Vient encore de s'exprimer sur une de mes contributions ici, cette détestation hargneuse et dédaigneuse envers les "vieux militants gauchistes dont les erreurs" etc etc qu'ils ne voudraient évidemment pas "reconnaître"...
Pauvres de nous !
Outre que cette assignation à reconnaître des erreurs a quelque chose de post stalinien, ceux qui les invoquent se gardent bien en général de les préciser, sans doute parce qu'ils estiment comme allant de soi qu'elles sont connues de tous, ou qu'elles sont innombrables au sens propre du terme ou tout bonnement, ce qui est plus probable, parce qu'ils n'en ont, perte de culture politique, aucune idée !
On ne peut que déplorer de la part des beaux jeunes (?) esprits qui nous vilipendent ainsi en quelques lapidaires épithètes, l'usage méprisable du terme "vieux", méprisable car il ne vise pas à nous situer dans la diversité de nos contemporains mais à nous accabler gratuitement et nous enfoncer dans le crâne que notre fin est proche, nos articulations grincheuses et nos vieux corps moins durs à la manif que jadis.
Vieux doit sans doute être pour eux synonyme d'obsolescence qui nous priverait du droit d'être pleinement citoyens et nous assignerait à celui d'être vieux, en silence, avec pudeur et repentance pour tous les manquements, erreurs voire péchés dont notre vieillesse serait porteuse, forcément porteuse. Nous devrions donc cacher cette vieillesse à ces bons esprits qui s'en offusquent et qu'elle agresse. Ils nous colleraient bien dans des EPADH pour vieux gauchistes.
Vieux dit ainsi nous prive aussi, eux et nous et bien d'autres, d'une fraternité pourtant évidente : d'être contemporains. Car nous sommes contemporains en effet, dans le même bateau, nous vivons les mêmes moments, les mêmes turbulences, peut-être même de semblables espoirs, et aurions quand même bien des luttes et des réflexions à partager, les temps sont durs, on ne serait pas de trop.
Mais non, sans doute ces beaux esprits préfèrent à cette idée transgressive (sic) que nous sommes contemporains celle de générations différentes qui faisant de nous une génération ancienne donc obsolète, donc encombrante nous expulserait de leur environnement et les laisserait tranquilles pour concocter entre eux un avenir sans erreur et, qui sait ? sans vieillesse ?
Ni vieux ! Ni gauchistes ! Ni vieux gauchistes, du passé faisons table rase !
Car vieux n'est pas suffisant, avec gauchistes c'est mieux, encore plus stigmatisant.
D'une part parce que Gauchiste renvoie à la "maladie infantile" (mais le savent-ils seulement ?) du cher Lénine, et qu'accoler gauchiste et vieux fait de nous des troublions cacochymes et arthritiques en cannes et déambulateurs, bref ridiculise notre vieillesse et pour tout dire l'infantilise.
D'autre part, "Gauchiste" rendez-vous compte, déjà que "gauche" sonne mal aujourd'hui alors gauchiste ! La rigolade ! Extrême gauche ou révolutionnaire ça n'est déjà pas très reluisant alors gauchiste....
Il y a fort à parier que nos offusqués n'ont pas le début d'une idée de ce que recouvre le vocable gauchiste, qu'ils ne savent pas non plus que, précisément et pour la plupart d'entre nous, nous n'avons jamais été "gauchistes" et même avons combattu les idées et les actes gauchistes sans pour autant renier nos idées, ce qui nous a évité de finir en assassinant à tout va sous prétexte de mettre le feu à la plaine ou de montrer au prolétariat comment pour s'en sortir il doit régler leur compte à quelques grands commis du capital.
Mais nous serions gauchistes. Ils veulent dire sans doute révolutionnaires ou d'extrême gauche, mais gauchiste c'est plus trivial, ça pue plus la rue, le macadam foulé en vain, la castagne avec les CRS, la diffusion de tracts enflammés lors de petits matins pâles à la porte des usines (des usines ! rendez-vous compte ! à l'époque des start up !), l'impuissance donc puisque depuis 68 ils n'ont pas été foutu de faire quoi que ce soit de décisif.
Peu importe que nous ayons été de la lutte pour le liberté de l'avortement et de la contraception, contre la dictature bureaucratique pseudo bolchévique, contre les coups d'états de la CIA, l'arme nucléaire, les perpétuels reculs des droits et acquis sociaux, le racisme j'en passe et j'en passe et j'en passe encore. Non,ça ne compte pas.
Nous sommes vieux et gauchistes et nous avons fait l'erreur sans doute de le devenir contrairement à tant d'autres de ces jeunes gens pressés qui ont cru que le plus court chemin entre eux et la réussite c'était la Révolution et qui ne la voyant pas venir lui ont préféré des horizons plus sûrs, plus députables voire plus profitables qu'on a vu devenir journalistes main stream, députés de ci ou de là, membres de cabinets ministériels, chefs d'entreprise entreprenants, donneurs de leçon droitisants, antiracistes de salon et collectionneurs de montres.
Nous avons fait cette erreur de vieillir salement en restant de ces "gauchistes" ridicules parce que vieux et gauchiste... franchement ! Parce que nous avons tenté et tenté, échoué, réussi quelques luttes, grappillés de nouveaux droits, perdus beaucoup, voulu changer la politique et surtout de politique, parce que nous n'avons ni fortune, ni notoriété ni respectabilité de gens de gôche sérieux...
Nous mériterions un peu de mansuétude à tout le moins, pour ne pas dire de respect. Oui nous avons vieilli sans nous renier, sans renier ce dont nous sommes convaincus que le monde doit changer de base et que ceux qui ne sont rien doivent devenir tout, sans balancer la lutte aux orties, la Classe aux oubliettes et la révolution au magasin des accessoires.
Alors les allergiques aux vieux, aux gauchistes et aux erreurs... sachez que nous sommes certes de vieux couteaux mais de ceux qui sous la poussière des tentatives, des échecs et de votre mépris sommes toujours scintillants de combativité, affûtés par la curiosité, remettant encore et encore la lame sous le feu de la pensée, décidés à vivre jusqu'au dernier moment avec en tête le bel et magnifique : Hasta la victoria... etc.