Jacques DELIVRé

Abonné·e de Mediapart

133 Billets

0 Édition

Billet de blog 21 janvier 2023

Jacques DELIVRé

Abonné·e de Mediapart

AFFAIRE D'OUTREAU ET TELEVISION FRANCAISE.

La télévision française a menti effrontément, utilisant pour ce faire, l'argent public. J'apporte ici une des preuves de ces mensonges.

Jacques DELIVRé

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

L’AFFAIRE D’OUTREAU PAR LA TELEVISION FRANCAISE :

MENSONGES EN SERIE .

(Mentir par omission est la meilleure façon de mentir : cacher ce qui ne doit pas être vu, taire ce qui ne doit pas être su. Exemple tiré de la mini-série Outreau, début épisode 3, Le meurtre d’une petite fille belge.)

D'abord, dans la série télévisée, lecture intégrale de la lettre envoyée au juge Burgaud par Daniel Legrand. Faite par le comédien incarnant le Juge.( la restitution est fidèle).

Audition ensuite de Legrand :

Le Juge : « Vous confirmez ?

Legrand : « Je confirme. Ça s’est passé chez Myriam et Thierry1. Thierry revenait de Belgique avec un vieux monsieur belge qui était un de ses copains. C’était un monsieur assez grand, avec, heu…, à peu près un mètre quatre-vingt, avec des cheveux gris[ très nombreuses coupures] et puis il y avait une petite fille… Elle devait avoir 5,6 ans, pas plus hein !...Avec...elle était brune avec des cheveux frisés, et le teint bronzé [Très nombreuses coupures]. Et pis elle avait un pyjama bleu ciel et des baskets blanches. »

Ici, intercalé, commentaire de Daniel Legrand aujourd’hui.(« J’ai inventé, dit n’importe quoi, etc. »)

Reprise de l’audition :

Daniel Legrand : « [Après de très nombreuses coupures ici]... Et voilà, quoi… C’était...Ah… J’étais tellement choqué que j’suis parti juste après. »

Le juge, l’air satisfait : « Merci Monsieur Legrand. 

Fin audition de Daniel Legrand.

(Remarque : l’audition réelle de Daniel Legrand fils remplit plus de quatre pages dans le dossier réel).

Ici, reprise du commentaire de Daniel Legrand («  J’ai tout inventé, ça m’a libéré en fait, etc »).

Puis, commentaire de Maître Rangeon, son avocat (« Je reste abasourdi, stupéfait, etc »).

Ensuite, toujours dans la série, audition de Myriam Badaoui :

Le juge Burgaud : « Je vais vous lire le courrier de Daniel Legrand fils. »

Ici, reprise du commentaire de Rangeon (« Dès le début de l’audition, le juge Burgaud décide, d’une manière tout-à-fait inattendue, de donner lecture… Myriam Badoui va confirmer, c’est une actrice, elle en rajoute... etc. »).

Puis, commentaire de l’avocate Roy-Nansion ( l’air savant :« [cette lecture] c’est une erreur fondamentale ! Il aurait pu… heu… je sais pas… Enfin si, je sais : Madame, est-ce que là, y a des enfants qui ont été violés, est-ce qu’un enfant a été assassiné ? [Sic !!].

Reprise, de l' audition de Badaoui :

Le juge Burgaud : « Madame Badaoui, les faits décrits dans ce courrier, ils sont exacts ? C’est la vérité ? »

Ici, reprise du commentaire de Daniel Legrand aujourd’hui.

Reprise de l'audition de Badaoui:

Badaoui , se tournant l’air gêné vers son avocate: « Heu...je...oui…, oui, c’est la vérité. D’abord, j’étais attachée, je pouvais rien dire… Le vieil homme il est grand, les cheveux blancs, mais pas devant, et la petite fille elle a des couettes, elle a un jogging bleu…[ Très nombreuses coupures].

Ici, reprise du commentaire de Rangeon.

Reprise de l'audition de Badaoui :

Badaoui:« Alors la petite fille elle bougeait plus. Et mon mari, il a pris un drap, un drap que j’ai à la maison, avec des...heu...des grandes fleurs roses et des petites fleurs violettes, et il a enroulé la petite fille dedans [Coupures encore] »

Fin audition Badaoui.

Remarque : dans l’audition réelle, les propos de Badaoui remplissent trois pages du dossier d’instruction.

