Je dois dire que je ne comprends pas que des camarades qui ont des trajectoires politiques plus qu’honorables et donc de l’expérience, puissent en cet automne d’élection présidentielle, car nous y sommes, sortir ou signer un texte comme « faisons front ».
Il y a quelques mois j’avais espéré que Mélenchon allait nous proposer une campagne unitaire. Je pensais qu’un homme honnête et lucide pouvait peut-être avoir cette démarche, surtout du haut des 11% des présidentielles précédentes, devant l’urgence de « battre à gauche » si possible le social libéralisme (bien plus libéral que social) de Hollande-Valls, et de redonner une forme de victoire aux résistances.
Je pensais qu’il pourrait avoir à cœur (et la sagesse) de constituer une plateforme ancrée dans l’urgence des urgences qui est bien sûr l’urgence sociale, le partage des richesses, la lutte contre la pauvreté des personnes et l’appauvrissement des services publics, contre la toute puissance des banques et l’arbitraire patronal, contre l’Europe des ultra libéraux bornés et ses racismes montants. Je pensais qu’il n’était ni irréaliste ni compliqué d’en concevoir une scrupuleusement compatible avec la diversité des gauches de la gauche, de proposer des rencontres et des colloques devant déboucher sur un appel commun, des collectifs larges et une campagne sinon enthousiaste du moins sérieuse.
Mais voilà Mélenchon ennivré sans doute par la place que lui a conférée le score unitaire (et non « le sien ») d’il y a quatre ans, décide de s’accaparer sa notoriété et de créer sa petite entreprise modestement intitulée « la France Insoumise » (sauf à lui). Saisi par l’ivresse de soi comme Mr Le Trouhadec le fut par la débauche, Mélenchon s’asseoit sur l’unité, sur son parti, sur la diversité de la gauche de la gauche et enfourche allègrement ses dadas pour ne pas dire ses lubies, à base, hélas, d’un potage social-chauvin qui par moment dégage des fumets plutôt nauséabonds en ces temps délétères…
Faut-il revenir surs ces… saillies… « social-populistes » pourrait-on dire ? (Europe allemande, travailleurs mangia pan, burkini provocateurs, réfugiés indésirés…).
Je me suis dit, ce n’est pas possible cet appel, ces camarades sont soit dans la tacticaille soit en retard de plus d’un train.
La tacticaille ce serait que cet appel ait deux motivations qui ne s’avouent pas, façon billard à x bandes. La première venant de communistes pour l’essentiel, aurait pour fonction d’empêcher leur parti de présenter son propre candidat ou d’en soutenir un venant des frondeurs. Il aurait suffi d’un appel disant cela tout net et la vérité à tout le monde. La seconde serait de doper la campagne de Mélenchon avec un soutien critique, l’essentiel étant bien sûr le soutien car on sait ce que Mélenchon fait de la critique. Ce serait donc orchestré en sous main par la garde rapprochée de ce dernier, qui aujourd’hui ratisse tout ce qu’elle peut repérer de soutien y compris les lectrices/eurs de Gala et les tenants de la macrobiotique (contre qui je n’ai rien)
Ou alors une fois de plus la cohorte des "professionnels de la personnalité de gauche", signataires à hue et à dia de ci de là d’appels sans suivi ni effet se lancent à contre temps et affectent de vouloir remporter une bataille déjà jouée, pour la pose sinon l'honneur tout en nous demandant de cautionner voire d'applaudir ! Ou alors ils se font instrumentaliser par les diverses forces et sous forces qui les travaillent depuis au moins vingt ans et contre lesquelles, velléitaires, ils n’ont jamais fait preuve de beaucoup de sens tactique. Une fois de plus les voilà, s’étant refusés à franchir un vrai rubicon d’autonomie, de proposition, de rassemblement, les voilà incapables d’appel sincère, pensé et organisé à constituer une force nouvelle. (On les a vus traiter de haut, et avec angoisse un moment, la création hélas avortée du NPA, trop rouge pour eux).
S’ils avaient un tant soit peu d’honnêteté, de vertèbre ou de lucidité, je ne sais plus que dire ni que penser d’eux, ce n’est pas maintenant que les jeux sont faits qu’ils auraient lancé leur appel. Dans l’appel il y a de bonnes choses, dont une : celle d’appeler à une forme d’autoorganisation, ce qui ne se fait pas en signant un follicule appelant de plus, mais en ayant un plan de travail, un projet sincère et du temps devant soi. Donc c’est il y a un an au moins que ces belles signatures auraient du fleurir, leur appel essaimer, des assises se tenir par exemple au printemps dernier. Cela aurait eu deux mérites : celui d’un possible efficacité de rassemblement et surtout celui de la sincérité. Car tel qu’il est et au moment où il tombe cet appel n’est ni réel ni sincère, simplement une posture qui nous prend un peu pour des imbéciles.
Pour des milliers d’entre nous qui n’y pouvons hélas mais, tout en ayant tellement espéré autre chose, c’est un appel de faux jetons servis sans doute par quelques naïfs, qui se moquent de ceux à qui ils s’adressent, nous autres le bas peuple de la gauche de la gauche, militants associatifs, syndicaux, politiques de base. Car nos appelants savent fort bien que là maintenant, à ce moment bien avancé de la séquence présidentielle, de collectifs il n’y aura plus, de candidat unitaire pas plus, et d’influence sur Mélenchon nenni, macache, peau d’zeb.
Et je reste poli.
NB. On peut aussi faire de la politique sans professionnels de l’appel et sans soutenir de candidat à la présidentielle.