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Billet de blog 6 avril 2021

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Droit imprescriptible des opprimé/es

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Lorsque j'ai poussé la porte pour la première fois de cette pièce moquetée  d'un petit appartement au premier étage, qui donnait sur les allées Meilhan à Marseille, ce devait être en 1976, je ne sais plus aujourd'hui ce que je me suis dit. Je sais par contre que durant les mois qui suivirent, tous les mercredis (je crois) j'avais rendez-vous avec d'autres pédés comme moi (nous n'étions pas encore des gays). Nous y avons parlé de nous, de ce que ça avait été de se découvrir pédé, du silence que nous gardions, de la crainte d'être découverts, de nos espoirs et de notre commune colère. Nous ne nous posions pas la question de savoir si un hétéro était parmi nous, mais nous aurions profondément répugné à ce que nos réunions soient ouvertes à ce qui aurait été à nos yeux un/des voyeurs.

Notre prise de conscience, notre partage de notre colère, la construction d'un "nous" tête haute... nous ont permis de nous constituer en groupe social, Groupe de libération des homosexuel/les de Marseille, mouvement homosexuel, puis ce qu'ils ont appelé communauté LGBT etc... Ce groupe social en constitution nous a donné la force d'exprimer notre colère et d'élaborer nos revendications, il nous a constitués en force, cette force a creusé sa place dans les consciences et dans le corps social. Nous nous sommes fait entendre, à "corps" et à cris, des lois ont été abolies, des règlements abrogés, des fichiers détruits, la ségrégation a reculé, sans doute des suicides, des dépressions, des folies ont-elles été évitées. Des amours sont nées, des œuvres, des vies plus tranquilles...

Combien de fois n'avons-nous pas entendu que nous nous constituions en ghetto, que nous nous mettions en dehors de la société, que c'est nous en nous affirmant qui créions du rejet, qu'avec nos comportements nous suscitions de la stigmatisation... que, le comble, nous pratiquions une forme de racisme envers celles et ceux qui n'étaient pas homosexuel./les.

En gros que c'était le fait d'être homosexuel qui créait l'homophobie, si on y regarde de près !

Mais nos non-droits ont été abolis, nos droits ont avancé, nos estimes de nous-mêmes se sont réparées voire construites, nos détracteurs, nos agresseurs ont appris à se taire, à se retenir... Plein de jeunes gays et lesbiennes peuvent aujourd'hui vivre dans une certaine insouciance, y compris oublieuse des dangers qui demeurent, de ceux qui peuvent revenir et des batailles passées.

Les religieux tordent encore le nez, les familles le tolèrent mais de préférence chez les autres, la médecine et les psy de tous ordres ont grosso modo rendu les armes... hélas la phobie criminelle règne encore dans bien des États, les têtes immondes de la haine se relèvent dans bien des pays non des moindres.

Le combat continue.

Ici nous avons gagné une bataille.

Tout cela n'aurait pas été possible si personnellement, et nous avons été des milliers, je n'avais pas pu pousser une porte, m'assoir sur une moquette dans un petit appartement donnant sur les allées Meilhan, afin de participer au groupe de libération des homosexuel/les, non mixte, résolument non mixte de ces années-là. Où entre nous, par nous, pour nous nous ouvrions la voie à notre émancipation.

Si nous n'avions pas pris nos affaires en main qui l'aurait fait pour nous ?

Alors quand un jour nous nous donnerons dans une belle époque révolutionnaire, une constitution libre et non faussée par les faiseurs de haine, de ségrégation et de pauvreté, nous y inscrirons ce droit imprescriptible de tout groupe opprimé à s'organiser, se réunir, se construire pour par lui-même son émancipation comme contribution à l'émancipation universelle.

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