Rien sur la présence de François Mourmand, mentionnée par les deux accusés. Rien sur l’audition de Jonathan Delay, qui confirme.

Redevenons sérieux, et consultons le dossier d’instruction dont les réalisateurs de la série télévisée nous ont dit qu’il avaient scrupuleusement retranscrit les PV d’auditions, sous l’oeil expert de Gilles Antonowicz, avocat, et conseiller de la série.

Pour les lecteurs les plus courageux, et curieux, extrait de mon prochain livre sur le meurtre , avec cette fois la retranscription fidèle des pièces originales:

ANNEXES

« Un mensonge peut faire le tour du monde le temps que la vérité mette ses chaussures. »

Proverbe.

La lettre2 de Daniel Legrand fils, envoyée spontanément au magistrat :

"Monsieur, Je vous fait part de ce courrier, pour vous faire de nouvelles révélations concernant cette affaire. Je vous faire [sic] ces révélations car je ne supporte plus de garder cela au fond de moi. Mais je ne voudrais pas endosser la mort d’une fillette, alors que je n’ai été que simple témoin. En effet en 99, je me trouvais chez les Delayes, quand Thierry Delaye et un vieux messieur sont arrivés accompagnés d’une petite fille de 5 à 6 ans, et sois disant belge d’après Thierry. Je crois que le vieil homme aussi belge et connaissait l’enfant, car elle lui tenait la main. Le vieil homme à abusé de la petite, mais la petite a hurlé, et c’est là que Thierry la battue à mort à la tête. Il avait même filmait, mais après ce drame il a débobine la bande de la cassette, et la détruit. Thierry m’a fait des menaces de mort. J’avais peur qu’il s’en prenne à ma famille. J’avais peur de ceux que j’avais vu. Thierry et le vieil homme ont emmené la gamine le soir très tard mais moi j’étais rentré chez moi. Le reste Thierry s’expliquera avec la justice. Je ne peux vous en dire plus, mais sachait qu’après avoir été perturbé par cela, je me porterais mieux soulagé d’avoir parlé. Je ne demande qu’une chose que la justice protège ma famille et j’espère un jour pouvoir me reconstruire. Dans l’attente de vous voir, sachais que plus rien ne sera cachais dans cette affaire. Recevais mes respects Legrand".

Dès que le magistrat reçut la lettre de Legrand, il le convoqua, comme il convoqua ensuite, dans l’après-midi, Myriam Badaoui. Rappelons, si c’est nécessaire, que ces deux témoins, placés en détention dans des prisons différentes, ne disposaient d’aucun moyen pour communiquer. D’ailleurs, pourquoi auraient-ils accordé leurs violons pour une affaire gravissime qui les mettait en cause tous les deux ? Cela ressemble plutôt furieusement à des aveux.

Interrogatoire de Daniel Legrand fils

Par Fabrice Burgaud le 9 janvier 2002 après la révélation du meurtre d’une petite fille. (cote D1093)

Présents : F. Burgaud, juge d’instruction, P. Duval, greffier, Me Rangeon, avocat.

QUESTION : vous avez écrit une lettre au magistrat instructeur aux termes de laquelle vous révélez que Thierry DELAY aurait battu à mort une petite fille. Confirmez-vous vos révélations ?

RÉPONSE : Oui.

QUESTION : Pourriez-vous nous expliquer ce qui s’est précisément passé ?

RÉPONSE : Ça s’est passé chez Thierry et Myriam DELAY à OUTREAU, dans leur appartement. Il y avait Myriam, Thierry revenait de Belgique et un vieux qui était un de ses copains. Je ne sais pas exactement si la petite était de la famille du vieux monsieur, mais il la tenait par la main lorsqu’ils sont entrés chez Thierry et ils avaient l’air de bien se connaître. Le vieux monsieur devait être belge.

