Duplomb dans l'aile?
Ce qui, au final, serait une bonne chose. Pour la santé publique et, accessoirement, pour la « démocratie », même si le mot est de plus en plus galvaudé ou utilisé n’importe comment. Mot fourre-tout comme l’époque les aime et qui ne signifie absolument plus rien. Merci, Georges Orwell de nous avoir, un temps, ouvert les yeux. Rapidement refermés cependant devant les « réalités » économiques, les « contraintes » et blablabla.
L’affaire de la pétition (ça devient une « affaire ») est une histoire un peu exceptionnelle, dans ce paysage morose et apathique en apparence qui est devenu le nôtre. Plus d’un million (bientôt deux…) de signatures en quelques jours. C’est une jeune étudiante, Eléonore Pattery (merci à elle) qui avait lancé le machin. 23 ans et toutes ses dents. Quand on raconte que la jeunesse ne fiche plus rien…
Les choses n’en restèrent pas là. Par l’intervention, le 10 juillet, inopinément et non prévue par le protocole, de Fleur Breteau (merci à elle) à l’Assemblée Nationale. Intervention filmée opportunément puis diffusée sur les fameux « réseaux sociaux », dont on ne peut pas dire que du mal, puisqu’ils constituent parfois une formidable caisse de résonance.
Qui est donc Fleur Breteau, devenue en un instant (l’époque qui s’ennuie est friande de coups médiatiques), une figure de la lutte radicale contre tout ce qui provoque des cancers ?
Elle est fondatrice du collectif Cancer Colère. « Il est temps pour nous de redevenir des sujets. Retrouver notre pouvoir de citoyennes et de citoyens », dit-elle. Redevenir de sujets, c’est bien le sujet : sinon, cela revient à laisser faire de la politique par des professionnels rémunérés pour soi-disant protéger « l’intérêt général ». Me faites pas rire, j’ai les lèvres gercées…
Fleur Breteau, elle-même atteinte d’un cancer, ajoute : « Je n’utilise pas forcément le mot « victime ». Ce que je perçois, c’est que j’incarne les conséquences d’un système qui part en vrille. ». Au moins, les choses sont-elles dites. Belle lucidité. Envisager l’irrémédiable, pour soi et pour les autres, donne du courage. Et affermit singulièrement les convictions. A s’exprimer ainsi et aussi directement, Fleur Breteau ne risque pas d’obtenir un poste ministériel…
Mais de quoi s’agit-il avec cette loi Duplomb, du nom du Sénateur qui l’a déposée ?
Il s’agit (vous apprécierez la rhétorique usée jusqu’à la corde) de « lever les contraintes (saloperies de contraintes, souvent « étouffantes » et qui brident nos « libertés », etc.), contraintes donc à l’exercice du métier d’agriculteur ». Bon ! Il faut donc admettre que tous les agriculteurs ont les mêmes intérêts, les petits comme les gros. Marrant. On a bien réussi à nous faire croire autrefois que les patrons et les ouvriers avaient les mêmes intérêts…
La porte-parole du Gouvernement (je mets encore une majuscule, mais ça ne va pas durer), Sophie Primas (21 juillet) : « Peut-être n’avons-nous pas assez expliqué, assez rassuré. » Car le Gouvernement est soucieux d’écouter les « mouvements démocratiques comme celui qui s’exprime aujourd’hui ».(Le « mouvement » de ces presque 2 millions d’empêcheurs de polluer tranquillement la seule planète dont on dispose et de fabriquer des cancers permettant de maintenir, en même temps que l’agriculture industrielle, l’industrie pharmaceutique à flot : faire d’une pierre deux coups, en somme…). Mais bon, expliquer n’est pas inutile : les gens sont si bêtes, vous savez. « Rassurer », c’est bien aussi. Les « gens » ont peur de tout… De vrais enfants... qui ne présentent d’intérêt que lorsqu’ils se laissent aller à voter pour nous..."Vous inquiétez pas, on s'occupe de tout." De tout? Ben, c'est justement pour ça qu'on s'inquiète...Ils appellent ça la « démocratie ». Une « démocratie » qui les arrange. Mais quand le Peuple relève la tête, ça plaît beaucoup moins. Ce sont alors des gens « instrumentalisés ». Dixit le Sénateur Laurent Duplomb lui-même.
Une mafia bien connue, et qui a pignon sur rue (elle doit arroser régulièrement quelques responsables politiques, disent les mauvaises langues), la FNSEA, est d’accord avec la loi Duplomb. Parfait !
C’est pas grave. Sois malade. Il y va de l’intérêt supérieur de la Nation. Les cancers se répandent au nom de la Raison d’État. Pas belle, la vie ?
Yaël Braun-Pivet, Présidente de l’Assemblée Nationale : « Le débat ne pourra en aucun cas revenir sur la loi votée. »
Donc, il y aura peut-être « débat » et blabla, mais ça ne servira à rien d’autre qu’affirmer que le peuple a été entendu... Alors, tout ça pour ça, pétition, réseaux sociaux et colère ? A quoi ça sert ?A rien ! Qu’est-ce qu’on est bête !! On n’avait pas compris que pour défendre l’agriculture française, et la santé publique, et la démocratie par dessus le marché, c’était les fourches et les bonnets phrygiens qu’il fallait ressortir…
Toujours selon l’aimable et avenante Présidente, qui n’a jamais un mot plus haut que l’autre, c’est une loi opportune « qui va sauver un certain nombre d’agriculteurs... »
Au moins, les mots sont pesés : « sauver »? Bel objectif : la France s’effondre, qu’on vous dit! Bientôt y aura plus d’agriculture bien de chez nous ! Des machins chinois qu’on devra manger !
Et un « certain nombre d’agriculteurs », c’est quoi exactement ?
Les plus gros ? Donc les plus influents ? Mauvaise langue, suis-je donc...
Merci en tout cas à nos représentants, toujours soucieux de bonne et utile démocratie.
Enfin, c’est ce qu’ils nous racontent...