Le prétendu débat autour de l’Islam, en réalité une campagne xénophobe électoraliste, est aussi l’arbre qui cache la forêt de l’offensive cléricale des diverses religions du monde, de leurs connivences, de leur concurrence. Quand on ne peut plus décemment espérer un minimum de justice (et de bien vivre) de ce monde-ci, il reste la révolte ou… la foi en un monde meilleur. Quand il s’agit de faire faire corps au bon peuple, pour mener de sales guerres pour de sales intérêts, une vêture sacramentelle donne le change et rallie son monde : Dieu est à nos côtés[1].
Tout ceci est connu, mais furieusement d’actualité même si les révolutions arabes viennent bousculer ce petit jeu de grande duperie… miraculeusement !
Car tous les grands courants religieux sont à l’offensive ; naguère ils étaient contestés, sur la défensive, dépréciés ou relégués à la stricte sphère religieuse, par exemple par les nationalismes anticolonialistes arabes, ou, ici, par de solides traditions laïques qui ne flirtaient pas (encore) avec les manipulations fascistoïdes.
Voyez un peu : de Khomeiny à Jean-Paul II, des fondamentalistes évangéliques chers à Bush aux patriarcats orthodoxes de l’Est européen, sans négliger le nationalisme hindouiste ni même le bouddhisme (soit dit en passant le Dalaï Lama est une hypocrite calvitie ultra réactionnaire, qui fait pleurnicher dans les chaumières bobo, et bloque les révoltes de ses affidés), ni le judaïsme encalminé désormais dans le sionisme le plus raciste qui soit… elles sont toutes là, spectres opiacés, irruption de grimaçants zombis comme dans ces films d’horreur, bel et bien sur le pied de guerre. Et quand je dis guerre… qu’on songe à Israel, à Al Qaida, aux croisés bushistes, aux pro vie états uniens réclamant le droit d’abattre les médecins pratiquant l’avortement, et à tant d’autres en tant d’autres lieux de terreur.
Ici on nous sort les racines chrétiennes de l’Europe sur fond de basiliques ciselées dans la pierre. Belles racines ! Déjà, songe-t-on combien les ordonnateurs de ces constructions (splendides) ont écrasé de vies, de corps, de populations anonymes pour assouvir leur folie des grandeurs et l’affirmation de leur pouvoir ? Où ces victimes, vraies créatrices de ces chefs d’œuvres sont-elles saluées, honorées en lieu et place de cette foutue chrétienté qui les a fourbues, mutilées, assassinées de labeur pour une mauvaise soupe de haricot et un pain coupé de son ? Non Vézelay n’est pas un héritage de la chrétienté mais d’hommes et de femmes sacrifiés.
Et on nous stigmatise ces croyants qui, une heure par semaine, occupent un bout de rue pour assouvir leur lubie mystique quand des troupes étiques de catholiques cacochymes nous obligent à mettre un pantalon et à nous taire pour entrer dans nos cathédrales, nos chapelles, nos églises, bâtiments publics ! Catholiques à qui la loi de 1905 a consenti le droit d’occuper l’espace public pour leurs pèlerinages et autres défilés votifs. J’ai la mémoire de nos ancêtres huguenots qui allaient « prier au désert » quand leur religion « prétendue réformée » avait été interdite ce qui les obligeait à quitter à pied les villes le dimanche pour célébrer leurs cultes « au désert », dans des endroits écartés, à l’abri des dragons du roi et des curés inquisiteurs. L’édit de tolérance de Louis XVI toléra le culte en ces endroits écartés : qu’ils fassent ça, mais entre eux, loin de nos regards. Pas de Minaret aujourd’hui, pas de Mosquée attentant à l’architecture de nos racines chrétiennes…
Et l’inquisition, et le massacre des Vaudois par François 1°, et les guerres de religions impitoyables, et la St Barthélemy, et la guerre des Dragons contre les Cévenols irréductibles, et les hommes aux galères, les femmes protestantes 40 ans enfermées à Aigues mortes ? J’en passe, beaucoup, beaucoup.
Racines chrétiennes, non ? Ou témoins de la tentaculaire oppression religieuse ?
Allons ! qu’on laisse tout simplement les croyants musulmans bâtir des lieux de culte, les mamas plus ou moins voilées participer aux sorties scolaires (elles ne sont pas fonctionnaires). Qu'on laisse ceux qui ont une foi de "bonne volonté" la vivre en paix sans devoir sempiternellement les rappeler aux crimes et aux mensonges qui ont participé de cette tradition, et en cantonnant cette foi à ce qu'elle doit être : une affaire intime, personnelle.
Et que le débat continue, sainement, sur l’opium religieux, ses méfaits sur les femmes, les jeunes, la sexualité, la liberté, contre ses intrusions inadmissibles dans le droit public et la vie privée d'autrui. Dieu reconnaîtra les siens, n'est-ce pas ?
Un jugement d’une cour anglaise vient de refuser à un couple adventiste (une branche du protestantisme) le droit de rester famille d’accueil, au nom du respect des homosexuels : elle l’a estimé incapable du fait de sa religion, de donner aux enfants une éducation respectueuse de la diversité de la personne humaine.
Pas mal, non ?
On devrait retirer à certain président le droit de présider, d’ailleurs.
[1] Chanson de Bob Dylan, des années 60