C’était quelqu’un d’assez grand, peut-être 1 mètre 80 avec des cheveux gris un peu dégarnis. Il avait la soixantaine à peu près. Il ne portait pas de lunettes ni de moustache. Je n’ai pas entendu son nom ou son prénom et je ne sais pas s’il avait un surnom. Je ne pourrais pas vous dire s’il filmait. Moi-même j’avais fumé du shit ce jour-là. La petite fille était âgée de cinq, six ans. Elle était brune. Elle avait des cheveux frisés assez courts, le teint bronzé. Je ne pourrais pas vous dire si elle portait des bijoux ou autre chose sur elle. Je n’ai pas entendu prononcer son prénom. Elle était habillée d’un ensemble de pyjama de couleur bleu ciel. Elle avait des petites baskets blanches. Elle avait une petite culotte de couleur blanche et je me rappelle que quand le vieux l’a pénétrée elle a saigné. Quand elle est arrivée, je sais qu’elle était assez sale. Elle avait comme de la boue sur ses vêtements. D’après Thierry elle est belge comme le vieux monsieur. C’était la première fois que je la voyais. Ça s’est passé dans le salon. Il y avait encore des copains à Thierry qui étaient présents. Eux aussi étaient méchants et violents. Il y avait François Mourmand qui était présent. Il a assisté, pareil que moi. Il y avait beaucoup de têtes que je n’ai aperçues dans les albums que vous m’avez montré.

Au départ il y avait les enfants à Myriam mais elle les a sortis quand ça s’est passé. Ça s’est passé au soir, en début de soirée vers 7 ou 8 heures. Moi, il y avait peu de temps que j’étais arrivé lorsque Thierry DELAY, le vieil homme et la petite fille sont également arrivés chez Myriam. Quand je suis arrivé, il y avait déjà pas mal de monde mais moins que d’habitude. Thierry DELAY et le vieil homme sont arrivés en voiture, avec une voiture noire, une grosse voiture un break ou quelque chose comme ça. La voiture était immatriculée en Belgique je pense. Le vieil homme a déshabillé la petite fille entièrement et a enlevé son pantalon et son caleçon entièrement. Je me souviens qu’il avait gardé le haut. Après avoir déshabillé la petite fille, il l’a pénétrée avec son sexe pendant que Thierry DELAY filmait avec un caméscope. Le vieil homme était plutôt bien habillé, il avait un pantalon en toile de couleur noire avec des chaussures de ville de couleur marron je crois, un caleçon. il avait un pull dont je me souviens plus la couleur et une veste qui allait avec le pantalon. Je ne souviens plus s’il avait une chemise sous son pull. Il avait retiré sa veste mais gardé son pull pour pénétrer la petite fille. La petite fille hurlait. Quand ils sont arrivés elle hurlait déjà. Thierry ne supportait pas qu’elle hurle et lui disait de se taire. Il lui mettait déjà des petites claques. C’était dans le salon de M. et Madame DELAY. Moi, je me rappelle, j’étais assis dans le canapé. Il faisait ça par terre sur la couverture. Pendant que le vieil homme violait la petite fille, Thierry DELAY, après avoir posé son caméscope par terre, s’est jeté sur la petite et l’a frappé avec ses mains au visage et sur la tête. Je me rappelle quand elle est morte, elle est devenue toute bleue. Elle saignait de la tête, près de l’oreille et un peu partout, elle saignait de l’oreille, du nez et d’un peu partout. II l’a frappée tellement violemment quand elle est morte juste après. À la fin Thierry lui mettait des gifles et elle ne bougeait plus. Thierry s’allongeait si elle était encore vivante et si elle respirait mais, rien à faire, il s’apercevait bien qu’il était trop tard et qu’elle était morte. Quand Thierry a frappé violemment la petite fille le vieil homme s’est arrêté et s’est demandé ce qu’il se passait. Il s’est tapé l’embrouille avec Thierry. Ils étaient prêts à en venir aux mains mais le vieux a laissé tomber car il voyait bien qu’il ne faisait pas le poids face à Thierry. Ils se sont échangés des mots, mais ils ne se sont pas battus. Tout le monde pétait les plombs et Thierry DELAY s’acharnait sur tout le monde en disant de ne pas le dire et menaçait tout le monde de mort. Il me disait que j’avais intérêt à oublier ce que j’avais vu sans quoi sinon il m’aurait tué, il m’aurait fait la peau. C’est là qu’il a dit que ça serait dangereux pour moi si je parlais mais je ne dors plus à ma conscience tranquille et maintenant je me sens protégé de lui vu que je suis en prison. Myriam quand c’est arrivé a traité Thierry de tous les noms. Elle lui a dit “qu’est-ce que t’as fait ? T’es pas cinglé ?“. Elle lui a également dit plein de gros mots comme “gros bâtard, espèce d’enculé.“ Thierry insultait pareil mais commençait peut-être à réaliser ce qu’il avait fait. Il était agressif avec Myriam. Thierry et Myriam ont enveloppé le corps de la petite fille dans un sac de couchage ou quelque chose comme ça de couleur rouge. Thierry et le vieux disaient d’attendre qu’il fasse bien nuit. Thierry disait qu’il connaissait un endroit pour apporter le corps. Je ne sais pas où c’était mais lui pourrait vous le dire ou bien le vieux. Quand c’est arrivé, peu de temps après je suis parti. C’était à la fin de l’année1999 après mes faits en Belgique pour mes chèques qui ont eu lieu en septembre 1999. C’était peut-être en octobre ou novembre 1999. François Mourmand me menaçait aussi à mort si je parlais et comme je sais qu’il a une famille violente et très dangereuse, j’avais peur. C’était violent chez Thierry quand on y allait mais je ne pensais pas qu’on serait arrivé à ce point-là.

