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Billet de blog 11 octobre 2014

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Le Congrès du NPA annoncé : 3, anticaptaliste et révolutionnaire ???

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Les débats dans le NPA sont à tel point autocentrés qu’ils en deviennent incompréhensibles à l’extérieur. Par exemple l’emploi du terme « le NPA vise à rassembler les anticapitalistes et les révolutionnaires » semble de bon aloi, apaisant, œcuménique, du moins ainsi le voudraient ceux qui ambitionnent de se situer au centre du NPA et y jouer les « faiseurs de majorité » de la future direction.

En fait, derrière ces deux vocables se cachent deux projets inconciliables : l’un doctrinaire conserve le projet d’un NP(A)R, délimité par une stratégie révolutionnaire héritière de la révolution russe, du bolchévisme et du léninisme avec le tryptique : classe ouvrière -sans qu’on sache où elle commence et finit (ni si à 27% sur plus de 80 de prolétaires, somme toute, sa dictature reste à l’ordre du jour) -, grève générale - à l’heure où les révolutions mélangent mobilisations de rue, blocages des villes, grèves - enfin insurrection (armée ?) avec en arrière plan un parti guide à la manœuvre. Si telle est la délimitation donnée au NPA alors cela  signifie que le « la » doit être donné par les révolutionnaires et que les anticapitalistes sont aimablement invités pour meubler et se convertir.

Cela signifie aussi qu’on tire un trait sur cent ans de luttes de classes, d’évolution du capitalisme, de mutations dans la classe dite ouvrière, de l’extrême amplification (78% de la population voire plus de 90%) du salariat (le prolétariat), de la dislocation du mouvement ouvrier et des lourds passifs qui lui sont indissolublement attachés.  Aujourd’hui ce n’est plus du seul mouvement ouvrier que surgissent et sont identifiées les dénonciations du capitalisme ni les résistances qu’il rencontre ; ossifié et intégré le mouvement ouvrier aurait tendance à voiler les incohérences, les scandales et la crise du capitalisme dont à des degrés divers ses composantes accompagnent les mutations. Et l’extrême gauche en reste à bégayer des recettes et des concepts qui n’ont jamais fonctionné, dont le seul mérite serait de les revisiter de fond en comble, sans esprit de chapelle, à la lumière des évènements contemporains.

La crise sociale est aujourd’hui multiforme exactement comme le prolétariat s’est amplifié et diversifié (avec ce que cela porte aussi en germe de divisions). Du coup les expressions de la colère anticapitaliste sont diverses, complexes, confuses aussi sans pour autant manquer de radicalité.

Le travail à y effectuer n’est pas de leur «  réinsuffler une conscience de classe » ce qu’un texte donne comme objectif au NPA (avec ses petits bras musclés ! je rêve), conscience de classe qu’elles auraient perdu. Ok, mais « nous sommes les 99%" n’est-ce pas une forme de conscience de classe qui vaut celle dévoyée que donnait le stalinisme ? Il importe surtout (j’entends d’ici glousser mes doux doctrinaires) que le prolétariat «se réenchante », acquère à travers ses luttes le goût de son savoir faire, de son savoir vivre ensemble, de sa créativité historique à travers la multiplicité de ses expressions anticapitalistes actuelles, et puise dans cette énergie un renouveau de pensée, de projet, de stratégie.

Mais cela l’orthodoxie ne veut pas le voir.

Ainsi par exemple peut-on lire dans le même texte (par ailleurs enfileur de banalités pseudo marxistes révolutionnaires) « Nous ne confondons pas l’anticapitalisme avec les conceptions de la décroissance ou de l’anti productivisme qui pose la question comme s’il pouvait y avoir de réponse sans en finir avec la domination de l’oligarchie financière, hors des luttes de classe. »

D’abord soulignons que décroissance et antiproductivisme « posent la question », justement, et, pour certaines de leurs composantes en des termes de lutte que nous partageons. Or le préalable doctrinal (« il ne peut y avoir de réponse sans… ») posé par l’auteur du texte cité, entend clairement que la révolte des décroissants dont les attendus et les conclusions sont certes discutables mais la critique du capitalisme acérée, n’est pas dans l’aire politique de l’anticapitalisme. De même l’antiproductivisme ne pourrait pas être un tremplin vers une lutte contre le capitalisme réellement existant. Si on le suit il ne reste de place dans ce parti prétenduement des anticapitalistes et des révolutionnaires qu’aux… révolutionnaires parce que si l'on étend la formule, ceux qui luttent contre les licenciements s'ils ne conviennent pas que "il ne peut y avoir de réponse sans...", ceux qui luttent pour le mariage pour tous... idem, ainsi de suite.

De doctrinaire la position en devient sectaire.

 Anticapitaliste, on en a déjà parlé, cela signifie qu’on ne part pas d’une doctrine, d’une vision de la révolution préétablie, ni d’une articulation mécanique, mais de la complexité de l’Histoire et de la réalité de la conscience : l’anticapitalisme contre la folie capitaliste doit rassembler les colères, les indignations, les luttes d’autodéfense comme d’émancipation et servir de creuset à travers les luttes partagées, à la triple maturation d’une lecture lucide du capitalisme, d’un processus révolutionnaire du XXI° siècle et d’un socialisme à réinventer (et réenchanter).

Et si tel n’est pas le cas du parti que nous voudrions construire, alors on ne voit pas l’utilité du terme anticapitaliste, il serait une arnaque, un miroir aux alouettes, le faux nez de révolutionnaires sectaires et roués.

Dans la réalité cela donne de la part des « doctrinaires de la révolution » une culture de la méfiance voire de l’agressivité envers les supposés capitulards de l’anticapitalisme présentés comme des mous, confusionistes, sous marins conscients ou inconscients des « réformistes » (La GA en étant le prototype achevé alors qu'elle est porteuse d'une hypothèse à mon sens erronée). Cela donne une culture du refus du débat fraternel dans et hors du parti, une arrogance de sachants qui doivent être patients avec les imbéciles, une incapacité à entendre et composer avec le reste de la gauche de la gauche. (Le réformisme n’étant d’ailleurs plus une illusion politique portée par des millions de militants sincères avec qui avoir des débats et faire des expériences pratiques, mais une sorte de maladie honteuse à éradiquer). Ce sectarisme poussé à son extrême vide des comités entiers de leurs militants anticapitalistes (et de toute vie raisonnable et fraternelle) et a sans aucun doute contribué à l’échec du lancement du NPA.

Il est à l’opposé du projet NPA qu'il entrave.

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