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Billet de blog 11 septembre 2013

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L'UTOPIE (HOMO)SEXUELLE (2)

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La fin de l'envoi

Il est inconfortable d’aller contre l’air du temps et contre des avis qui aujourd’hui passent pour être de bon sens. C’est donc avec des doutes et malgré l’inhibition que je m’engage à rebours du « gayment » correct. Et que je m’aventure à contester ce que tout le monde s’accorde à applaudir comme du progrès ! Je tenterai de justifier le peu d’estime que je porte à l’évolution des homosexualités sur la voie de leur normalisation légale (comme réponse à l’aspiration à être « comme tout le monde ») c’est-à-dire à une sorte d’égalité reposant sur « les mêmes droits », ceux en vigueur pour ne pas dire des hétéro-droits (hum).

 On pourra voir, dans ces réflexions parfois acerbes la nostalgie d’un soixante-huitard bougon, désolé de voir ses rêves d’antan basculer dans l’obsolescence par le cours des choses et l’irrésistible réalisme de générations éprises de résultats. On pourra y suspecter la défense têtue, avant que vienne l’heure de rendre les armes, d’une homosexualité romantique et (con)damnée contre une gay way of life proposant tour à tour d’enfiler les charentaises de la conformité bourgeoise et les claquettes de festivités (stroboscopiques) vendue par un affairisme gay soupçonné d’être sans scrupule.

On pourra tout aussi bien moquer l’obsession supposée de coller de la subversion partout (ça n’a pas manqué dès la première et très argumentée réaction).

Rassurons-nous. Des avancées pour les homosexuel/les via la respectabilité, la légalité, la normalisation, les institutions (du mariage, de la parentalité, du business, de l’égalité) voire la loi du marché n’ont rien de nécessairement choquant en soi. Se elles pouvaient être la solution aux problèmes que l’Histoire nous a infligés, tant mieux. Il y a des familles homoparentales avec leurs besoins, des enfants à protéger, et si des gens veulent se voir lancer du riz dessus à la sortie des mairies : vive la fête ! Et ainsi de suite.

Oui, oui, il y a des normes respectables, le désir de respectabilité lui-même est normal, nous sommes contraints d’aller selon les règles en vigueur (le code de la route par ex.). Personne n’est obligé ni ne doit l’être de vivre dans l’exceptionnalité, l’excentricité ni la provocation ni je ne sais quelle marginalité subversive.

Aspirer à la banalité témoigne d’un ego apaisé qui n’a rien à prouver ni personne à supplanter, ce qui est plutôt sain. Il est parfaitement légitime de vouloir mener sa vie benoîtement, sans avoir à s’exposer aux regards des autres ni à mettre de l’énergie dans autre chose que vivre en compagnie des personnes de son choix, le cours, aussi paisible et agréable que possible du temps qui nous sera imparti. Malgré la maladie, les catastrophes, les aléas du travail contraint, les guerres et autres joyeusetés de l’époque.

Je ne suis donc pas adepte de la philosophie élitiste de l’homosexualité selon laquelle chacun devrait « faire de sa vie une œuvre d’art » (selon Oscar Wilde puis Michel Foucault) ou aller décrocher une lune au risque sinon « de ne pas avoir réussi sa vie ». Je suis aussi un fervent adepte du banal droit au bonheur.

La question n’est pas là.

Elle est de savoir ce qu’est l’homosexualité dans le champ et l’histoire de la sexualité. Quels sont les besoins réels de l’émancipation homosexuelle. Quels sont les voies et les objectifs  de celle-ci afin qu’elle libère sans retomber dans une autre ornière que celle de sa difficile destinée historique. Il ne  faudrait pas que sous prétexte de se libérer des inhibitions et pressions homophobes séculaires voire millénaires, on en vienne à accepter de nouvelles inhibitions et instaurer de nouvelles pressions normatives.

Elle est donc dans la crainte (confirmée) d’une voie qui ne correspondrait pas à ce que sont les l’homosexualités ni à leurs besoins émancipateurs propres, et qui les amputerait de ce qu’elles recèlent d’apport original à la sexualité future, sexualité à émanciper et construire (l’utopie (homo)sexuelle) elle aussi.

Tel est le souci.

Ce que propose le discours sur les droits et l’égalité, c’est de se conformer aux cadres existants, s’y fait une place, c’est tout. Se conformer comprend une dose de déformation. Le mariage qui est aujourd’hui au centre des stratégies associatives d’intégration des personnes LGBT dans le monde mérite réflexion. Sexualité privatisée, clôture dans le couple monogame, leur fétichisation comme valeurs capitales de la relation amoureuse, parentalité à deux à l’exclusion du troisième partenaire, ainsi de suite. Est-on sûr que cela va dans le sens de l’aspiration massive, du besoin partagé des LGBT ? Ou de minorités conformistes sous la pression d'un air du temps qui va dans le sens du réarmement moral(iste) ?

Aspirer à « être comme tout le monde » ? C’est absolument légitime. Encore faut-il l’entendre correctement ! Ce qui se dit au travers de l’aspiration à « être comme tout le monde », contrairement à ce qu’on pourrait penser, est-ce l’acceptation des us et coutumes en vigueur, une révérence à l’égard des institutions dominantes, une allégeance ?

Ce serait, à mon sens, bien plutôt l’exact inverse, formulé certes sans colère et sans éclat et sans romantisme élitiste et sans forcément y penser. « Vouloir être comme tout le monde » quand on est un/e réprouvé/e ce n’est pas vouloir être "comme" tout le monde, mais dans sa particularité être traité comme tout le monde. C’est vouloir être soi parmi tout le monde, être soi comme on est, comme on l’entend, à sa façon ni plus ni moins sans rien céder mais sans que quiconque y ait à redire et sans avoir à, s’amputant, se conformer !

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