QUESTION : Savez-vous ce qui est advenu de la couverture sur laquelle le vieil homme belge a emballé la petite fille ?

RÉPONSE : Non. Ils s’en sont peut-être débarrassés. Elle avait plusieurs couleurs mais je ne sais plus exactement lesquelles. En fait elle était multicolore. D’ailleurs le sac de couleur rouge avec lequel a été enveloppé la petite fille, je ne l’ai plus revu. Je pense qu’ils ont dû s’en débarrasser.

QUESTION : Pour quelles raisons n’en avez-vous pas parlé à la police ou à la gendarmerie ?

RÉPONSE : Je ne pouvais pas même si ça n’était pas facile. Je tenais à ma vie.

QUESTION : Avez-vous parlé de ces faits à d’autres personnes ?

RÉPONSE : Non : j’ai toujours gardé cela pour moi malgré que ce n’était pas facile. J’y repensais de temps en temps mais j’avais peur. Il faut savoir que Thierry DELAY connaissait du monde. Il est venu me voir après les faits pour me menacer. Il m’a déjà interpellé dans la cité lorsqu’il me voyait tout seul pour me dire de ne pas dire un mot et que j’avais parlé ou quoi, il m’aurait tué.

QUESTION : D’autres personnes vous ont-elles menacé ?

RÉPONSE : Il y avait Thierry DELAY, François Mourmand et certains de ses copains qui étaient là le jour des faits. Encore après l’interpellation de Thierry DELAY, ils rôdaient autour de moi. Je sentais bien leur présence. Quand ils me voyaient tout seul ils me disaient que je n’avais pas intérêt à parler, qu’ils me tueraient et qu’ils me feraient la peau. Il leur est arrivé de me prendre par la gorge assez violemment. Quand j’étais avec du monde ils ne faisaient rien. Je les apercevais qu’ils passaient mais ils voyaient bien que j’étais entouré.

QUESTION DE MAÎTRE RANGEON : Vous avez adressé une lettre à un journaliste de France 3 dans laquelle vous révélez les faits que vous venez de relater. Pour quelle raison avez-vous envoyé une lettre à France 3 ?

RÉPONSE : Tout simplement parce que je ne veux rien cacher.

SPONTANÉMENT LA PERSONNE MISE EN EXAMEN : Je demande la protection de la justice, surtout pour ma famille. Thierry DELAY connaît encore beaucoup de monde à l’extérieur. Je ne connais pas leur nom mais je pourrais les reconnaître pour certains d’entre eux.

Extrait de l’interrogatoire de Myriam Badaoui

Par Fabrice Burgaud le 9 janvier 2002 après celui de Daniel Legrand fils. (cote D1097)

Présents : F. Burgaud, juge d’instruction, P. Duval, greffier, Me Pouille-Deldique, avocate.

Il faut préciser que le juge Burgaud lit d’abord à Badaoui la lettre de Daniel Legrand reçue par lui. Ce qui signifie que Myriam Badaoui, avant de témoigner, dispose de quelques informations, soit :

La date approximative, le lieu, les protagonistes ( Delay lui-même, petite fille de 5 ou 6 ans, vieux monsieur belge). Les circonstances : la petite fille a été violée puis assassinée3.

On constatera que, dans ce qui suit, Myriam Badaoui reprendra en effet ces éléments, mais en y ajoutant de nombreux détails qui ne figuraient en rien dans la lettre de Legrand fils.

QUESTION : Les faits relatés brièvement par M. Daniel LEGRAND fils dans son courrier reçu le 9 janvier 2002 sont-ils vrais ou ont-ils été inventés ?

RÉPONSE : C’est la vérité,

QUESTION : Pourriez-vous nous préciser comment se sont déroulés les faits ?

