La principale leçon que les socialistes français devraient tirer de l’élection de Trump, c’est la haine que vouent les « laissés pour compte » et victimes des politiques néolibérales, aux « élites » éclairées dont eux ici, qui ont adopté ce crédo et leur en ont infligé les terribles dégâts.
Elles, ces élites dont nos socialistes, l’ont adopté avec une frénésie arrogante et une désinvolture de nantis qui s’en savaient à l’abri. Elles ont traité tous les opposants de crétins, souvenons-nous du débat sur le traité constitutionnel européen, se gaussant d’eux depuis les grandes écoles, les diplômes, les cursus prestigieux, les chaires universitaires, médiatiques, électives diverses, dont elles se prévalaient, s’exhibant dans un entre soi de nantis ou de dents longues bien placées, sans se rendre compte de leur indécence quand la multitude peinait, craignait, payait, se précarisait.
Nos élites socialistes ont imposé ce crédo comme avec gourmandise, effrénées, émerveillées de s'y être si bien et si vite converties. Elles l'ont fait à tout prix y compris celui d'un respect minimal de leur démocratie. Il est inouï qu'ait été nommé comme premier ministre, c’est à dire conducteur de la politique du gouvernement, le candidat à leur primaire le plus désavoué de la liste (5% rappelons-nous) aux antipodes des votes même des militants et du programme affiché (d'affichage certes mais quand même). Plus qu’un déni de démocratie, ce fut une insulte, une forfaiture.
Qu’un président de la république ait mené une campagne sur le thème de « la finance est mon ennemie » et ait offert à celle-ci 40 milliards sans condition tandis que le salaire minimum stagnait, que les retraités voyaient leurs pensions désormais bloquées, que les services publics liés à la santé étaient pressurés, que les impôts augmentaient tous azimuts sauf évidemment pour les plus éhontément riches tandis que les quartiers s’enfonçaient dans la précarité et que la misère « encombrait » nos rues de ses visages ravagés… tout cela devait aux yeux des « élites socialistes libéralisées » passer comme lettre à la boite chez un vain peuple qui ne saurait faire autrement que leur vouer révérence et confiance. Tout ce gâchis social, toutes ces souffrances n'étaient là, dans le crédo libéral et le confort des élites nanties, que dégât collatéral, malheureux certes, une "destruction créatrice" sans doute.
Qu'elle fût humaine n'était alors qu'anecdotique.
Sans parler de l’ignominieuse loi El Khomry… ni des révélations trop significatives quant à la prévarication d’un certain nombre de ses hiérarques amateurs de paradis fiscaux ou d’oubli de déclaration d’impôts alors même qu’ils étaient chargés de poursuivre la fraude.
Qu’en même temps il se sache de plus en plus qu'en temps de crise pour le plus grand nombre il y avait quand même de l'argent pour renflouer la finance ou financer les entreprises, et que le prétendu déficit du pays (la dette) serait aisément comblé si l’on voulait bien au lieu de s’en prendre aux « fraudeurs » du RSA, agir vigoureusement contre les paradis fiscaux, les niches et optimisations fiscales des grandes entreprises, des actionnaires et des capitalistes en général…
Tout cela hé bien nos élites zélotes du libéralisme dites de gauche (et de droite d’ailleurs) ne pensaient pas un moment que le bon peuple allait vraiment en prendre conscience, ou plutôt le « comprendre » oui, comprendre. Tenu sans doute pour trop abêti par un travail de plus en plus contraint, un temps de plus en plus compté et une vie de plus en plus chiche, le bon peuple ne devait rien voir.
Aujourd’hui les socialistes se trouvent ébahis de tant de haine envers eux, d’ailleurs y croient-ils vraiment, en mesurent-ils l’ampleur ? Les gueux s’énervent, les honnissent, ils n’en reviennent pas.
Hélas à force de prendre les gens pour des cons, en attisant une colère délétère, on encourage la connerie, la haine… après avoir découragé l’espérance et la générosité.
La haine que reçoivent les socialistes est méritée au de là de tout, leur défaite qu’il faut espérer absolue et durable, en sera le juste prix. La haine qu’ils ont inoculé au pays à force de mépris, d’injustice, de blessures sociales et morales, de déceptions amères, de colères impuissante, de divisions aussi est hélas délétère.
Quelles en seront les conséquences ? Le duel Trump/Clinton et son issue ubuesque en forment un sinistre présage.
Il reste avec la "lente (hélas encore) impatience" qu'on sait, à construire des forces nouvelles pour redonner un avenir à notre avenir. Et les évènements récents là bas comme en Europe ne laissent pas présager que ça passera par les trompe l’œil électoraux. C'est de fond en comble qu'il faut penser, en insurgés.