, les deux parents, Christiane et Georges Louf, qui, après avoir laissé prostituer leur fille dès son jeune âge l’ont «confiée» à l’âge de 12 ans à un protecteur.
Vous, justement, le maquereau, le souteneur, le tortionnaire, qui entriez dans sa chambre à n’importe quelle heure, parce que vous aviez la clé, Monsieur Antoine V., 40 ans, dit Tony, converti du toilettage des films publicitaires et à l’import-export. Et votre copain, «le représentant», à qui vous avez prêté l’enfant au cours d’une promenade et dont vous avez balancé le nom à la police ?
Et vous tous, qui participiez aux partouzes et qui vous amusiez de la peur des enfants violés : Monsieur le baron B., Maître D., avocat et Monsieur B. marchand d’armes, tout à côté de l’inévitable Tony et de Nihoul dit «Mich» qu’accompagnait son amie car il y avait parfois des femmes et c’était encore plus dangereux, car elles riaient et engageaient les hommes à frapper.
Parmi vous, le fameux baron dit «Rik» qui a sorti un couteau pour menacer la pauvre fille qui allait accoucher et dont l’enfant a été tué à l’arme blanche.
Et vous, le vieux banquier qui accompagniez Clo1 à la fin de sa vie alors que vous saviez qu’elle était condamnée.
Et vous, Monsieur l’avocat radié du barreau, qui avez assisté à l’accouchement de son petit garçon, alors qu’elle avait 12 ans avec trois autres hommes, et qui l’avez violentée pendant ses contractions ?
Et vous, beau-frère du baron, dit «Jo» qui avez forcé le doigt d’une petite fille à appuyer sur la gâchette au cours d’une partie de chasse.
Et vous, Monsieur L., président d’un grand groupe industriel ?
Vous êtes tous connus, répertoriés, membres éminents de la société.
Ce qui domine chez vous tous, grands bourgeois, faux aristocrates, hommes d’affaires, avocats, médecins, ou simples voyous, et que nous débusquerons tous (soyez-en sûrs), c’est votre vulgarité, votre bassesse.
Pas un animal au monde, qui ne pourrait vous donner des leçons de noblesse !
Tous vos noms sont connus, et si nous ne les écrivons pas, c’est pour que vous ne fassiez pas interdire ce livre, en protestant de votre honneur que vous avez tant souillé.
Mais il n’y a pas que les bourreaux, il y a ceux qui les protègent, directement ou indirectement.
Madame V., professeur de néerlandais, qui aviez immédiatement pris le parti des adultes-parents-bourreaux contre une petite fille apeurée. A quoi vous sert votre métier de pédagogue ?
Madame la directrice d’école, qui avez réservé votre compassion aux parents et à la grand-mère à qui vous avez téléphoné devant la victime pour se plaindre de ses affabulations. A quoi vous a servi votre éducation religieuse ?
Et vous, docteur J., médecin de la grand-mère, médecin de famille, qui assistiez les bourreaux, vous avez déshonoré votre profession. Comment s’étonner qu’il y ait eu de tels médecins à Auschwitz ? Comment s’étonner qu’il y en ait en ce moment aux États-Unis, pour aider à la condamnation à mort des prisonniers ?
Au contraire de tous ceux et celles qui ont joué le rôle de frein lors de l’enquête- Monsieur S., Procureur à Gand, Monsieur V., Juge d’instruction, Madame S., Substitut de Bruxelles, Madame le Procureur général à Liège, le Commandant de gendarmerie D., Madame D., Juge d’instruction-honneur à tous ceux qui se sont efforcés de faire connaître la vérité, qui ont fait honneur à leur profession et au peuple belge :
-Honneur à Jean-Marc Connerotte, juge d’instruction à Neufchateau, grâce auquel deux petites filles ont été retrouvées.
-Honneur à Michel Bourlet, procureur à Neufchateau qui a permis en outre de reprendre rapidement Dutroux après son évasion, grâce à l’annonce rapide que son arme n’était pas chargée.
-Honneur au magistrat national Van Dooren.
-Honneur au gendarme Patrick De Baets, qui a mené les premières auditions, et aux autres gendarmes : Aimé Bille, Rudy Hoskens, Michel Clippe, Stéphane Liesenborgs, Christian Pirard.
-Honneur au président de la commission d’enquête publique parlementaire et à tous ses membres.
-Honneur à un psychiatre, Marc Reisinger, qui a choisi dès le début le parti des victimes.
-Honneur aux journalistes du Morgen (Douglas De Coninck, Annemie Bulté) et de Télé-Moustique (Jean-Marie Van Heeswijck), qui ont décelé très vite les failles de l’instruction et qui poursuivent leur œuvre salutaire.
-Honneur au professeur Igodt, qui, à la tête d’un Collège de psychiatres, a affirmé, (contrairement au désir de nombreux enquêteurs) que Régina Louf n’était pas folle, qu’elle était saine d’esprit et qu’on pouvait croire ce qu’elle disait.
-Honneur à Madame Bye Heyse, qui a écouté, aidé, soutenu une patiente presque détruite par ses jours passés, qui lui a permis de revivre et qui fait honneur au beau métier qu’elle exerce : médecin.
-Honneur à Tania, l’amie qui a poussé X1 à témoigner et qui l’a chèrement payé.
-Honneur à Poffie, le chien, à Tasja, la jument, à tous les animaux auprès desquels une enfant perdue a pu retrouver une tendresse inconnue des adultes qui l’entouraient.
-Honneur à Erwin2, qui a montré que l’amour et le courage étaient plus forts que le crime et les assassins organisés.
-Honneur à tous ceux sur cette terre qui, contre ceux qui disposent du pouvoir et de l’argent pour étouffer la vérité, font entendre leur voix, parce qu’elle est celle de la justice.
-Honneur au peuple belge qui va obliger la magistrature à instruire le dossier de ces réseaux d’assassins, jusqu’à obtenir la condamnation de tous les participants à ces crimes.
-Honneur au peuple belge qui le fait au nom de tous les enfants qu’il tutoie dans son coeur et qu’il appelle secrètement par leurs prénoms : Julie, Mélissa, Elisabeth, An, Eefje, Loubna, Kim, Ken, Clo, C., et tant d’autres...qui réclame justice pour l’innocence bafouée."
Léon Schwartzenberg.
1Amie de Régina.
2Compagnon de Régina, qui parvint à la sortir de ces terribles réseaux pédocriminels.