RÉPONSE : J’étais attachée et je ne pouvais rien faire. Un monsieur belge et mon mari ont ramené une petite fille. Le monsieur belge était âgé d’une cinquantaine d’années peut-être. Il avait les cheveux à tirer sur le blanc et il était un peu dégarni sur le devant. II était plus grand que moi qui mesure 1,58 mètre et il n’était pas gros. Ils ont frappé à la porte et ils sont entrés avec la petite fille.

Elle était brune avec la peau bronzée. Elle avait deux couettes. Elle était habillée d’un jogging bleu, un haut et un bas. Le bas était simple et le haut portait un petit lapin blanc. Elle portait des chaussures comme des tennis rouges avec des dessins fantaisie dessus. Elle n’avait pas de boucles d’oreilles. Elle a été dans la chambre de Dimitri jouer un moment. Après le monsieur l’a appelée et elle est venue. Il lui a demandé de se déshabiller mais elle ne voulait pas. Il l’a déshabillée avec mon mari. Mon mari lui a demandé de se mettre à quatre pattes sur le clic-clac. Elle ne voulait pas, alors mon mari l’a frappée. Il a sodomisé la petite fille. François Mourmand a également pénétré la petite fille par-derrière. Mon mari et François Mourmand pénétraient la petite fille avec leur sexe et des godemichés. Le monsieur a pénétré la petite fille une fois et elle hurlait car elle en pouvait plus. Elle saignait au niveau du sexe et elle hurlait et mon mari la frappait. Le belge l’a pénétrée par-derrière et mon mari l’a frappée encore plus. Il y a des choses qu’elle ne voulait pas faire alors mon mari l’a rouée de coups et elle est tombée par terre. Elle ne voulait pas faire des fellations, elle voulait toujours retourner chez elle et elle réclamait toujours sa maman. Mon mari lui a donné des coups de pied. Mon mari a. fait pipi dans la bouche de la petite fille. Elle hurlait tellement que mon mari l’a rouée de coups au niveau du corps et de la tête. Je lui ai dit d’arrêter mais il m’a répondu “toi, tu te tais ou sinon tes enfants y passent aussi”. La petite fille ne bougeait plus ; Elle commençait à cracher du sang par le nez et par la bouche. J’ai voulu appeler le médecin YYYYYY car c’est le médecin qui est impliqué dans les viols4. Mon mari n’a pas voulu qu’on appelle le docteur YYYYYY. Ils se sont disputés. François MOURMAND a dit je ne suis pas impliqué dans le meurtre et il n’était pas prévu que Thierry DELAY tape sur la petite. Mon mari a pris un drap à fleurs de couleur rose avec des petites fleurs violettes dans l’armoire et il a recouvert le corps de la petite fille. Il a enroulé le corps de la petite fille dans le drap. Mon mari, Mourmand et le monsieur belge qui était venu avec la petite fille a demandé à Daniel LEGRAND fils de les aider mais il est parti. M. Mourmand, le monsieur belge qui avait ramené la petite fille et mon mari sont partis avec le corps de la fillette. Je ne sais pas ce que mon mari, M. Mourmand et le monsieur belge ont fait du corps. Je n’ai jamais revu le drap avec lequel ils avaient recouvert le corps. Comme je hurlais et je criais mon mari m’a frappée et m’a menottée dans mon lit avant de partir. Mon mari m’avait menacé de ne jamais parler de ces faits et que si on en parlait, on pourrait tous y passer les enfants et moi, qu’il était capable de tout et que ça ne lui faisait pas peur. C’était en 1999 mais je ne me souviens plus de la date. Je sais que ça s’est passé en soirée. Lorsqu’il est parti, Daniel LEGRAND fils était tout blanc, il n’était pas bien. Il n’avait même pas le droit de parler. »

Mais Myriam Badaoui, dans une audition ultérieure, précisera son témoignage en ajoutant :

« Zaya je sais qu’elle s’appelle comme ça car Daniel Legrand père l’appelait comme ça. Il avait l’air de bien la connaître et lui tenait toujours la main. Elle avait des cheveux assez longs et elle m’a demandé de lui faire des couettes. »5 

Cela pourrait alors vouloir dire que Daniel Legrand fils a, en effet, "inventé" sur certains points, par exemple pour nier la présence possible de son propre père le soir du meurtre. Dans le but de le protéger, bien entendu.

