Non, Syriza ne pouvait guère faire autrement et ne pourra guère.
Risquer l'expulsion de l'Euro pour le gouvernement Syriza était une lourde décision à prendre juste au sortir des élections, à la première confrontation. Car il parait bien qu'il n'y a pas eu de "négociations", tant les "durs" de l'Europe libérale se sont montrés intraitablement arrogants. Et devant ce mur libéral les gouvernants ont dû sérieusement hésiter.
Ces durs se sont montrés intraitables, car perdre la Grèce ce n'est pour eux pas grand chose. Les risques bancaires de leurs grandes banques sont restructurés par les états sur l'argent des contribuables. Intraitables ils peuvent l'être, pour pousser le gouvernement Syriza à la faute : soumission ou exclusion et Syriza a dû reculer.
Reculer pour mieux sauter ? nous verrons. Ce calcul est le plus souvent illusoire.
Mais risquer d'emblée l'expulsion de l'Europe et de l'Euro eût été une lourde responsabilité qui n'avait pas fait partie de la campagne électorale ni des promesses, ni, à ma connaissance soyons clairs, d'un consensus dans Syriza. Sortir ne faisait pas partie des options.
Il faut le dire quand même à ceux qui regrettent l'affrontement évité, être poussé à l'expulsion, choisir le fameux grexit, aurait été AUSSI une défaite : démonstration n'aurait-elle pas été faite illico par l'Europe libérale de ce qu'on ne pouvait que rester dans ses clous ou sortir ? N'aurait-il pas été dit ainsi à tous les peuples, de façon spectaculaire, que voter autre chose que libéral conduisait à se faire exclure ?
Cette démonstration certains dirigeants européens auraient voulu et veulent certainement encore arriver à la faire avec la Grèce.
Certes la position de repli prise par Syriza est calamiteuse, mais la SITUATION est calamiteuse. Car le gouvernement avait-il le choix ? Quoi qu'en disent ceux qui en appellent aux luttes, aux luttes, aux luttes (dirais-je pour une fois), à la résistance (desd autres) ou au fameux "qui n'avance pas recule", il me semble que ce petit pays même en grève générale avec occupation, émeute et contre pouvoir ne serait resté qu'un nain anecdotique pour les durs de l'Europe libérale, un nain à briser ou à expulser.
Un bon exemple.
Alors quelle politique possible ? Un gouvernement qui louvoie, recule, essaie de temporiser, négocie l'inégociable avec l'approbation à la fois effrayée et fière d'un peuple qui n'est prêt ni à céder ni à quitter ? De l'autre sa gauche qui le conteste, demain sans doute des mobilisations, une situation certainement chaotique ? En embuscade tranquille, l'Europe libérale toutes dents dehors, sinon tout sourire, sûre de bien développer la démonstration avant que Podemos l'emporte, pour que Podemos ne l'emporte pas, ni quiconque ailleurs.
On peut peut-être imaginer que les trois années données au gouvernement français pour se mettre en fin en dessous des sacro saints 3%, l'ont été pas seulement pour éviter une récession à la France comme il se dit, mais aussi pour éviter une confrontation brutale avec son peuple, d'éventuelles turbulences dans le deuxième pays de l'Union alors que ça secoue en Grèce et que ça monte en Espagne...
Il n 'y a pas d'issue, soyons honnêtes et lucides pour une fois par de là les doxa et les leçons (faciles à donner depuis les rédactions et les QG politiques parisiens) il n'y a pas d'issue pour la Grèce tant qu'une contagion ne commence pas. Que compte la Grèce pour Berlin et ses alliés ?
La Grèce ne semble pas faire peur aux marchés qui semblent s'en contreficher et se tâtent plutôt devant les offres somptuaires que la BCE fait aux banques (bien plus qu'aux états) sauf aux grecques bien sûr. Alors la Grèce peut trépigner, crier, manifester, ils veulent seulement, pain béni avec un petit pays de ces paresseux irresponsables assistés et traficoteurs de méditerranéens, faire un exemple.
Mais pas seulement un exemple, l'EXEMPLE terminal, celui qui parachèvera la mort de la politique en Europe, le règne du libéralisme bancaire et des grands trusts avec, s'il le fallait, des droites extrêmes prêtes à serrer les derniers boulons du carcan dans lequel les peuples sont pris. En France entre autres, où il est bien besoin d'une droite autoritaire pour "finir le travail" libéral.
La Grèce est le pays rêvé pour cet exemple et l'état actuel lamentable, de la gauche radicale en Europe dont Syriza est cependant un exemple avancé, permet encore aux capitalistes tous les espoirs d'en finir avec les fauteurs de troubles et les contestataires antilibéraux.
Alors, bon an mal, ne tirons pas sur le pianiste, sans pour autant retenir nos doutes ni nos objurgations, soutenons y compris ce gouvernement qui est, quoi qu'il en aie, contraint à godiller, tenter de bluffer, louvoyer, mégoter... tant qu'un relai ne lui viendra pas en aide.
Et nous avons notre (ir)responsabilités dans sa situation, tant sont patents nos échecs à construire entre erreurs gauchistes et prudences velléitaires, une gauche alternative aux vieux partis post staliniens et aux avatars de gauche de la social démocratie en mal de renouveau.