La gauche radicale est morte.
Elle n’est plus qu’un mirage, une impasse et continuer de s'y investir sans œuvrer explicitement contre elle à la changer radicalement, est une perte de temps qui glisse facilement à la perte de boussole. Car il faut bien se justifier au jour le jour de supporter là un énième ralliement au PS, là la logorrhée hallucinée des doctrinaires, là le vote de l’Etat d’urgence par des parlementaires appointés, là la course partidaire aux mandats électifs (prébendes obligent), ou les batailles irréelles pour des majorités au sein de partis juste picrocholins. (Sans parler de LO qui ayant abandonné ses alliances utilitaires avec le PS, ses accords avec feu la LCR, se cantonne comme une petite vieille arthritique à entretenir le feu au foyer de sa petite entreprise oiseuse).
Il faut faire le deuil de la gauche radicale.
Pour commencer sortir du syndrome de stockholm, qui accroche les divers courants au PCF bien que celui-ci les torture échéance après échéance sans susciter la moindre révolte sérieuse, ni tuer l’espérance folle de peser sur lui, syndrome qui les lie au PS du second tour au prétexte de sauver une gauche dont le PS n’est plus, contre des catastrophes de droites qui n’en prospèrent que plus.
Car le PS ne trahit pas la gauche, ça devrait se savoir. Il n’en fait plus partie. Son « cœur » politique est désormais ouvertement néo-cons, libéral sans rivage et la finance est sa copine. Même sa gauche n’a de prurit que sobrement « régulateur » comme les Verts d’ailleurs. Certains lui attribuaient encore au moins des « valeurs » celles dites de gauche, c’est à dire simplement démocratiques. Dans les dernières semaines, il les a jetées aux orties sans gêne, ni crainte, ni vergogne avec l’état d’urgence et sa constitutionnalisation promise, entre autres.
Seul, le crétinisme uRnitaire continue d'affubler d'une caution de gauche le PS comme il pourrit la gauche radicale en ânonant contre toute évidence qu’elle pourrait être « un débouché politique » et qu’au plan politique, actuel, quelque chose pourrait se jouer.
Les gauches radicales (« les » pour être plus juste) doivent sortir de leurs casemates, de leurs jeux de dupes ou de leurs chimères ou de leurs joutes doctrinaires.
La gauche a perdu l’hégémonie éthique, politique et sociale qu’elle a gérée depuis des décennies avec une arrogance aveugle et sourde aux cris de ceux qu’elle prétendait « représenter », toutes tendances confondues. Il faut sortir des prétoires de la bonne conscience, descendre des tréteaux des harangues comminatoires, quitter les beaux quartiers de nos certitudes, redescendre en bas, là où ça peine, ça grogne, ça souffre et ça déconne faute de la moindre lueur raisonnable d’espoir.
Il faut partir, par en bas, à la reconquête idéologique, morale, politique. Et de quasiment zéro.
Alors comment ? goguenard, demandera-t-on.
Oh, c’est tout bête. En se réinvestissant là où les questions élémentaires se posent : les droits des personnes, des travailleurs, des syndicalistes, des femmes, des victimes des racisme, sortir à ce propos des catégories qui déclinent à l’infini les phobies en les opposant sourdement ou ouvertement les unes aux autres pour lutter conjointement en unifiant les fronts contre les discriminations, les stigmatisations, les atteintes aux droits quels qu’ils /elles soient, de l’homosexuel à la femme voilée, du syndicaliste au réfugié, du précaire au sans papier.
Inventer de nouveaux réseaux, hors les sentiers balisés "unitaires", les porte drapeaux de partis n'y seront pas les bienvenus, l'associatif, le nouveau venu, l'en recherche si ! Il faut frustrer les passionnels de la politique.
Sur tous ces terrains, contribuer à créer du lien socio-politique, de l’espoir et de la solidarité, plutôt que le tract national, la campagne électorale ou le meeting de tel leader. Nous devons d’abord et avant tout reprendre ces questions élémentaires dispersées, distendues, malmenées, et les rassembler, les traduire en forces matérielle et morale qui font le substrat de la politique.
Oui, ça demande du temps, de l'énergie, de la capacité unitaire, d'y faire entendre une voix radicale et tenter ainsi d'avancer dans une reconstruction obstinée.
Pour la traduction politique, il n’y a pas de recette, tout a été essayé, un parti délimité autour l’Arlette de 95, un parti large avec le NPA, une recomposition politique avec le Front de gauche. Il faudra attendre des temps meilleurs, faire confiance en les activant à des forces aujourd'hui résignées, exaspérées, sceptiques et surtout terriblement violentées, elles se lèveront.