Enfin, Badaoui écrira au juge Burgaud, à la fois pour se plaindre des conditions de détention, et pour tout confirmer 6:

« Je dois être jugée, mais attention : pour ce que j’ai fait et non pour ce que les autres ont fait. Je ne faisais pas partie du réseau. Mon mari a battu à mort cette petite Zayia. Mais pourquoi ses parents n’ont pas déclaré sa disparition, etc. ? »

D’autre part, le juge Fabrice Burgaud lira aussi la fameuse lettre de Legrand fils à Thierry Delay, ce qui n’empêchera pas ce dernier de nier sur toute la ligne . Delay se défendra contre toute vraisemblance, en laissant entendre que Badaoui et Legrand fils ont parlé d’un meurtre commis par eux-mêmes :

« Tout est faux[…]. Il a tout inventé. Il n’y a pas de cadavre. Pourquoi ce serait pas eux [Badaoui et Legrand fils]qui auraient tué la petite fille et qui m’auraient mis ça sur le dos ?

Question : Votre déclaration signifie-t-elle qu’une petite fille est effectivement morte chez vous en 1999 ?

Réponse : Vous me dites qu’ils ont dit ça. Moi j’en sais rien et c’est peut-être eux qui ont fait le coup, ou bien ce serait inventé. »

Si l’on récapitule, cela signifierait que non seulement Myriam Badaoui aurait dû enregistrer à la vitesse V les quelques informations que Daniel Legrand fils fournissait dans sa lettre lue par le Juge, mais devait également « inventer » de toutes pièces la quinzaine de détails précis correspondant, parfois de manière confondante, avec ce qu’avait déclaré le matin le jeune seul devant le magistrat instructeur.

Enfin, le déroulé chronologique était exactement le même dans les deux témoignages :

-Arrivée des protagonistes chez les Delay avec une petite fille.

-Viols.

-Sang au niveau du sexe après la pénétration du « vieux monsieur ».

-Présence de Mourmand.

-Hurlements de l’enfant, coups violents, mort de l’enfant.

-Sang au visage.

-Mention du moment: en soirée.

-Dispute qui s’en suit entre Delay et le monsieur belge, menaces de mort proférées par Delay.

-Violente dispute entre Delay et Myriam Badaoui.

-Corps enveloppé.

-Départ de Legrand fils.

Voilà donc pour ce qui est des auditions de Daniel Legrand fils et de Myriam Badaoui à propos du meurtre, et telles qu’ils apparaissent noir sur blanc dans le dossier d’instruction.

Mais il y a plus.

Le 11 janvier, soit deux jours après, le juge Burgaud interroge l’enfant Jonathan Delay. Celui-ci répond aux questions de magistrat :

« La petite fille avait du sang à la figure et aux jambes. Avant elle marchait un peu parce qu’elle avait quatre ans. Elle est arrivée avec un monsieur […]. Elle parlait le français et une autre langue […]. Mon père et le monsieur l’ont battue à mort. Ils l’ont battue parce qu’elle ne voulait pas faire de manières [...]. Elle ne respirait plus. Elle était complètement morte [...]. Ils l’ont mise dans un trou très profond dans un jardin d’un copain de mon père. »

En mention, le magistrat avait clairement indiqué : « Ne donnons pas connaissance du contenu de l’interrogatoire de Daniel Legrand [fils] et de Myriam Badaoui. »

De ce  témoignage, concordant lui-aussi sur plusieurs points, et alors que l’enfant n’est pas informé de ce qui a été déclaré auparavant par les uns et les autres, la littérature sur l'affaire n’en fera – et pour cause- absolument jamais état.

1Il les désigne par leur prénom, alors que plus tard il affirmera ne pas les connaître.

2L’orthographe et l’expression sont d’origine.

3 Tout cela a été parfaitement remarqué par l’avocat Gilles Antonowicz (Op.Cit) qui, visiblement, a depuis viré sa cuti.

4Ce médecin, Myriam Badaoui l’accuse nettement. Son nom est connu du magistrat instructeur. Celui-ci aurait pu donc l’interroger, voire le mettre en examen. Mais le Conseil de l’Ordre veille au grain : quelle différence faire entre un geste médical effectué dans le cadre d’un examen approfondi et un abus de nature sexuelle ? Vraisemblablement, Fabrice Burgaud en fut dissuadé par le procureur Lesigne, qui surveillait l’affaire délicate de très près.

5 Cote 1116.

6L’orthographe a été corrigée.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.