"Entre penser surmonter les difficultés en se soumettant à un PS demeurant hégémonique, ou le faire loin de son appareil. Il faut sans hésiter choisir la deuxième option. Et il y faut ensuite des avancées communes et des succès partagés. Et ils ne sont possibles qu’avec la campagne de Jean-Luc Mélenchon. En souhaitant qu’elle s’ouvre maintenant au maximum au lieu de rester réduite à ses soutiens initiaux au risque de stagner." écris-tu.
La campagne de Mélenchon souffre de plusieurs handicaps et non des moindres qui me font bien plus qu'hésiter à la soutenir de quelque façon que ce soit, je les attaquerai en partie par "la forme" puisque selon tes propres affirmations « La forme, c'est le fond qui remonte à la surface ».
La méthode
il ya de la part de JLM une évidente "captation de score" personnalisé et auto-attribué en dépit du caractère unitaire et collectif de la précédente campagne, ce qui au regard des valeurs traditionnelles de la gauche pour ne pas dire de la gauche de la gauche comme d'ailleurs des aspirations des mouvements sociaux novateurs dans le monde, est proprement ahurissant. Ce qui va de pair avec une construction autocentrée et hyperpersonnalisée de sa campagne et de son mouvement.
On ne peut qu'être saisi par la réduction de la démocratie à l'illusion horizontale du "droit de s'exprimer", les expressions individuelles juxtaposées étant tamisées par le net, filtrées en une "expression collective" reconstruite verticalement dans une assez stupéfiante opacité. On est très loin de la démocratie de masse que nous défendons depuis toujours ni même de celle de la gauche de la gauche, bon an mal an.
On ne s'offusque guère de la disparition (ce qui est un comble) de toute démarche unitaire au profit d'une unification autour du chef, réduite à l'autoproclamation par dessus les appareils, associations, mouvements. On comprend fort bien la difficulté compte tenu tout particulièrement du blocage par l'appareil post stalinien, mais que dire de l'absence totale d'appel aux forces associatives par exemple, de discussions même informelles avec les autres forces politiques, d'impulsion d'un processus de rassemblement autre que sous la bannière et par le guide, dans le carcan étroitement balisé, excluant et soumis de sa France Insoumise.
Duand on veut être le dénominateur commun, ne commence-t-on pas non par soi-même en affirmant (imposant)ses propres valeurs, délimitations clivantes, références programmatiques et philosophiques, mais quand même par tenter d'inviter des représentants et collectifs à se mettre autour d'une table... Or voilà que toute une galaxie militante de tenants naguère sans concession des démarches unitaires et de l'unité fétichisée, se retrouve sans mot dire autour d'une sorte de leader maximo entouré d'une camarilla aux accents autoritaires et sectaires qui pose son cadre comme le cadre exclusif et... fétichisé de l'Unité.
Quand on veut rassembler et se poser en dénominateur commun en particulier pour une échéance aussi ardue qu'une présidentielle dont on clame qu'on s'y voit au second tour, on commence par rechercher... le commun ! Autrement dit, même sans partenaire (et nous en savons un peu) on travaille à élaborer un corpus idéologique et une plateforme programmatique suffisamment large, qui puissent rassembler (et ressembler à) la diversité de la gauche de la gauche pour que chacun/e s'y retrouve et se sente partie prenant de l'immense défi proposé, même si la difficulté est à la hauteur du défi (ou justement parce que).
Or l'aventure mélenchonienne s'est tout de suite ancrée sur la programmatique pour ne pas dire les dada du dit JLM : accents patriotards et vision nationale du monde, légalisme républicaniste, laïcisme étroit, universalisme franchouillard (et quasiment impérial quand il s'envole sur une "France de tous les continents" en parlants des confettis de l'empire), certes tout ceci agrémenté par suffisamment de nuances quasiment contraires pour que chacun puisse y puiser ce qui chantera à ses oreilles (ou ne les blessera pas trop). L'équilibre du tout et surtout des discours est bien évidemment fortement penché côté dada mélenchoniens.
