Interrogé par nos soins sur ce que l’on nomme désormais l’affaire Bétharram, François Bayrou m’a bien confirmé, les yeux dans les yeux, qu’il n’était au courant de rien du tout de ce qui pouvait se passer là-bas.«Sinon, ajouta-t-il, vous imaginez bien que je serais immédiatement intervenu, en tant par exemple que Ministre de l’Éducation Nationale, et Président du Conseil Général en charge de la Protection de l’Enfance».
Il développa: «A l’époque des faits présumés, je me consacrais entièrement, comme c’était mon devoir, à ma région et à mon département. Être présent, quotidiennement, auprès de mes concitoyens, et pas simplement de ceux qui m’ont fait l’honneur de m’accorder leurs suffrages. La vie politique, c’est beaucoup de sacrifices et d’abnégation. Alors peut-être, sans doute, en y réfléchissant, quelques rumeurs concernant ces choses auraient pu parvenir jusqu’à la porte de mon bureau. Mais je travaillais beaucoup, il faut bien dire. Et puis, une rumeur n’est qu’une rumeur… Si vous saviez ce que j’entends!… Les gens sont méchants. Ils s’ennuient, surtout en Province, et doivent bien s’occuper. Je suis fier cependant de ne pas avoir accorder crédit à la plupart de ces choses...»
Je me permets alors de l’interroger sur d’autres affaires, où il pouvait être question aussi de «pédocriminalité institutionnelle», comme possiblement dans l’Église catholique. Il sembla quelque peu troublé en me déclarant d’emblée qu’il ignorait le sens exact de l’expression, qui lui semblait étrange.
De l’affaire belge Dutroux et de l’affaire française d’Outreau (dont la CIIVISE avait dit dans son rapport qu’elle avait eu pour effet d’«arrêter la pensée et même la possibilité d’en parler»). Il n’en conservait aucun souvenir particulier, démontrant par là et bien malgré lui, qu’il était vraisemblablement atteint de cette terrifiante maladie évoquée par la CIIVISE d’«arrêt de la pensée».
Il est vrai aussi que, dans sa longue carrière politique, toujours très occupé par des tâches d’importance auxquelles il était constamment tenu de faire face, le malheureux François ne pouvait s’occuper de tout, ni même penser à tout.«Alors, me dit-il, vous imaginez bien que ce que pouvaient raconter les médias de l’époque, hein?!» Tout occupé aussi à peaufiner, grâce aux médias pourtant, son image d’homme politique modéré, sage, démocrate, profondément républicain, ouvert, attentif...
Ceci étant, l’entretien terminé, j’ai trouvé que François Bayrou, devenu comme on sait Premier Ministre de la République, avait gagné un peu de ventre et perdu un peu d’assurance. Il semblait fatigué. Certes, la fonction est usante. Regardez Elisabeth Borne.
Enfin, je lui conseille de ne pas oublier de noter qu’il ne faut pas oublier de prendre rendez-vous chez un neurologue pour ses oublis. Il y en a d’excellents à l’Hôpital de la Salpétrière à Paris. J’en ai moi-même consultés, mais je ne me rappelle plus quand.