Il est de bon ton de parler du NPA comme d’un « parti en ruine » ; quand on y est, on hésite entre le radeau de la Méduse et la nacelle légère de Moïse sauvée des eaux. Il va de soi que je parie en toute laïcité sur la nacelle. (Et Poutou fait une figure de Moïse un peu mûre, qui file son cap, tirant des bords à sa façon, avance).
Trop d’audace a permis le lancement du NPA : a-t-on jamais vu un groupe politique se lancer ainsi dans le vide, pariant tout son acquis sur la générosité d’un recommencement, appelant à faire table rase, mais si d’une certaine façon ! A la légère ? peut-être. Fallait-il rester au chaud dans sa LCR ?
A nouvelle période, nouveau parti, nouveau programme…
Trop d’enthousiasmes s’y sont investis venant de quelques milliers d’anonymes impatients de « faire parti », pour que ça retombe. Chacun/e était outillé de l’envie de neuf plutôt que d’un projet commun qui reste à inventer (ce qui était dit dès le départ) ; chacun/e tira à hue et à dia évidemment dans ce parti qu’il voyait à l’aune de « chacun ma colère », moins prêt à mutualiser qu’à se voir légitimer sans restriction. Il y avait de tout, des « anti » surtout, des écorchés vifs (parfois si vifs que facilement écorcheurs), même des sceptiques de l’anticapitalisme, qui demandaient à voir, de vieux gauchistes éberlués (hum). Beaucoup d’ailleurs - malentendu - demandaient à voir, mais quoi ? et à qui revenait-il de « faire voir » ?
Quel brouhaha des premiers temps ! Puis un bateau ivre assez vite, les marins à la barre couverts de paquets de mer plus souvent qu’à leur tour, ont plutôt bu la tasse. Mais quelles rencontres aussi ! Un vrai melting pot non de la gauche de la gauche institutionnelle, convenue, mais de ce qui fait le bouillon de culture des expérimentations microscopiques, des luttes syndicales atypiques, des associations résistantes ou tout simplement des anonymes qui ne se satisfont pas des contrefaçons de meilleurs mondes possibles qu’on leur vend, et un grand désordre de choses à dire dans des langues qui ne se comprenaient pas toujours. Une Babel des colères !
Trop d’énergies s’y sont fait sentir, mais si, mais si… qui se sont retournées un peu les unes contre les autres faute d’arriver à entamer un peu du pouvoir sarkosiste, beaucoup contre le parti justement, parce que l’impatience était chauffée à blanc, l’espoir impératif jusqu’à l’intolérance, et les résultats chaotiques, imprécis, insuffisants, controversés : mais lesquels devait-on attendre ?
Des opportunistes ont hésité à venir, certain/es sont venu/es, ont humé l'air, changé d’avis, de cours : c’est qu’il y avait opportunité à saisir ! Des complotistes doctrinaires se sont fait coucous ratiocineurs et voudraient prospérer sur ce qu'ils croient être un cadavre. D'autres ont commencé à ployer devant l'ampleur du chantier et l'isolement du projet.
Tout cela rassemble trop et trop d’inédit pour qu’il n’en reste ni n’en sorte rien. L’expérience vécue a été forte ? l’amertume aussi ! Nous n’avons encore élucidé ni l’une ni l’autre. Laissons retomber les poussières. La crise du système s’aggrave. Le besoin de refaire quelque chose comme un NPA, en remettant l’ouvrage du « faire parti » sur le métier, cette fois à chaud, en réorganisant les espoirs, en mutualisant les colères… reste plus que jamais d’actualité et même plus encore qu’au lancement.
Bien sûr, la riposte de la gauche institutionnelle a été cauteleuse et têtue (le PS a besoin d'une gauche à sa gauche, raisonnable). Pour de sempiternels objectifs grimés en renouveau, des caciques impénitents refont les mêmes figures de styles, grenouilles essoufflées, bœufs étiques, espérant séduire en sifflotant l’air de l’unité radicale comme ce joueur de flûte qui hypnotisait les enfants en trois notes. Les impostures (souvenons nous de l’engouement pour José Bové, alors antilibéral de choc !) de cette gauche molle de la gauche (!), ne tiennent pas le choc quand le cyclone social se déchaîne. Or le contre typhon se profile derrière le cataclysme financier qui fond sur l’Europe et la planète.
Donc, trop vite sans doute, nous verrons, l’expérience anticapitaliste s’avèrera précieuse sur ce qu’il faut faire et ne faut pas faire, féconde, vivace, pleine de renouveau. Il le faudra. Sauvée des eaux pour affronter la tempête qui vient.