"Peuple", "Patrie", "intérêt de la France", "La Marseillaise" en fin de meeeting, dont il est peu de dire que même nombre de ses thuriféraires ne sont pas fanatiques, forment un ensemble de références plus que discutables dans une période où les tensions internationales s'amplifient, où les nationalismes relèvent la têtes, les racismes prolifèrent. Cela laisse un goût étrange de futurs dérapages (dont ici ou là l'avant goût...) entre politique de "puissances", diplomatie sans principe et néocolonialisme interventioniste si d'aventure il y avait accès au pouvoir, mais aussi et j'y reviendrai, corpus idéologique sur lequel construire un futur politique si la dynamique actuelle est suffisante pour se stabiliser en force durable après les élections.
C'est aussi inquiétant quand on sait que l'amour de la France, de la Patrie et de ses sacro saints Intérêts tourne le plus souvent, en situation de crise, à demander (imposer) aux travailleurs, sans, jeunes, retraités de bien vouloir... savoir terminer une grève ou accepter une période de sacrifices.
Cela donne aussi un angle d'attaque dangereusement national de la construction européenne même si est invoquée la contamination antilibérale qui conduirait sur les mêmes voies d'autres peuples, et viendrait en relai d'un "JLM 2017" qui serait rien moins que "le 1917 du XXI° siècle"... rien moins donc !
Tout cela, évoqué trop vite, mais il y faudrait un livre que justement personne n'a osé écrire, fait quand même beaucoup. On peut certes considérer que c'est anecdotique si l'on ne regarde pas un peu plus loin que sa panique de l'heure devant une élection chargée de beaucoup de sombres inconnues.
Il y a un autre enjeu, le vrai enjeu à gauche de la gauche dans cette présidentielle et je ne crois pas, contrairement à toi, que ce soit autour de l'hégémonie du PS.
Cet enjeu c'est celui de la construction d'une force à gauche qui lui soit alternative et qui ne soit pas ancrée sur n'importe quoi. Or si l'on considère et convient de ce que j'ai évoqué concernant l'aventure Mélenchon, voici sur quoi cette gauche d'après les élections se construira. Et les suiveurs comme les soutiens de Mélenchon sont le plus souvent silencieux sur tout ceci évoquant prudemment d'importantes divergences qu'ils ne nomment guère. Un nombre stupéfiant de militants qu'on aurait pu croire aguerris, soudain entraînés par l'ivresse d'une dynamique qu'ils tendent à croire (espérer) irrépressible et unifiante, suivent ce méli mélo idéologiquement usé jusqu'à la corde qu'un hologramme vient remettre au goût du jour. Ils en viennent même jour après jour non seulement à avaliser les "dérapages" électoralistes ou carrément idéologiques de leur héraut mais à les excuser voire les défendre... de la à les intégrer et la future force d'une gauche sui generis issue de ce que j'ai décrit plus haut, se constitue pour après.
En seras-tu ? Je pense que non bien sûr, mais il ne sera plus temps de se lamenter. Or je vois une "insoumission heureuse" à qui je pressens des lendemains amers...
La restructuration de la gauche de la gauche n'est pas anecdotique, les graves évènements qui se profilent ont besoin de ça, car je crois toujours à l'importance cruciale d'une force organisée et lucide pour à la fois savoir résister et l'occasion venue inverser la situation, ouvrir la voie à une forme rénovée de socialisme.
Et si, dans les circonstances dangereuses dans lesquelles nous nous trouvons, il faut trouver quelqu'un pour faire conjoncturellement barrage aux pires, une droite des nantis exaspérés ou une extrême droite hallucinée, hé bien nous verrons à l'approche de cette échéance lequel des trois bulletins de vote peut opposer une très conjoncturelle digue à ces périls. Si ce doit être le PS version Hamon ce sera le PS, et nous aurons au lendemain en tout état de cause à reconstruire une gauche de la gauche, mais en ayant mené la bagarre pour que le mélenchonisme n'en soit ni le moteur ni la colonne vertébrale idéologique.
Voilà pourquoi même s'il est possible que j'utilise ce bulletin de vote au premier tour, (ce qui n'est pas gagné j'appréhende les dérapages à venir), je ne mène pas, en aucun cas, campagne pour lui et je combats là où je suis tout ce que son discours contient de néfaste pour la future gauche dont nous avons besoin ainsi que ce que je crois être un renoncement de la part de trop nombreux camarades le soutenant sans aucune distance critique affirmée.
Amitiés